Sable, sous-marine, sexe

22 février 2009

Après sept semaines de séjour aux Philippines, le jugement des Piche est sans appel : pour un occidental, un voyage dans ce pays ne peut répondre qu’à trois attentes :
- « buller » sous les cocotiers, sur des plages de sable blanc à l’abri d’un soleil mordant
- plonger pour admirer l’extraordinaire vie sous-marine de l’une des 7107 îles de cet archipel
- enfin… euh, comment dire, travailler au rapprochement intime, très intime avec la population féminine et/ou celle qui voudrait l’être.
Comme les Piche ne sont guère « bulleurs » (en dépit des cours de « rien foutage », « farniente », délivrés par Claire, salut Claire!) et que la troisième voie ne les séduit pas vraiment, leur périple s’est nettement orienté vers la vie sous-marine.
Après une première expérience forte de plongée libre en début de voyage (Philippines 3), les Piche n’ont eu de cesse que d’en voir plus.
Ils ont été comblés à plusieurs reprises. Les sanctuaires marins de l’île de Balicasag et de Dauin leur ont offert des visions de vie luxuriante, diversifiée à l’extrême aussi bien de coraux que de poissons. Cela entre 20 cm et 5 m de profondeur.
A Dauin, Raoul n’en pouvait plus de suivre un gros mérou de près de 10 kg qui tentait de se cacher sous des coraux dans à peine 2 mètres d’eau !
A une profondeur presque aussi ridicule, Rose et Raoul ont pu voir à plusieurs reprises des tortues de mer nullement apeurées.
A force, Raoul a voulu faire durer le plaisir en plongeant avec des bouteilles. Bien qu’adepte de cette activité depuis quarante ans, il ne disposait d’aucun document attestant de son expérience ce qui l’empêchait d’aller dans des centres de plongées. Si fait, il a successivement obtenu les qualifications « open water diver » puis « advanced diver » Padi. Cela lui a permis de nager plus de 12 heures au milieu des poissons dans des plongées successives : nudibranches multicolores, poissons lion, serpents annelés, énormes caranques de 20 kg en banc, nuage de poissons chirurgiens, murène ruban, poissons chauve-souris, étranges poissons couteaux qui se tiennent en position verticale la tête en bas en permanence, sans oublier la saga des habituels poissons papillons, empereurs, picasso, citron, clown etc. ainsi qu’une hallucinante sèche d’environ 50 cm de long ! (pour mettre un visage sur certains de ces noms, cliquer en fin de texte sur le lien « Photos de poissons des Philippines »).
La variété des coraux durs et mous, des gorgones, des magnifiques feuilles étoiles jaunes, vertes, noires font qu’aucune plongée ne ressemble à la précédente. L’énumération de ce qui est vu à chaque fois est impossible.
Ceux qui ne sont pas familiers du spectacle sous-marin doivent savoir qu’il s’observe à quelques centimètres et, tout au plus, à 3 ou 4 mètres de distance seulement. L’observation d’un monde si vivant, si actif et si coloré avec une telle proximité est unique. Aucun oiseau ne se laisse approcher comme un poisson !
D’après leur expérience et les contacts qu’ils ont ici avec des pros de la plongée, les eaux des Philippines permettent de voir certaines formes de vie rares ou absentes ailleurs. En revanche, elles sont pauvres en très gros animaux tels que raies manta, requins baleines ou plus petits, visibles en Polynésie, à Madagascar ou en mer Rouge.
Bien sûr, les côtes des Philippines ne contiennent pas toutes ces richesses, loin s’en faut. La dynamite, le cyanure et les typhons ont ravagé bien des coraux et la vie qui va avec. Les bons lieux de plongées sont donc dûment répertoriés et pour s’y rendre il faut en général trois quarts d’heure à une heure de bateau.
On l’aura compris, les Piche s’éclatent dans la mer. Mais ils rappellent à ceux qui n’auraient d’attirance pour le poisson que dans leur assiette que, s’ils viennent aux Philippines, il leur reste les plages de sable, les cocotiers et… le rapprochement intime avec la population féminine, réelle ou supposée telle.
A bientôt

Quelques images prises sur le vif, où l’on constatera que Raoul ne dit pas la vérité sur les Philippines. Il y a aussi quelques beaux endroits qui ne sont pas au bord de l’eau.
Photos diverses

Pour tenter de donner une petite idée de ce qu’on voit sous l’eau, Raoul qui ne dispose toujours pas d’appareil de photos sous-marin a volé les quelques clichés suivants :
Photos de poissons des Philipines

Déluge sur Dumaguete et Cebu

10 février 2009

- Je me demande si nous ne leur portons pas la poisse aux Philippins. Tu as vu ce qui tombe ? Le même déluge que chez nous les jours où nous sommes inondés.
- Oui, mais ici ce sont les tropiques, ils ont l’habitude.

Faux !

Le lendemain, au vu des dégâts, les Piche se rendent compte que cette pluie intense qui a durée un jour et une nuit n’est pas habituelle. Ce que leur confirment plusieurs personnes.

Les maisons de bambous appuyées sur les bords bétonnés d’une rivière que Rose et Raoul avaient aperçues deux jours auparavant, ne sont plus que de lamentables amas de débris. A quelques kilomètres de la ville, les Piche arrivent à un village coincé entre mer et montagne. Dévalant des hauteurs, un torrent de boue a charrié blocs de pierres, arbres, branchages qui ont envahi et bombardé les frêles demeures.

L’eau stagne encore dans les maisons et les commerces situés en contre-bas de la route.

Ici, un cocotier est entré par la porte puis a commencé à sortir par la fenêtre avant de se décider à rester là. En plein milieu de l’habitation. Munie d’une machette, le propriétaire entreprend laborieusement de le couper en morceaux pour l’évacuer. Il sourit à Raoul lorsque celui-ci prend une photo.

Plus loin, le fabricant de cercueils, hilare, pose une bouteille de San Miguel à la main devant sa production qui émerge des flots au rez de chaussée. Le plus « beau » modèle, blanc, doté de décorations kitchissimes vient d’être sorti sur la route et placé sur des tréteaux. L’artisan l’exhibe fièrement. Il soulève le lourd couvercle pour que Raoul en apprécie l’intérieur comme s’il s’agissait d’un appartement témoin.

De l’autre côté de la route qui traverse le village, l’épicière a sorti le contenu de sa boutique pour trier et faire sécher. Les Piche ont trop vécu la même scène pour ne pas compatir et le manifester à cette femme désolée. Son voisin, le marchand de bois, a vu son hangar s’effondrer et son camion verser dans un éboulis.

La gargote du village à ouvert malgré tout. Pour y accéder, des planches ont été disposées sur des caisses de bière retournées. Avec leur bardas, les Piche empruntent l’étroite passerelle pour accéder à une table. Rose se dirige ensuite vers les casseroles dont elle soulève les couvercles pour connaître le menu, comme cela se pratique habituellement. Il faut faire vite, le bus qui doit les amener vers le nord va arriver d’un instant à l’autre. Deux adobos de poulet avec du riz blanc, parfait.

Le long de la route, Rose et Raoul aperçoivent le spectacle désolant de maisons traditionnelles dévastées.

« Dans son infinie bonté, le ciel a surtout frappé les plus pauvres », note Rose.

Lorsqu’ils apprennent que l’épisode a fait cinq morts, Raoul, de son côté, a une pensée pour son croque mort. « Sa petite entreprise ne connaît pas la crise… ».

A bientôt.

Pour voir des photos relatives à ce texte et au lendemain plus ensoleillé, cliquez ci-dessous.

Déluge sur Dumaguete et Cebu

La fin du voyage… pour Magellan

7 février 2009

Lorsque les roues de leur avion touchent le sol de la petite île de Mactan, les Piche ont une pensée pour un voyageur d’une catégorie au-dessus de la leur : Magellan.

Pour lui, Mactan a été la fin du voyage.

L’île est si petite qu’il pensait pouvoir la soumettre avec 60 soldats espagnols. C’était sans compter avec Lapu Lapu, le chef du lieu. Les Espagnols ont été mis en déroute et Magellan tué.

Aujourd’hui, le poisson le plus prisé des Philippins a pour nom Lapu Lapu. Honneur au vainqueur. Mais tous les Philippins, ou presque, sont catholiques. Honneur au vaincu.

Et quel honneur !

Le dimanche, la plus petite église du plus modeste village affiche complet. De nombreux fidèles suivent le rituel depuis le parvis.

Avant de prendre la mer, le catamaran rapide, ultra moderne qui relie Cebu à Bohol diffuse sur grand écran LCD… une prière confiant la vie des passagers à la grâce de dieu.

- Je préférerais savoir que le commandant possède les qualifications pour nous amener à bon port, remarque Rose, aussi anticléricale sous les tropiques qu’en climat tempéré.

Deux jours plus tard, juchés sur une moto, les Piche partent en promenade. Pendu à la poignée gauche, un chapelet. Pendu à la poignée droite, un second chapelet.

- En cas de panne, nous sommes parés, remarque Raoul qui aime bien les systèmes doublés.

Arrêt dans un village qui fête « Nuestra senora de la paz buen viaje » (en espagnol dans le texte). A l’entrée de l’église une affiche donne le code vestimentaire : pas de jupe serrée, ni trop courte, pas de décolleté, pas d’épaules dénudées, pas de short, etc.

Les Piche restent dehors. Ils font la causette avec des gens venus pour la fête. Une femme leur demande leur religion. Embarras des Piche qui ne veulent pas heurter ces personnes aimables et souriantes avec leur anticléricalisme primaire.

- Nos familles étaient catholiques, répondent-ils lâchement.

Mais, moins de cinq minutes plus tard, Rose disserte sur les atrocités commises au nom de dieu et justifie ainsi ses distances avec toute croyance divine.

- Tu n’as pas pu t’empêcher ! Lui fait remarquer Raoul.

- C’est dans ma nature. Tu sais, l’histoire du scorpion…

Toutefois, Rose note avec satisfaction que ces catholiques si pratiquants font preuve d’une tolérance totale envers ceux qui affichent des orientations sexuelles que Rome n’approuve guère.

- Les colons espagnols ont gagné, certes, mais il y a un Lapu Lapu qui sommeille et qui résiste chez chaque Philippin, formule Raoul en guise d’analyse tropicalisée à la San Miguel Beer (SMB pour les initiés, hip’s).

A bientôt.

Pour voir quelques photos sans aucun rapport avec ce texte (!) cliquer ci-dessous

http://www.raoulpiche.fr/?page_id=3598

Tu ne dis pas tout !

3 février 2009

- Tu ne dis pas tout. Alors, ils s’imaginent que les Philippines c’est le paradis des voyageurs, reproche Rose à Raoul.

- Tu as peut être raison. C’est vrai qu’aujourd’hui nous étions partis pour faire le tour de l’île de Siquijor à moto et nous voilà obligés de nous réfugier ici.

Le malheur s’est abattu sur les Piche sous la forme d’un orage tropical. Ils ont tout juste eu le temps de garer leur petite moto et de s’abriter sous la grande terrasse de la Pagoda Verde, un restaurant traditionnel, à deux pas de la plage.

Terrible !

Au menu, seiche et calamars avec une délicieuse préparation typiquement filipinos. Las, le luxe a un prix : 3 euros pour elle, 3,5 euros pour lui.

- Et la plongée libre sous l’orage? Tu ne l’as pas racontée ! Insiste Rose.

Exact. L’un des plus beaux sites de plongée qu’aient vu les Piche, ils l’ont découvert sous une pluie battante. Le dos refroidi par les gouttes, si bien qu’il leur fallait effectuer des apnées pour se réchauffer dans l’eau de mer à 28°C. Epouvantable !

- Et les Chinois de Loboc. Tu n’en dis rien !

Ah! La hutte des Piche à Loboc. Très écolo. Entièrement en feuilles de palmier et en bambou. Comme chez Régina mais sur pilotis. Chaque hutte comporte deux chambres séparées par une cloison de palmes tressées qui assure une totale intimité avec les voisins. Qu’ils parlent, qu’ils pètent, qu’ils rotent, c’est exactement comme s’ils étaient dans la chambre de Rose et Raoul. De 23h à minuit, leurs voisins chinois ont préparé leurs bagages car ils partaient très tôt. Pour cela ils ont parcouru 5 km dans leur chambre, chaque pas faisant bouger les lits des Piche. A 5h réveil général. Rose a mal supporté. L’escale de Loboc a été raccourcie d’un jour.

Dommage. Le lendemain, leur voisin était un célibataire polonais, 100% silencieux, 100% immobile (« Peut-être est-il fin saoul? ». « Arrête avec les clichés. Les Polonais ne sont ni tous alcoolos, ni tous plombiers »). Une nuit parfaite pour les Piche. Mais de crainte que le Polonais ne soit remplacé par d’autres Chinois, Rose a déclaré forfait.

- Et les banques qui ne veulent pas changer nos euros. Pas un mot !

- C’est vrai. On a failli sombrer dans la misère les poches pleines d’euros. Dur, dur !

Heureusement, il y a des escrocs comme Western Union qui font le travail des banques à des taux indécents.

- Les pauvres banquiers, on ne peut pas leur en vouloir, ils sont au bord de la banqueroute. On ne va pas alourdir leur fardeau. Regarde, il n’y en a pas un seul à Davos, cette année. Ils n’ont plus les moyens.

- L’année prochaine, ils n’auront qu’à venir à Siquijor. On leur servira des poulpes grillés. Les structures tentaculaires, c’est leur truc.

A bientôt

Pour voir des photos sur les déplacements des Piche, leur hutte, l’intérieur des terres, l’habitat, la vie sous-marine… cliquez ci-dessous.
Photos variées

Les Piche perdent leurs habitudes

30 janvier 2009

- Combien as-tu payé le repas ? Interroge Rose.
- 35 francs, répond Raoul.
- Tu comptes en francs !? Tu régresses !
- Comme le change est de 66 pesos philippins pour un euro, on est exactement à la parité franc-euro à un facteur dix près, se défend Raoul. Tu prends le prix en pesos, tu divises par dix et tu as le prix en francs.

Depuis presque un mois, les Piche ont donc oublié l’euro. Bien d’autres choses aussi. Ce qui participe au charme du voyage.

Ainsi, l’exactitude des horaires n’est pas dans la tradition du pays. L’exactitude tout court, devrait-on dire. Un fait qui se traduit par ce splendide oxymore, « sure, maybe » (« c’est sûr, peut être ») auquel répond, parfois, « hurry up, then wait » (« dépêchez-vous et attendez »).

Dans certains endroits, comme à El Nido, c’est avec l’habitude du courant électrique 24h/24h qu’il faut rompre. Tel un allumeur de réverbères, un employé de l’électricité d’El Nido, muni d’une longue perche pousse un contacteur en haut des poteaux électriques pour donner du courant à partir de 18h à un quartier de la petite cité. A 20h, c’est au tour d’un autre quartier et ainsi de suite. Mais parfois, c’est la panne et il n’y a plus de lumière pour personne durant deux à trois jours. Les repas aux chandelles sont si romantiques. Les douches et les wc un peu moins.

L’ambiance sonore est également différente. Au premier chef, il y a les coqs mais nous n’en dirons rien. Leur compte a été réglé dans un récit précédent. Il y a ensuite les SMS. La téléphonie cellulaire est présente partout mais elle est quasi exclusivement utilisée par les Philippins pour envoyer des SMS. Si bien qu’à tous moments et en tous lieux on entend le bip bip de réception des messages. Ce son si caractéristique fait partie du paysage sonore comme ailleurs celui des grenouilles.
Très populaires les karaokés méritent une mention spéciale. Très puissants, ils nichent n’importe où. Une paillote en bord de route peut être dotée d’une redoutable installation capable de diffuser des fausses notes dans un rayon de plusieurs centaines de mètres.

Dans la plupart des lieux d’attente, gare routière, aérogares, etc. ce sont les moniteurs TV tonitruants qui occupent l’espace sonore. La lecture ne semble pas faire partie des occupations permettant de passer le temps.

Dans le registre des transports ce sont les tricycles à moteur qui règnent en maîtres dans les petites  villes. Une course coûte 80 centimes de francs…
- Tu ne peux vraiment pas donner ce prix en euros ? Tonne Rose.
- Si bien sûr, il suffit de diviser mentalement 8 par 66. Facile ! Je peux même te dire combien coûtent 2 courses ¼ en bath Thaïlandais si ça t’arrange, lui répond Raoul, fâché.

C’est la crise chez les Piche. La crise monétaire. C’est très tendance.

A bientôt.

Le danger est ailleurs

28 janvier 2009

Quand des amis et des proches sont au bout du monde, on s’inquiète souvent pour eux.

C’est le cas des Piche.

Ils s’inquiètent pour ceux qui se trouvent à des milliers et des milliers de kilomètres d’eux. En particulier, ceux qui se trouvent en Europe.

En regardant la télévision, aux Philippines, Rose et Raoul découvrent, effarés, que des vents d’une violence inouïe abattent les arbres sur les maisons, les voitures, les gens. Que des objets volants tuent. Que les survivants meurent asphyxiés par les gaz d’échappement des groupes électrogènes ou qu’ils tombent des toits en tentant de les réparer. Qu’il n’y a plus d’électricité ni de téléphone.

Quand ce n’est pas le vent, c’est la neige qui emporte les skieurs par paquets de cinq.

Et, lorsque ce n’est pas la nature qui provoque des catastrophes, ce sont les enfants que l’on égorge dans leur crèche ! Quelle horreur !

Vu des Philippines, l’Europe est une terre d’aventure. Dangereuse à bien des égards.

Sur la petite île où sont les Piche en ce moment, le seul risque est d’attraper un coup de soleil. Mais entre un coup de soleil et un coup d’arbre sur la tête…

A tous qui lisez ces lignes sur le vieux continent, les Piche demandent donc d’être prudents. La rue n’est pas sans danger.
Y compris pour les chefs d’Etat. Notamment le 29, selon les astrologues philippins.

A bientôt.
Pour voir quelques paysages assez peu tourmentés, fréquentés par les Piche, cliquer ci-dessous
Paysages de l’archipel de Bacuit, nord Palawan

Coqs : la vengeance des Piche

21 janvier 2009

Dès leur première nuit à Manille, les Piche ont voué une profonde détestation à une créature très philippine : le coq.

Il est partout.

Ville de 12 millions d’âmes ou de 200, peu importe, des coqs veillent à quelques mètres de la chambre des Piche. Et, dès 5 heure du matin, « cocorico » !

Une horreur.

Mais pourquoi tant de coqs ? Pour les combats. Pas de fête sans combat de coqs.

C’est dire que le jour où leur hôtesse, Régina, leur a signalé une « fiesta » (en philippin dans le texte), avec combat de volatiles, les Piche se sont cyniquement réjouis.
Ils tenaient leur vengeance.

Après 30 km de piste au milieu des rizières, de la montagne et des cocotiers, après avoir franchi quatre ponts en prenant soin de maintenir la moto dans l’alignement de trois madriers étroits, les Piche sont parvenus à Barutuan où se tenait la « fiesta ».

A force de tourner autour de l’arène et de poser des questions aux uns et aux autres, les Piche finissent par entrevoir le déroulement des opérations.

Deux groupes d’hommes accroupis face à face, chacun tenant un coq, présentent leur poulain à des concurrents potentiels. Il s’agit d’apparier les combattants à poids et à carrure égale. Lorsqu’il y a accord, ils partent préparer leur bête.

La préparation consiste à fixer sur l’une des pattes une redoutable lame d’acier rutilante. Elle est cérémonieusement choisie, en fonction de l’animal, parmi toute une série de lames disposées dans un écrin tenu par un assistant. Le choix des armes avant un duel.

Ainsi équipés, les coqs sont portés au centre de l’arène. Tout en les tenant contre leurs poitrines, les managers cherchent à les exciter en les rapprochant tête contre tête. Une fois, deux fois. Puis l’arbitre donne le signal … des paris !

La popularité des combats de coqs tient pour beaucoup à cette phase de l’événement. Les bras s’agitent, la foule hurle.

Les coqs sont placés sur le sol au centre de l’arène. Immédiatement, ils se jettent l’un sur l’autre. Des plumes volent. Les combattants se déplacent vers un coin du ring. Subitement, ils s’immobilisent, couchés. Plus un geste. L’arbitre les empoigne. Il les soulève et les place face à face presque à se toucher. Pas de réaction. Il les pose à terre. Un reste debout, c’est le vainqueur. L’autre reste couché, c’est le perdant. Il est mort. Le combat n’a pas duré une minute !

Les Piche n’ont rien compris.

L’argent change de main. Les combattants sont évacués. Deux autres se présentent. La mort pour l’un d’eux dans la minute.

Demain, à 5 h du matin, les Piche vont pouvoir dormir tranquille. Ils sont vengés.

- Quand même, c’est cruel, tente de dire Raoul, un brin hypocrite.
- Oui, mais au moins c’est un animal contre un animal. Pas un animal contre un homme.
- A quoi tu penses ?
- Je pense que les Philippins auraient pu imaginer de faire combattre un zébu avec ses cornes comme seule arme, contre un homme armé d’une longue lame d’acier. L’homme jouerait avec l’animal et le tuerait à la fin sous les hourra de la foule exultante.
- Beurk, heureusement les Philippins ne sont pas aussi cruels, répond Raoul.
A bientôt.

PS Pour voir des photos du combat de coq, cliquez ci-dessous :
Combat de coq

La maison de Régina et le village de pêcheurs

21 janvier 2009

La maison de Régina est en bambou.

Bambous entiers, demi-bambous, bambous tressés. Quelques madriers forment la superstructure. Le sol c’est le sable de la plage sur laquelle elle est posée. De la salle à manger à la salle d’eau, partout du sable soigneusement peigné tous les matins.

La maison de Régina est une maison d’hôtes qui comprend trois chambres. Leurs cloisons sont en bambous tressés, elles laissent passer l’air et le bruit. Bruit du clapot de la mer. Bruit des voisins aussi. Une pompe à main fournit l’eau du puits pour alimenter la douche et les wc. Dans la douche, l’éclairage provient d’une chandelle renouvelée chaque jour. L’eau froide est assez chaude pour se passer d’eau chaude.

Régina est de petite taille comme toutes les Philippines, rondelette comme peu de Philippines, avenante, chaleureuse, naturelle. C’est une femme d’affaires avisée. Partie de rien, elle développe son business petit à petit avec un grand sens du commerce.
Nous ferions bien un tour en bateau pour la journée, demain, lance Rose !
J’ai un bateau. Je vous arrange ça. Je prépare les repas à emporter, répond Régina.
Peut-on louer des motocyclettes quelque part ? Demande Raoul, une autre fois.
Je vous loue la mienne, si vous voulez.
Pourquoi tous ces coqs qui nous réveillent tous les matins ? Demande Rose.
C’est pour les combats. Samedi, il y en a à la fiesta de Banutuan. Vous voulez y aller ?

Et les Piche de se retrouver, le lendemain, autour de l’arène de combat de coqs.

Pour cela, ils ont emprunté la moto de Régina et parcouru 50 km de piste. Au retour, ils ont pris un chemin de traverse qui les a conduits à un village de pêcheurs, aux maisons en feuilles de palmiers séchées et en bambous. Comme la maison de Régina.

Le site est incroyablement beau.

Deux baies : une sous le vent à l’eau plate, l’autre au vent soumise à une légère houle sont séparées par un isthme de sable immaculé terminé par un monticule rocheux. Les deux baies sont bordées par de larges plages de sable éblouissant de blancheur. La première s’étend sur quelques centaines de mètres, la seconde bordée d’une forêt de cocotiers court sur plusieurs kilomètres, sans âme qui vive, sans habitation, vierge comme aux premiers temps.

Si l’adjectif « paradisiaque » n’était tant galvaudé c’est à ce lieu qu’il faudrait l’appliquer.

C’est trop beau, déclare Rose. J’ai bien peur qu’un jour à la place des maisons de pêcheurs on construise des hôtels en béton.

Les Piche reprennent leur petite moto et la piste qui les a conduits à ce village.

« Avant les hôtels il faudra construire une route, pense Raoul, en tentant d’éviter les nids de poules qui parsèment le chemin. La plage et les pêcheurs ont un sursis, estime-t-il, un peu rassuré ».

Pour voir quelques photos cliquez ci-dessous :

Village de pêcheurs et autres images locales

Les Piche prennent le large

18 janvier 2009

- On va traverser avec « ça » ? Interroge Rose, mettant tout le mépris du monde dans ce pronom démonstratif.

- Les bancas sont d’excellents bateaux, lui répond Raoul face à l’embarcation qui doit les conduire à 80 miles de là (140 Km) soit quasiment une traversée continent-Corse.

La banca des Piche est une barque en bois. Les flotteurs des balanciers sont formés de trois bambous reliés entre eux par du fil de pêche. Du fil pour la pêche au gros, tout de même. Elle est entièrement pontée et les passagers (12 au maximum) s’installent sur deux bancs de jardins vissés longitudinalement. Ils sont protégés du soleil par une toile tendue au-dessus des bancs.

- Tu ne trouves pas qu’il a belle allure notre bateau, avec ses formes élancées et graciles ? Ne dirait-on pas un hydroptère ?

- Gracile oui, c’est le mot juste et c’est ce qui m’inquiète. J’aurais préféré des formes massives plutôt qu’un hydroptère low tech. Et puis, dis moi, comment on monte à bord de ce truc ?

- Il faut tenir fermement la corde de rappel et descendre le long de la pente de la jetée. Mais fais attention, à cause de la boue déposée à marée basse, ça glisse !

Les Piche embarquent donc en rappel et font connaissance avec les autres aventuriers, pardon passagers, déjà à bord. Une famille de Vancouver et un couple de Français, tous joyeux et sympas.

Le départ est remis d’heure en heure.

« Le capitaine est avec les coast guards. Il arrive dans 5 minutes». Une heure et demie plus tard, le capitaine arrive effectivement.

Deux coast guards vérifient, depuis le quai, que les passagers enfilent bien leurs gilets de sauvetage. Qu’il n’y ait à bord ni poste radio VHF, ni compas ne se voit pas du quai, donc tout est ok.

Optimiste, Raoul pense que le capitaine doit être un excellent marin qui se repère à la position du soleil. Lorsque le ciel commence à se couvrir, Raoul s’interroge. Il sort une carte pour analyser la traversée et constate que pour aller de A (île de Basuanga) à B (île de Palawan) le bateau va naviguer à travers un dédale d’îles avec seulement une courte portion ouverte au grand large. Pas besoin de compas, la navigation s’effectue à vue.

8h, 9h, 10h, 11h… trois heures après l’heure théorique de départ, les amarres sont larguées. En poussant sur sa gaffe de bambou (tout est en bambou dans ce pays…), le second éloigne la barque des hauts fonds sur laquelle elle se trouve.

Marche avant toute. C’est parti pour 8 h de mer.

Le paysage qui défile est magnifique. Des plages de sable blanc enserrées entre de hauts rochers et noyées par de la végétation en arrière plan, apparaissent ici et là.

Soudain, le moteur s’arrête. « Déjà ! Lance un des joyeux passagers ». Un marin saute à l’eau. « Il s’enfuit? », « mais non, il vérifie l’hélice ». Cette dernière, débarrassée de ce qui la bloquait, le moteur est relancé.

Nouveau départ. La mer est calme, le bateau file 11 noeuds. Les Français s’acharnent sur leurs téléphones mobiles. « Qu’est-ce que vous faites ? » « Nous envoyons nos derniers sms », « Où ? »  « En France ». « Nickel, si nous coulons, il y aura au moins, en France, quelques personnes qui connaîtront notre dernière position».

Les îles succèdent aux îles. Les Philippines en comptent 7017 exactement, les Piche sont donc loin d’épuiser le sujet. Sur chaque plage apparaissent les mêmes paillotes et une ou deux bancas de pêcheur au mouillage.

Vient le grand large. Les exocets décollent devant les balanciers. Plus tard, ce sont des dauphins qui coupent la route du bateau. On approche de la grande île de destination.

« Nous tenons le bon bout », lance Raoul qui aurait mieux fait de se taire. A peine, a-t-il dit cela que la mer devient plus forte. Le capitaine ralentit l’allure. Les flotteurs émettent des craquements lorsqu’ils plongent dans les flots. Le haubanage mollit à chaque sollicitation un peu forte. Les passagers avachis à l’avant se replient sur les bancs de jardin après avoir reçu les premiers paquets de mer sur la tête. Un imbécile parle du ferry qui vient de couler en Indonésie, un pays voisin. « Il y avait du gros temps. Là il fait encore beau ». « Encore. Tout est là ».

Raoul qui suit la navigation au GPS est consulté par les uns et les autres. « Où sommes nous? ». « Là, indique Raoul sur sa carte relativement peu détaillée. A cette allure nous arrivons dans trois heures. Comme nous allons passer derrière les récifs de coraux la mer devrait être plus calme ». Raoul a tout juste. De craquements de balanciers en ralentissements gérés par le barreur, le M/BCA Overcomer atteint des zones plus paisibles.

A la nuit tombée, il pénètre dans la rade d’El Nido, sa destination, après une traversée finalement presque sans histoire.

Il ne reste plus aux Piche qu’à trouver une auberge pour la nuit. Une nouvelle aventure commence. Sans risque.

PS 1 Raoul ne peut s’empêcher d’imaginer la tête du personnel des affaires maritimes si un jour on leur présentait la même barque pour effectuer du transport public entre continent et Corse… sans parler de la tête des passagers !

PS 2 Pour les photos, les Piche demandent un délai. L’électricité est rare là où ils se trouvent

Ile Coron, un sanctuaire marin

15 janvier 2009

- Je désespérais de revoir un jour un tel spectacle. Cela me ramène 28 ans en arrière ! Déclare Raoul, le visage illuminé, juste hors de l’eau, qui se remémore un fameux hiver en mer Rouge.

- Fabuleux, même moi, cela me donne envie de descendre plus profond pour mieux voir, lui répond Rose.

Le spectacle se tient dans un espace réduit de quelques dizaines de mètres, à proximité d’un îlot proche de l’île de Coron. Là, entre 2 cm et 6 m de fond, tout ce qu’une mer corallienne peut offrir comme variété de coraux, de poissons, de plantes marines, de crustacés est réuni.

Sous les coraux en forme de parasol de deux mètres de diamètre des mérous tachetés. En pleine eau, un poisson empereur survole un champ d’oursins aux corps minuscules mais aux épines longues de 20 cm. Des anémones, des gorgones, des feuilles noires finement ciselées s’inclinent au passage des Piche comme pour les saluer. Un énorme poisson ange nage avec assurance vers un arbalétrier nerveux, nettement moins gracieux. Des perroquets, des poissons coffres étrangement colorés tantôt en vert, tantôt en jaune animent le décor avec de nombreuses autres espèces dont Rose et Raoul ignorent le nom.

La beauté du lieu tient à l’extrême diversité de ce qui le compose. Des coraux cornes d’élan bleus à la pointe blanche ici, d’autres en forme de cheminée là, un peu plus loin un bénitier entrebaillé avec son manteau bleu nuit couvrant sa coquille, ailleurs des pétales de corail. Aucune répétition, aucune monotonie dans cet agencement incroyablement harmonieux et plein de vie. Les couleurs ont vives, tranchées, mouvantes.
Une fois encore, les Piche constatent que la nature offre des visions d’une beauté inégalable.

Hors de l’eau, à quelques minutes de ce sanctuaire marin, le spectacle est également hors du commun. L’île de Coron se compose de roches karstiques très hautes, sculptées de rainures verticales acérées. Elles sont couvertes d’une végétation dont on se demande de quelle terre elle se nourrit.

Le bateau sur lequel naviguent les Piche, contourne un îlot et pénètre dans une sorte de lagon aux couleurs… lagon : vert émeraude, jaune-vert, bleu. Entouré par la montagne et l’abondante végétation, le lieu, vu d’un promontoire est extraordinaire.

Rose et Raoul sont heureux de découvrir un paysage qui ne ressemble à aucun autre vu auparavant. Une sorte de synthèse entre la Thaïlande, la Polynésie et la baie d’Halong.

- Il ne faudrait pas attendre 28 ans pour revoir ça, lance Raoul.

- Y a intérêt, parce que dans 28 ans nous risquons d’avoir une vision plus souterraine que sous-marine, lui répond Rose, un tantinet sinistre.

Pour voir quelques images du paysage de l’île Coron, cliquer ci dessous :
Île Coron

Manille, la ville la plus moche du monde

12 janvier 2009

Sur un forum de voyageur, un internaute facétieux a lancé dernièrement le concours de la ville la plus moche. Les Piche pensent avoir trouvé la championne : Manille. Son patrimoine architectural a été gommé à coup d’obus japonais et américains dans les années 40-45.

Quasiment plus rien ne subsiste du centre historique espagnol qui avait valu un temps à cette ville, le surnom de perle de l’Asie. Et lorsque ce ne sont pas les hommes qui s’en mêlent c’est la nature. La cathédrale a été détruite cinq fois par une succession de typhons et de tremblements de terre. Reconstruite cinq fois, elle a été mise à terre une sixième par la guerre et reconstruite à nouveau.

Le long des rues de cette ville immense s’alignent côte à côte, sans souci du contraste, les immeubles quelconques, les palaces, les bidonvilles, les terrains vagues, les luxueuses galeries commerciales et les excavations où des ouvriers plantent les racines d’immeubles de 40 étages.

Les Piche ont pu prendre un bol de soupe dans un boui-boui chinois surmonté d’habitations de fortune, puis, en changeant simplement de trottoir, entrer dans un Casino digne de Las Vegas. Là, des centaines de joueurs de black-jack, de poker, de roulette jetaient sur le tapis des piles de jetons représentant plusieurs mois (années?) de salaire moyen d’un Philippin.

En quelques centaines de mètres, Rose et Raoul sont passés d’un marché de fruits et légumes, de viandes et de poissons haut en couleur à un « Mall » où l’on trouve les marques mondiales du luxe. Un kilo de bananes à ½ euro ici, des tongues à 45 euros là !

A Manille, le crack boursier n’émeut pas grand monde. Les pauvres qui n’ont rien ne peuvent rien perdent, les riches qui ont tout, peuvent perdre tout ce qu’ils veulent.

La seule touche de fantaisie qui égaye les rues sont les jeepneys. Véhicules colorés, surchargés de chromes et d’inscriptions ils font office de taxis collectifs. Leurs propriétaires rivalisent de créativité afin que leur engin ne ressemble à aucun autre : ils y parviennent toujours, ce qui donne parfois des résultats hallucinants.

De façon générale, les Philippins que rencontrent les Piche depuis leur arrivée sont d’un commerce très agréable. Aimables, souriants, pas stressés.

On y noue rapidement des amitiés. Le temps que Rose achète une bouteille d’eau dans une boutique, Raoul, resté dehors, a attiré la sympathie d’une femme entre deux âges. Cette dernière lui a déclaré tout de go qu’elle l’attendait. La conversation s’est engagée, elle a proposé à Raoul de rencontrer une jeune amie à elle.
Qu’elles sont gentilles ces Philippines ! Misère de misère…

A bientôt

PS : Pour quelques photos de Manille cliquez ici : Manille

Les Philippines ? Où c’est ?

10 janvier 2009

- J’ai envie d’aller au Japon, déclare Rose, tout à trac, par un beau matin du mois de septembre 2008.
- On va étudier ça, lui répond prudemment Raoul.

Avant hier, 6 janvier 2009, Rose et Raoul Piche ont atterri à … Manille aux Philippines. La montée aussi inattendue que spectaculaire du yen face à l’euro a eu raison des envies de Rose.

- Les Philippines ? Je ne vois même pas où c’est, avait réagi Rose lorsque Raoul lui avait proposé ce léger changement de programme.

Lui non plus n’en savait trop rien peu de temps avant. Ils découvriront vite qu’ils ne sont pas les seuls. Personne ne sait exactement où sont les Philippines. Ni pour quelles raisons s’y rendre.
La misère, la prostitution enfantine et les enlèvements de touristes sont les seuls repères vaguement associés à ce pays.

Les Français ne se posent guère de question en ce qui concerne la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie ou le Vietnam. Ils s’y rendent en masse. Mais ils ne totalisent qu’un pour cent des touristes visitant les Philippines.

Pourtant, ce pays, sur le plan géographique comme sur celui du peuplement représente la synthèse de tous ses voisins.

Rose et Raoul ont donc découvert que les Philippines se situent au sud-est de la Chine (sous Taïwan) au nord de l’Indonésie, très au large des côtes du Vietnam et au nord de la Malaisie (partie Bornéo).
Le peuple philippin est un joyeux mélange de Malais, d’Indonésiens, de Chinois, d’Indiens, d’Espagnols, d’Américains et de bien d’autres peuples. Chrétien à 90% (85% de catholiques) après 400 ans de colonisation espagnole et 50 de colonisation américaine.

- Pas de musulmans ? S’enquiert Rose ?

- Si, dans les îles du sud. C’est là qu’on enlève les touristes.

- Alors, nous n’irons pas au sud.

- Non, nous irons au nord, chez les Ifugaos, coupeurs de têtes.

- ????

- Ne t’inquiète pas, il paraît qu’ils ne coupent plus beaucoup. Il faut vraiment les fâcher pour qu’ils renouent avec la tradition…

Alors, pourquoi les Piche aux Philippines ? La réponse tient sans doute à ce constat: parce qu’ils n’ont aucune idée de ce pays !

N’est-ce pas, en soi, une excellente incitation au voyage ?

A bientôt

Et le condor passa, re-passa, re-re-passa, superbe

5 mars 2007

Arequipa, 5 mars 2007

El condor passa, re-passa, re-repassa

Le Condor et les sommets à plus de 6000 m

Dans leur dernière ligne droite vers le nord, les Piche ont effectué une escale prolongée à Arequipa.

Une des belles villes du Pérou avec ses bâtiments tout blancs dus à l’utilisation du sillar, une roche volcanique abondante ici.

Les guides touristiques indiquent que « de la Plaza de Armas, au centre d’Arequipa, on voit s’élever majestueusement derrière la cathédrale le volcan El Misti (5822 m) et à sa gauche le Chachani (6075 m) et enfin le Pichu Pichu (5571 m) ».

Menteries !

En cinq jours les Piche n’ont aperçu aucun de ces géants constamment cachés dans les nuages.

Alors, pour se consoler, Rose et Raoul ont décidé d’aller voir le canyon del Colca qui détient le record du monde de profondeur avec 3194 m.

Ce canyon est également réputé pour ses condors.

Il existe un lieu particulier où les courants ascendants étant favorables on observe fréquemment des vols de condors. Surtout en hiver, lorsqu’il y a moins de nuages.

Les Piche sont en été et il y a des nuages !

Tant pis, va pour les condors.

Après deux jours de voyage Rose et Raoul font le pied de grue (appelé pied de condor, ici) sur un pic rocheux avec une vue vertigineuse sur le canyon. L’attente se prolonge lorsque soudain, un cri s’élève, « là ! là ! là ! », 50 paires d’yeux se tournent vers le vide à droite.

C’est alors que le condor passa. Puis re-passa, re-re-passa, un pote le rejoignit et les condors passèrent, ce qui musicalement parlant ne le fait pas du tout mais c’est ainsi.

Opération condor réussie.

C’est le moins que l’on pouvait attendre sur ce continent , en dépit de la perte récente d’un tristement célèbre supporter de l’opération du même nom (que ses cendres brûlent en enfer). (Avis aux jeunes lecteurs, cherchez “opération condor” et “Pinochet” sur Google, vous comprendrez…).

Sur le chemin du retour quelques arrêts pour admirer l’extraordinaire faille, par deux fois d’autres condors s’approchent à quelques mètres des Piche qui entendent le bruissement de l’air dans les ailes des énormes volatiles.

Jamais un coup d’aile, uniquement du vol plané, superbe.

Pour agrémenter le périple, on propose aux Piche, pour la énième fois, d’aller se baigner dans des eaux thermales chaudes (37°), « elles sentent un peu le souffre mais sont excellentes pour la santé ». Raoul qui ne voit pas pourquoi il irait s’ébouillanter dans des bains de boules puantes fait part à Rose de sa désapprobation.

- Tu as remarqué qu’en général tout ce qui a mauvais goût, qui pue ou qui fait mal « est bon pour la santé » ? Les bains comme ceux-ci, l’huile de foie de morue, les massages Thaï, etc.

Petite clope à 4500 m d'altitude !!!

Petite clope à 4500 m d'altitude

De retour à Arequipa, puis à Lima, il ne reste plus aux Piche qu’à bénéficier d’un autre privilège : celui de passer onze heures avec les genoux sous le menton, serrés comme des sardines en grignotant des quasi sandwichs à deux heures du matin, dans une de ces merveilles techniques que sont les Airbus A 340 pour clore leur périple sud américain et rentrer au bercail.

Histoire de cuivre et de dictature

21 février 2007

Chuquicamata, 21, février 2007

Rose plus petite qu'une roue de camion...

Rose et une roue de camion...

De là où Rose et Raoul Piche le voient, ce lieu ressemble à une arène ovale comme celle de Nîmes. Mais ses dimensions sont giantesques puisqu’elle mesure 5 km de long sur 3 km de large et que la “piste” se trouve 900 mètres en contrebas des plus hauts “gradins”.

La pièce qui se joue au fond de cet immense trou, 365 jours par an, 24h/24h, est toujours la même : une pelle mécanique géante arrache d’un seul coup de patte 120 tonnes de minerai de cuivre qu’elle s’empresse de déverser dans la benne d’un camion de taille démentielle.

Cette “arène” n’est autre que la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde et répond au doux nom de Chuquicamata.

Une fois lestés de 170 tonnes de chargement, les camions montent à une vitesse d’escargot la faible pente qui leur permet de sortir du trou, pente qui donne au lieu ses allures de gradins. Ensuite, les véhicules géants livrent le minerai à l’usine située sur la hauteur, laquelle le transforme en plaques de cuivre pur à 99,99 %, exportées dans le monde entier, remplissant ainsi les caisses de l’Etat chilien de milliards de dollars.

- Tu te rends compte que le Chili détient presque 40% des ressources mondiales de cuivre ? interroge Rose forte d’une fraîche érudition.

- Tu parles d’une chance ! A cause du cuivre, les Chiliens ont vécu le jour le plus noir de leur histoire, le 11 septembre…

- Non, l’interrompt Rose, le 11 septembre c’est New York, 2700 morts…

- Pas du tout, il y a eu beaucoup plus de disparus que cela, tous des Chiliens, après le 11 septembre 1973, date du coup d’Etat de Pinochet. Mais effectivement, les Etats-Unis étaient directement concernés par ce premier 11 septembre… comme acteur cette fois-ci. Sans leur volonté de conserver le contrôle du cuivre chilien, l’Histoire se serait écrite différemment.

Dissertant ainsi sur la marche du monde, perchés en haut de la mine de Chuquicamata, les Piche contemplent le ballet des hallucinants poids lourds tout en songeant que demain ils seront à Iquique au bord du Pacifique.

Là, ils vont compléter leur connaissance de l’histoire du Chili en apprenant que toute cette région englobant Chuquicamata appartenait auparavant à la Bolivie.

- Tu te rends compte de la chance qu’ont eu les Boliviens de se faire piquer ce trésor ! lance Rose, ironique. Ils ont échappé à 17 ans de dictature !

- Pas vraiment, relève Raoul. Les malheureux Boliviens ont eu la dictature sans avoir le cuivre.

Parce que pour fabriquer des dictateurs sous ces latitudes tout était bon, la banane, le bois, le latex, le gaz, le pétrole…

Qu’importe pourvu que cela se transforme en dollars.

- Mais ces temps sont révolus, non ? Bush qui débarque ce matin au Brésil est plutôt grognon. Tous les pays d’Amérique du sud sont dirigés par la gauche, sauf la Colombie et la Paraguay.

- Peut être…

Uyuni et sud Lipiez des paysages hors norme

14 février 2007

Uyuni, 14 février 2007

La voiture roule à vive allure et pourtant tout semble immobile.

La montagne au loin ne se rapproche pas, le paysage à droite comme à gauche ne défile pas.

L’engin semble flotter dans l’espace, figé sur place.

Rose et Raoul Piche entendent le moteur, la musique aussi (une superbe Toccata arrangée façon rock, merci Claire) dans une totale immobilité apparente. Pourtant le gros 4X4 qui emmène les Piche et avec eux Sumi, Kanako, Goeffrey, Olegario et Vincenta progresse.

Mais comme il se déplace sur un immense miroir de 190 Km de long sur 60 km de large aucun repère visuel ne permet aux passagers de percevoir le moindre mouvement. C’est là un effet magique de la traversée du salar de Uyuni (Bolivie). Il y en a d’autres comme en témoigne cet échange entre Raoul et Goeffrey.

- Oh! regarde là bas, un oiseau

- Un oiseau ? Tu es sûr ?

- Oui, regarde bien

- Ton oiseau, il se déplace bien vite…

- Ah! oui, je me trompe c’est un camion !

Pour la première fois de sa vie Raoul voit des camions voler ! Non par abus des feuilles de coca, encore que ça mâchouille allègrement dans ce 4X4, mais à cause des effets visuels étranges qu’offre le miroir sans limite du salar.

Les nuages, les montagnes, les véhicules, les gens se reflètent si parfaitement sur la mince couche d’eau de pluie tombée la veille qu’ils produisent une image totalement symétrique horizontalement.

Dans ce lieu étonnant, les Piche ont découvert que l’on pouvait construire des maisons et des meubles avec des blocs de sel !

La réserve est quasi infinie puisque la couche de sel atteint 20 mètres sur 11 000 km2 de surface.

Parfois, comme sur un lac, apparaît une île.

Celle des pêcheurs, est couverte de cactus dont certains mesurent 16 mètres de haut et sont vieux de… 1200 ans !

Lorsque la faible couche d’eau de surface est absente, le blanc pur du sel éblouit sous la lumière crue due aux 3800 m d’altitude. On a alors l’impression de se trouver dans un paysage de neige.

La neige, la vraie, les Piche la rencontreront deux jours plus tard, à 5000 mètres, en franchissant le plus haut col qu’ils n’aient jamais passé de leur vie.

Entre temps, ils ont découvert des lacs émeraudes, rouges, blancs, bleus hébergeant des colonies de flamands roses, des vigognes, des lamas.

Lacs entourés de volcans aux cimes enneigées qui tutoyent les 6000 m.

Grandiose.

Des paysages qui laissent sans voix ou plutôt avec une voix au vocabulaire réduit : “Oh!”, “Whaaouuuu”, ” Pffffouuu”, “Incroyable !”. L’amour rend idiot, la beauté muet.

De tels paysages les Piche n’en avaient encore jamais vus, pas plus que Sumi et Kanako le jeune couple de Japonais qui effectue un voyage de neuf mois en Amérique latine, pareil pour Goeffrey, en balade depuis plus d’un an dans ces contrées.

Seuls, Olegario (le guide-chauffeur) et Vincenta, sa femme, sont familiers des lieux puisqu’ils y sont nés.

Sans doute le faut-il pour s’y retrouver dans le dédale de pistes qui partent dans toutes les directions.

Incontestablement, les trois jours de traversée du Lipez (le nom de cette région qui englobe le salar d’Uyuni) ont été le moment le plus fort du voyage des Piche depuis Lima.

Conséquence inattendue, le charme de San Pedro de Atacama au Chili, destination finale de ce périple, n’a guère opéré. Le salar de Atacama, la vallée de la mort, celle de la lune et quelques autres lieux tant vantés ont paru un peu fades après cette extraordinaire traversée.

C’est alors qu’est revenue à l’esprit de Raoul une remarque de J.P. Haigneré, l’astronaute français : “la région la plus photographiée par les astronautes pour leur plaisir est celle qui se trouve au sud de la Bolivie. Vue de l’espace elle offre des images stupéfiantes”.

Stupéfiant, pour la Bolivie c’est le mot qui convient …

“Le Lipez, c’est de la pure !” déclare Raoul.

Pour ceux qui voudraient s’en convaincre, il suffit d’aller sur Google Earth, de chercher San Pedro de Atacama au nord du Chili puis de monter encore un peu plus au nord en franchissant la frontière de la Bolivie.

Vous n’en reviendrez pas… comme les Piche qui ont encore l’esprit là-bas.

Plus de photos sur cette région extraordinaire en cliquant ici

Une vidéo sur le salar de Uyuni et lacs du sud Lipiez


Uyuni

Petites réfléxions diverses et variées

9 février 2007

Sucre, 9 février 2007

Le voyage est aussi fait de détails, de moments cocasses ou que l’oeil du voyageur transforme ainsi.

A. Gide voulait que “l’important soit dans notre regard et non dans la chose regardée”.

Voici quelques “regards” des Piche, sans relation entre eux.

Les Américains

- As-tu remarqué, les Américains à la table derrière nous ? Ils sont une quinzaine et on les entend à peine parler. Incroyable !

- Des Américains discrets, civilisés, cela s’appelle des Anglais, répond Raoul.

Curieux et voulant prouver qu’il a raison, il se tourne vers une des convives et lui demande l’origine de ce groupe.

- Nous venons du nord-est de l’Iowa, lui répond la dame avec un grand sourire et beaucoup de gentillesse, en insistant sur la précision géographique, “nord-est”.

Raoul rapporte l’échange à Rose en émettant une hypothèse ;

- Elle a tellement insisté sur la partie “nord-est” de l’Iowa que je me demande s’il n’y a pas là-bas un village d’irréductibles comme celui d’Astérix qui résiste à la “civilisation” américaine.

- Tu exagères, répond Rose. Regarde Keith et Dao, ils sont on ne peut plus agréables. Ils sont Américains.

- Exact. A part que Keith est né Anglais et Dao Vietnamienne…

- Bon d’accord. Et Dean alors ? Il est super Dean et ne vient pas de Papouasie !

- C’est vrai, Dean il est génial. Mais je te rappelle que Dean est du nord-est de l’Iowa…

Fin de la discussion.

Potosi 4, Evo Morales 0

Le “Pollo catalan” est plein à craquer, les clients ont tous le regard tourné vers les deux téléviseurs qui diffusent le match de foot Potosi contre Sucre la ville voisine et néanmoins rivale.

Au score de un-zéro, les Piche ont terminé leur poulet grillé, ils quittent le restaurant pour gagner leur hôtel. Parvenus sur la place centrale de Potosi, ils remarquent un petit attroupement d’une trentaine de personnes devant la mairie.

Ils poursuivent leur chemin  lorsqu’une policier en civil leur demande courtoisement de bien vouloir passer sur le trottoir d’en face.

Les Piche s’exécutent.

Une fois la rue traversée, ils remarquent une certaine agitation dans le hall de sortie de la mairie.

Un groupe sort, précédé d’une ou deux caméras.

Ce groupe escorte un homme qui se dirige vers une voiture garée devant la bâtiment officiel, l’homme s’arrête salue les quelques personnes présentes, les Piche reconnaissent immédiatement Evo Morales, le président de la répubique Bolivienne.

Ils lui rendent chaleureusement son salut !

A cet instant, Potosi marque son second but, une clameur parvient jusqu’à la place de la mairie.

Evo, comme on l’appelle ici, est très aimé il est presque un dieu pour les pauvres, mineurs ou paysans. Mais en Bolivie, il est un dieu encore plus grand qu’Evo, c’est le foot.

Le président à beau être chez eux, les habitants de Potosi restent scotchés devant leur poste de TV.

Ce soir là, l’événement important n’est pas la venue d’Evo mais le score final : quatre à un en faveur de Potosi.

Peut-on confier son argent à la JP Morgan ?

L’écriteau le précise, la superbe salle que contemplent les Piche dans ce magnifique couvent “a été restauré par la banque J.P. Morgan”.

Elle contient un “posos”, une sorte de brancard porté à dos d’hommes lors des processions, avec 1,5 tonne d’argent. Un détail n’échappe pas à l’oeil de Raoul.

La porte en fer forgé très massif qui empêche l’accès à ce trésor est fermée par un cadenas chinois à 10 yuans.

- Je ne mettrai jamais mon argent chez J.P. Morgan, conclut Raoul.

Parade

Devant le palais du gouvernement, plaza de Armas, à Lima, les Piche assistent à la relève de la garde.

Les mouvements des soldats s’apparentent plus à une chorégraphie qu’à une parade militaire.

Les gestes suivent le rythme d’une imposante fanfare uniquement composée de cuivres et de percussions. A l’étrangeté du ballet s’ajoute celle du répertoire : “La mer”, de Charles Trenet, “El Condor passa” qui passe au son du clairon, sans flûte de pan, Haendel etc.

Amusante mais finalement plutôt sympathique, une armée plus artistique que martiale.

Jésus en jupon

Pour soumettre les peuples illettrés, les catholiques usaient abondamment des images.

Les Incas avaient leur propre iconographie.

Le mélange des deux a donné naissance à l’école de peinture Cusqueña.

Une oeuvre de cette école, exposée dans des bâtiments de Cuzco est plaisante à voir. Il s’agit d’un Christ sur la croix portant jupon brodé.

Pas franchement superman l’envoyé du bon dieu vu par les Incas !

Femmes cachées

Dans le petit bus qui conduit les Piche d’Ollantaytambo à Urubamba, sept femmes indiennes portant chapeau melon façon Gibi sont debout dans l’allée centrale.

Elles sont en surnombre.

Tout à coup, elle s’accroupissent dans l’allée autant qu’elle le peuvent. Le chauffeur vient de signaler la présence de la police de la route.

Le danger passé, Rose voit sept chapeaux melon émerger lentement du milieu du bus tel un gag bien réglé.

Elle éclate de rire !

Nous parlons tous un peu quéchua

Les Piche découvrent qu’ils connaissent beaucoup plus de mot Quechua qu’ils ne le croient.

Il semble qu’ils ne soient pas les seuls.

Leur vocabulaire dans cette langue est le suivant :

alpaga, condor, coca, guano, lama, pampa, puma, poncho etc.

Sur les traces de Franco

Relevé à Puno le nom de l’ambassadrice d’Espagne au Pérou du temps de Franco.

Une dame toute simple répondant au nom de Doña Maria de la Mercedes de Osio marquesa de Marry del Val.

- Clairement le franquisme ne prétendait pas au qualificatif de dictature populaire.

On “dictaturait” avec des gens de “bonne” extraction, en conclut Raoul.

Les risques, excessifs, du voyage

En effectuant, avec 80 autres touristes étrangers,  la traversée vers l’isla del Sol sur la lac Titicaca à bord d’une embarcation ne comportant ni gilet de sauvetage, ni pompe, ni vide-vite et avec un tableur arrière si bas que les vagues menancent de le submerger à tout instant, Raoul Piche s’interroge.

“Nous sommes à 3 miles des côtes, l’eau est à 15 degrés, si on coule, la moitié des passagers y reste. Comment des gens qui chez eux sont bardés d’assurances, vaccinés contre tout, font des examens médicaux réguliers et n’oublient jamais de boucler leur ceinture de sécurité, comment ces gens là peuvent-ils ainsi jouer leur vie sur une telle embarcation ?”.

Raoul n’a pas trouvé la réponse faisant lui-même partie du lot.

Non seulement il a pris le risque avec Rose, comme tous les autres, mais en plus il a stressé un max imaginant à chaque instant les scénarios possibles.

“Une traversée de l’Atlantique à la voile est vraiment plus cool”.

Popeye

Après avoir visité le musée de la coca à La Paz, Rose a eu une illumination.

“Dis, lance-t-elle à Raoul, la boule de la joue de Popeye et sa force extraordinaire ça n’a rien à voir avec les épinards. C’est un conte pour enfants. Popeye mâchait de la coca comme toutes les personnes que l’on voit en Bolivie avec une joue à la Popeye. Les épinards c’est du révisionnisme”.

Dans l’enfer des mines de Postosi

6 février 2007

Potosi, le 6 février 2007

Le son de l’explosion est sec, violent, assourdissant.

Il atteint les Piche juste avant que le souffle qui s’engouffre dans les galeries de la mine ne les balaye, tel un vent de tempête.

Immobiles, ils attendent la seconde puis la troisième, la quatrième jusqu’à la septième explosion. A la quatrième quelques cailloux tombent sur le casque de Raoul qui fait un mètre de côté pour échapper à l’avalanche.

Le silence revenu, les cinq à six personnes du groupe de visiteurs de la mine d’argent de Potosi auquel appartiennent les Piche se remet en route dans les galeries boueuses.

Depuis qu’ils y ont pénétré deux heures plus tôt, Rose et Raoul font un voyage dans le temps : ils vivent Germinal version coca.

Dès l’entrée, ils croisent deux hommes poussant un wagonnet lourdement chargé de 500 kg de minerai. Pesant dans les montées, dangereux dans les descentes car dénués de freins, les chariots occupent quasiment toute la largeur de la galerie, le croisement avec eux exige de trouver rapidement une anfractuosité pour se mettre à l’abri.

Les pousseurs comme tous les mineurs que croisent Rose et Raoul ont la joue gonflée par une boule de coca qui ne les quitte pas durant des heures avant d’être remplacée par une autre. C’est elle qui leur donne l’énergie nécessaire à leur tâche écrasante.

Leur espérance de vie est réduite, beaucoup meurent de silicose 10 à 15 ans après leur premier jour de travail.

Tous les jours, 10 000 d’entre eux creusent, perforent et vident le Cerro Rico de son minerai d’argent, de zinc et de plomb. Au XVI et XVII siècle l’argent extrait a fait de Potosi la ville la plus grande et la plus riche d’Amérique.

Durant cette période les mines de Potosi ont fourni la moitié de l’argent produit dans le monde.

Aujourd’hui, elles appartiennent à l’Etat Bolivien mais elles sont exploitées par des coopératives de mineurs.

Celle que visitent les Piche est qualifiée de “bonne mine” par Osvaldo, leur guide, fils de mineur,  parce qu’on y utilise de l’eau afin de réduire les poussières dues aux explosions et à l’action des marteaux piqueurs.

En effet, pour abattre le minerai, les mineurs forent des trous de 1,20 m de profondeur dans desquels ils placent des bâtons de dynamite et qu’ils bourrent de nitrate d’amonium pour renforcer l’explosion. La hauteur des galeries est également “confortable” on s’y tient debout à peu près partout, alors que dans d’autres il faut progresser plié en deux, voire couché (!).

A 4000 m d’altitude, l’exercice est épuisant.

Pour passer d’une galerie supérieure à une galerie d’un niveau inférieur, les Piche utilisent un boyau vertical d’un diamètre juste suffisant pour un homme et équipé d’une succession de trois échelles de bois.

Claustrophobes s’abstenir. Ce que font un certain nombre de visiteurs qui rebroussent chemin…

Il n’existe bien sûr aucun éclairage, les galeries sont d’une obscurité parfaite. Pour y voir, les mineurs comme les visiteurs portent une lumière électrique frontale sur leurs casques et l’éclairage ambiant résulte du ballet de ces multiples faisceaux.

Avant de pénétrer dans la mine, les visiteurs sont équipés de pied en cap : bottes, pantalon, veste, casque, frontale.

Rien de trop dans cet accoutrement.

L’eau abondamment utilisée transforme le sol en boue, l’exiguité de certains passages conduit à se frotter aux parois humides exsudant des sels joliment cristallisés et la hauteur sous plafond n’est pas toujours garantie.

Raoul s’est cogné la tête cinq ou six fois sur la roche dure sans dommage grâce à son casque ! Partout règne une odeur singulière comme si un gaz inondait l’ensemble de la mine. Cette odeur provient en partie des explosifs et des réactions des produits de l’explosion avec ceux affleurant à la surface des galeries.

Avant de quitter ces lieux d’enfer, les Piche rendent visite à Tio, le diable, une statuette de céramique à laquelle les mineurs apportent des offrandes pour obtenir sa protection sous terre.

Car si, hors de la mine, les mineurs croient en Dieu et au ciel, sous terre, ils croient plutôt à la présence du diable.

Et sur cette croyance là, pour une fois, les Piche s’abstiennent de tout commentaire.

Total respect.

Le Coca Cola est une invention (presque) française

1 février 2007

La Paz, 1 février 2007

A La Paz, capitale de la Bolivie, les Piche ont visité un remarquable musée consacré à la coca.

Ils en sont sortis, mâchant des feuilles de coca, et sachant tout ou presque (!) sur cette plante extraordinaire, depuis ses usages traditionnels (licites en Bolivie, au Pérou et en Equateur), jusqu’à la façon de fabriquer la cocaïne (illicite dans le monde entier).

Mais une histoire a plus particulièrement retenu leur attention,celle du vin Mariani.

La voici, telle qu’elle est présentée au musée de la coca.

“L’application commerciale la plus reconnue dans le monde des feuilles de coca fut celle du vin Mariani. Il fut inventé par Angelo Mariani, en France, en 1863 et commercialisé dans le monde entier pendant plusieurs années.

Dès son introduction sur le marché, grâce à ses effets stimulants, il connut un grand succès, non seulement dans toute l’Europe mais aussi aux Etats-Unis. Il a suscité l’enthousiasme de rois, de princes, de magnas, d’hommes d’Etat, d’artistes et de nombreuses personnalités du monde entier.

Selon les tests chimiques effectués à l’époque, le vin Mariani contenait 0,12g de cocaïne pour 28 g de liqueur.

De nombreuses imitations du vin Mariani furent lancées. La plus heureuse fut celle de John Pemberton, pharmacien d’Atlanta, dénommée “French Wine Coca”.

Elle contenait en plus un extrait de noix de coca du Ghana dont le pourcentage en caféïne est supérieur à celui du café.

The French Wine Coca connut un grand succès. Mais avec l’apparition de la prohibition des boissons alcoolisées aux Etats-Unis, il dut trouver une formule qui possède les mêmes propriétés stimulantes mais sans alcool.

Cette nouvelle formule fut appelée, plus tard, Coca Cola.

Le vin Mariani a été à l’origine du Coca Cola. ”

Avec sa boule de coca derrière la joue, Raoul en a tiré une conclusion à peine teintée de chauvinisme.

“Finalement les Français ont tout inventé : le Coca Cola (vin Mariani), les avions (Clément Ader), les micro-ordinateurs (Micral, R2E), la révolution (il n’est de bonne révolution que française) et même la conquête de la lune (Louis Lumière, Jules Verne) ! “”

Champagne !!

Navigation à 6 noeuds et 3820m d’altitude !

27 janvier 2007

Taquile, 27 janvier 2007

Le bateau file 5 à 6 noeuds.

L’eau d’un bleu intense sous un ciel pur reflète quelques cumulus joufflus.

Le petit port qui va accueillir l’embarcation est tout proche. Situé au bas d’une colline escarpée avec quelques arbres qui apportent une ombre salutaire, il évoque une halte méditerranéenne.

Les Piche s’imaginent naviguer en Grèce.

Mais non, cette navigation est plus exceptionnelle : pour la première fois de leur vie ils naviguent à 6 noeuds, certes, mais surtout à 3820 mètres d’altitude !

Raoul qui aime autant les bateaux que les avions est ravi par la synthèse que réalise cette petite embarcation qui les amène du port de Puno à la paisible île de Taquile sur le lac Titicaca.

Une fois débarqués, une épreuve attend les Piche : la montée au village grâce à 565 marches. A cette altitude, grimper quatre à cinq marches d’affilé oblige à marquer une halte et à prendre d’amples inspirations.

L’essoufflement guette à chaque instant.

Peu importe, le paysage est tellement beau qu’il est loisible de s’arrêter pour souffler tout en contemplant autour de soi.

Parvenus au village à 3950 mètres au dessus du niveau de la mer, les Piche sont invités à séjourner dans la famille de Bernardo. Dans la maison en adobe, on leur offre une chambre spartiate, propre, avec deux lits confortables comme tout mobilier.

Rose et Raoul font la connaissance de l’épouse de Bernardo, de leurs deux grandes filles et du petit dernier. Avec son frère Pablo, Bernardo accomplit petit à petit des travaux pour bâtir ce qui, un jour, sera un restaurant face à la mer, pardon au lac, avec une vue imprenable.

Sur l’île de Taquile on est pauvre, très pauvre même et la venue de quelques touristes constitue un espoir de ressources supplémentaires.

Mais, ici, point d’investissements capitalistiques, pas d’hôtel pour les groupes. L’accueil des étrangers est communautaire et les ressources offertes le sont uniquement par les familles.

Si l’on n’y vit pas, l’île est très agréable.

Aucun moyen de locomotion, pas de route, que des sentiers, pas d’électricité, pas de réseau d’eau et six cents maisons en adobe pour 2000 personnes vivant de l’agriculture et un peu du tourisme.

En se promenant, les Piche croisent des femmes en pull rouge vif, jupe noire bouffante sur des jupons colorés rouge, vert, jaune, avec une large écharpe noire terminée aux quatre coins par des pompons multicolores. Les plus jeunes sont parfois  accompagnées de leur époux en chemise blanche et paletot blanc et noir, très élégants.

Assise sous une arche au détour d’un chemin choisi par Raoul pour prendre des photos, Rose noue conversation avec un jeune couple. Elle a 20 ans, lui 23 et ils ont une petite fille de deux ans et demi…

Souvent, les femmes marchent tout en utilisant une sorte de filoir. Les hommes, quant à eux, jeunes et moins jeunes, marchent en tricotant leur bonnet de laine. Ils sont rouges avec une grande partie blanche pour les célibataires et entièrement rouge pour les hommes mariés.

Même Edgard, le fils de Pablo, une quinzaine d’années, tricote le sien.

- Je ne sais pas pourquoi, mais toutes ces personnes qui marchent en faisant autre chose me remémore cet ex-président des Etats-Unis dont on disait qu’il ne pouvait pas marcher et mâcher du chewing-gum en même temps, dit Raoul à Rose

- C’était Gérald Ford, celui qui se cassait régulièrement la figure en descendant les marches d’Air Force one, précise Rose.

- Heureusement pour lui qu’il a été président des Etats-Unis. A Taquile, il n’aurait jamais survécu, conclut Raoul.

Sur les sentiers, rares sont les personnes qui ne portent pas une charge sur leur dos.

Un tissu très coloré ceinture celle-ci ainsi que les avants bras, ses extrémités croisées sur la poitrine sont tenues par le porteur. Bien qu’habitués à l’altitude, les îliens de Taquile peinent néanmoins dans les montées. Les Piche ne retrouvent pas chez eux l’aisance des sherpas du Népal qui évoluent avec une facilité déconcertante à des altitudes supérieures.

Au détour d’un chemin, les Piche aperçoivent une maison qui se construit.

En début d’après midi seuls existaient les murs en adobe. Les travailleurs commençaient la charpente. En fin d’après midi, celle-ci était terminée et couverte par des tôles ondulées. Rose dénombre trente personnes en même temps sur le chantier !

Dans une ruelle étroite et pentue du village, Raoul aperçoit un papy qui se dirige avec difficulté vers sa demeure en s’appuyant sur un bâton, gêné par les pierres inégales qui dépassent du sol en terre battue.

Cette scène résume toute la difficulté de vivre ici. La beauté des lieux et des gens ne parviennent pas à masquer la grande pauvreté voire la misère qui dominent.

Pour les Piche vivre une journée dans une maison sans électricité, ni eau courante avec des wc dans une paillote au toit de chaume 50 m en contrebas est plutôt amusant. Mais cela leur rappelle, une fois de plus, que ces conditions de vie sont celles de centaines de millions de personnes dans le monde.

Et, si pour beaucoup cela n’empêche ni les rires, comme chez Bernardo, ni une forme de bonheur cela donne aux Piche le sentiment que les hommes qui occupent la terre au même moment ne vivent pas pour autant à la même époque.

En descendant vers la mer, pardon vers le lac (décidément…), Rose lance à Raoul une de ces observations concrète dont elle a le secret :

- As-tu remarqué, personne ne porte de lunettes ici ? Tu es le seul.

- Oui, c’est fou comme la misère rend la vue perçante…

Le Machu Picchu, berceau des Piche ?

23 janvier 2007

Machu Picchu, 23 janvier 2007

Les Incas fascinent.

L’or, l’argent, les temples du soleil, les sacrifices humains, les cités cachées, l’astronomie, la médecine, l’architecture et un empire qui s’étend du sud de la Colombie au milieu du Chili, tous les ingrédients de la grandeur, du mystère et de la spiritualité sont présents.

Si on y ajoute la résistance héroïque à l’envahisseur espagnol on comprend que tant de contemporains viennent au Pérou retrouver les traces de cette illustre civilisation.

Raoul Piche a trouvé une raison supplémentaire.

- Sais-tu, Rose, pourquoi nous sommes aujourd’hui au Machu Picchu devant l’Intihuatana ?

- Parce que tu as trop vu Indiana Jones

- Non, parce que je voulais retrouver la terre de mes ancêtres. Le Machu Picchu, c’est la montagne des Piche !

- Depuis que tu as appris trois mots de quechua tu te prends pour un Inca.

Raté ! Machu Picchu signifie “la vieille montagne”.

Quant à l’Intihautana, ce pilier sculpté dans la roche, c’est “le point d’amarrage du soleil”. Pas celui de la famille Piche !

C’est tout de même un peu plus classe, non ?

- Il n’empêche, hier il pleuvait averse, cette nuit il est tombé des trombes d’eau et aujourd’hui pour découvrir le Machu Picchu le soleil inonde le site. C’est pas un signe, ça ?

- Si, si c’est un signe très profond, du genre “après la pluie, le beau temps”. Il y a énormément de spiritualité là dedans !

Vexé, Raoul s’en va découvrir, seul de son côté, l’extraordinaire Machu Picchu, allant du temple du soleil aux bains cérémoniels, puis sautant des quartiers résidentiels au temple aux trois fenêtres pour remonter au rocher funéraire d’où il a une vue plongeante à couper le souffle sur l’ensemble de la cité inca.

Une cité que les Espagnols n’ont jamais trouvée et qui a été découverte par hasard en 1911.

Juchée sur un étroit plateau entre deux pitons, au sommet d’une montagne aux flancs vertigineux qui plongent vers l’Urubamba, une rivière furieuse aux allures de torrent. Entouré d’une épaisse forêt tropicale, le Machu Picchu est caché et inaccessible.

En découvrant leurs premiers sites incas, à Pisac, quelques jours auparavant, les Piche avaient été un peu déçus, “pourquoi avoir restauré ces temples de façon si parfaite ? Cela fait toc”, s’était offusqué Raoul, mal inspiré.

Renseignement pris, aucun n’ont été restaurés, la perfection est d’origine !

Les Incas n’ont pas leur semblable pour tailler les pierres en forme de polygones, jusqu’à 14 côtés, qui s’emboîtent ensuite à la perfection les uns aux autres comme les pièces d’un puzzle.

A Cuzco, la capitale de l’empire inca, l’hommage rendu par les envahisseurs à ces géniaux bâtisseurs est visible dans les rues : les soubassement de nombreux édifices coloniaux sont incas. Une bonne raison à cela, les constructions incas résistaient mieux aux tremblements de terre que les espagnoles.

Quant aux actuels Quechua, lointains descendants des Incas, ils résistent à un autre envahisseur. Le Pérou est l’un des rares pays où la Coca Cola Cie ne règne pas en maître. La boisson gazeuse nationale s’appelle “Inka Cola”, elle est beaucoup plus consommée que l’”autre”.

Les Piche ont un peu honte de l’avouer mais ils trouvent le goût de l’Inka Cola pire encore que celui du Coca.

On a beau être Inca on ne peut pas être génial en toutes choses.

Heureusement, la Barena, une bière locale rattrape tout.

Hic ! hups ! pffft !

Une rencontre qui justifie tous les voyages au bout du monde

19 janvier 2007

Cusco, 19 janvier 2007

- Adjidjandjou panai, Rose

- Adjidjandjou turai, Raoul

Voilà les Piche qui se souhaitent mutuellement “bonne nuit” en quechua, la langue des indiens, descendants des Incas, nombreux dans la région de Cuzco l’ex capitale inca.

Leur premier cours dans cet idiome aux sonorités étranges, agréable à entendre, quasiment poétique, ils l’ont reçu lors d’un de ces moments pépites, une de ces parenthèses magiques surgie à l’instant le plus inattendu, dans le lieu le plus imprévisible et qui fait la saveur du voyage.

Les Piche viennent de se promener toute la journée sous un ciel presque trop pur à 4000 mètres d’altitude allant d’un site inca à l’autre sur les hauteurs de Cuzco. La visite la plus remarquable se termine, l’après-midi aussi.

Les Piche cherchent le sentier qui doit leur permettre de redescendre sur Cuzco.

Avec un couple argentin de rencontre, ils interrogent des paysans quechua qui leur indiquent les sentes les moins “peligroso”. Parvenus sur une plate forme herbeuse qui offre une vue spectaculaire sur Cuzco, 200 mètres en contrebas, les quatre voyageurs sont un peu perdus. C’est alors qu’ils l’aperçoivent, arrivant d’un sentier caché.

Un indien quechua, court sur pattes, au visage fortement typé, magnifique. Il renseigne avec gentillesse sur le bon chemin.

On échange quelques paroles. Rose pose une question et s’en suit un pur moment de bonheur.

L’homme est debout, en bordure de la plate forme herbeuse, tournant le dos au vide avec, derrière lui, les toits de Cuzco et, au loin les montagnes qui cernent la ville.

Face à lui et à ce panorama éblouissant, les deux Argentins et les Piche l’écoutent.

L’homme, est professeur de quechua.

Il sait tout de la culture inca, des temples que viennent de visiter les Piche, de leur mode de construction, de la forme symbolique de la ville de Cuzco (un puma, dont Rose et Raoul découvrent qu’ils piétinent la tête à cet instant même), du pillage des pierres taillées des temples incas par les catholiques pour construire leurs églises et du pillage par les Péruviens eux-mêmes jusqu’à des années récentes.

Il sait tout des plantes pour lutter contre le mal des montagnes, indiquant aux voyageurs que la plante ad hoc n’est pas la feuille de coca, comme on le dit, mais la munia, une sorte de feuille de menthe qu’il cueille à leurs pieds pour leur apprendre à la reconnaître.

Il raconte aux Piche les dieux incas :

- le soleil (H’anac pacha)

- l’esprit de la montagne (Apu)

- l’esprit de la terre (Patcha mama)

- les trois mondes dans lesquels vivent les Quechua, Uju pacha (le sous-sol, monde des morts), Kai pacha (la nature, la montagne, le monde des vivants), Annan pacha (le monde cosmique, celui de dieux).

Il leur décrit la trilogie inca formée par le serpent (la sagesse, la connaissance), le puma (la force, la guerre), le condor (la protection spirituelle).

Il leur apprend le sens à donner aux extrémités de la croix inca puis leur enseigne quelques mots de quechua en les faisant répéter pour parfaire la prononciation.

Les quatre voyageurs l’écoutent fascinés par sa voix claire, expressive, par son élocution lente qui coule avec naturel et simplicité si facilement que même Raoul en saisit tous les propos. Puis passant de l’espagnol au quechua, il déclame un poème avec d’élégants gestes dirigés tantôt vers le soleil (H’anac pacha), tantôt vers le sol (Patcha mama), tantôt vers le sous-sol (ujupacha), tantôt embrassant les montagnes alentour (orroco).

Finalement, l’homme remercie les voyageurs d’être venus de si loin pour découvrir sa culture.

Un comble !

C’est lui qui offre et lui qui remercie !

On se salue chaleureusement, il reprend son sentier, les Piche et les Argentins la voie qu’il leur a indiquée.

Ils ne savent pas son nom, ils ne le reverront jamais, pourtant il ne sont pas prêts de l’oublier.

A lui seul il justifie tous les voyages au monde.

Tupananachiskama (à bientôt)

Si ce ne sont pas des extra terrestres, alors qui est-ce ?

14 janvier 2007

Nasca, 14 janvier 2007

Nasca fait partie des lieux maintes fois vus dans des documentaires qui, pourtant, gardent toute leur force lorsqu’on les découvre dans la réalité.

A Nasca, la civilisation éponyme a tracé sur le sol d’immenses dessins de 50 m à 150 m de long qui ne peuvent être interprétés par l’oeil que depuis le ciel !

Le désert dans lequel ils sont ne comporte pas la moindre montagne qui permettrait, éventuellement de les voir de haut. C’est donc en avion de tourisme que Rose et Raoul Piche ont survolé la baleine, le colibri, le singe (extraordinaire), le chien, le condor, l’arbre etc.

La vision de ces images perdues en plein désert est saisissante. D’autant plus que les tracés ne sont nullement approximatifs, les lignes droites sont d’une parfaite rectitude sur 100 mètres ou plus, les courbes ne sont pas hésitantes elles sont régulières, les proportions des différents éléments d’un dessin sont respectées avec rigueur.

On dirait que la main d’un artiste géant est à l’origine de ces oeuvres.

Pour ajouter à l’étonnement des visiteurs du ciel, des lignes qui se perdent à l’horizon sillonnent le paysage et forment un réseau de droites qui se croisent en un étrange maillage. Là, des parallélogrammes très allongés ont indiscutablement des allures de piste d’atterrissage.

En dépit des nombreuses études qui leur ont été consacrées, les lignes et les dessins de Nasca demeurent une double énigme.

Personne ne sait comment des hommes ont pu les réaliser avec une telle perfection il y a plus de 1300 ans. Ni pourquoi ils les ont réalisés.

Une hypothèse au moins est aisément écartée, celle d’extra-terrestres venus faire des graffitis sur notre sol terrestre. En effet, tous les dessins visibles à Nasca le sont également sur les poteries Nasca que l’on peut admirer au musée de la nation à Lima. A moins, à moins que les extra-terrestres qui savaient piloter et atterrir correctement se soient également mis à la poterie.

Ce qui expliquerait la véritable maestria du pilote du Cessna de Rose et de Raoul. Il tiendrait cela de ses ancêtres. A Nasca, Rose et Raoul Piche ont cru voir des dessins extraordinaires alors que plus incroyable encore, ils ont peut être serré la main de ET…


“La torture doit produire de la douleur sans provoquer de blessure ni endommager le corps”

10 janvier 2007

Lima, 10 janvier 2007

Il est des lieux propices aux voyages dans le temps.

La bibliothèque du monastère San Francisco de Lima au Pérou est de ceux-là.

En franchissant son seuil, Rose et Raoul Piche se retrouvent 400 ans en arrière. Ils voient les moines penchés sur quelques uns des 25 000 ouvrages aux couvertures de cuir qui tapissent les murs sur d’interminables rayonnages de bois sombre. Deux escaliers en colimaçon donnent accès à une sorte de chemin de ronde permettant d’atteindre les livres en hauteur. Sur les tables de consultation, des ouvrages semblent attendre ceux qui les ont délaissés un instant et vont revenir poursuivre leur étude.

Dans ce lieu dédié au savoir, à la connaissance et à la réflexion, Raoul se surprend à penser que les religieux formaient l’élite de la civilisation de cette époque.

Une heure plus tard, il est convaincu du contraire.

Entre temps, les Piche se sont rendus dans les locaux du Congrès de la République du Pérou, autrefois siège de l’inquisition espagnole.

Le musée de l’inquisition qui y est installé rappelle opportunément que la science des moines servait aussi à établir les règles morales et religieuses que le bon peuple devait suivre, faute de quoi, l’inquisition se chargeait d’eux.

Inquisition dont les modalités de fonctionnement étaient elles-mêmes établies par les savants religieux.

En voici quelques unes relevées par Raoul :

“le principe de base de la torture est de produire de la douleur sans provoquer de blessure ni endommager le corps de façon significative”.

Les tortures les plus utilisées étaient :

- “el potro”, autrement dit l’écartèlement;le supplice de l’eau qui consiste à gaver d’eau le supplicié ce “qui procure une sensation d’étouffement, de suffocation”"

- la “garucha”, on attache les mains derrière le dos puis avec la même corde on soulève le supplicié jusqu’à 4 mètres de hauteur et on le laisse tomber, la corde arrêtant sa chute juste avant qu’il ne touche le sol.

Effet garanti.

Les religieux avaient beaucoup étudié pour rédiger des règles telles que :

“Une torture ne peut pas durer plus d’une heure et quart”, ou encore “pour qu’une confession obtenue sous la torture soit valide, elle doit être confirmée librement quelques jours plus tard”" (!!!)

Parmi, les interdits auxquels s’attaquait l’inquisition figurait la détention de livres mis à l’”index” notamment ceux de dangereux gauchistes dénommés Voltaire, Rousseau et Montesquieu.

Etrange bibliothèque que celle qui sert à interdire des livres.

On dit que le frère franciscain Vincente Valverde a étudié dans la bibliothèque qui a tant impressionné Raoul Piche. Valverde est le saint homme qui a soufflé à Francisco Pizzaro l’idée d’exécuter le chef inca Atahualpa alors que ce dernier avait versé la rançon exigée par les
Espagnols.

Finalement, Raoul se prend à penser que les hommes les plus civilisés de cette époque n’étaient peut être pas ceux qui fréquentaient la superbe bibliothèque du couvent San Francisco.

Mais naturellement, ces temps sont révolus et personne ne songerait aujourd’hui à justifier la torture, notamment pas les dirigeants du pays le “plus développé” de la planète.

Aucun religieux, d’aucune religion n’aurait l’idée de lancer une fatwa, pardon de mettre à l’index le moindre livre, la moindre image, le moindre texte.

Certainement pas, certainement pas, certainement pas, certainement pas…

Les Chinois ? ce sont nous !

28 mai 2006

Bejing, 28 mai 2006

Pour les Piche, avant d’aller en Chine, ce pays se définissait en quelques notions simples.

Tout d’abord par un chiffre hallucinant celui de 1,5 milliard censé représenter sa population. Une masse anonyme qui menace nos emplois et notre confort tout en vivant une révolution industrielle digne de Germinal, l’absence de libertés individuelles, une inquiétante force militaire, un mépris de l’environnement.

Après trois mois passés à sillonner la Chine d’ouest en est, du nord au sud sur plus de 8000 km en bus, en train, en bateau, la vision qu’ils en rapportent est autre.

Là bas, les Piche ont rencontré des individus et non pas une masse indifférenciée, abstraite.

La route de Rose et de Raoul a croisé,

celle de pères qui jouent avec leur enfant et prennent soin de leur bébé ;

de mères qui parlent à leur fille ;

d’adolescentes espiègles qui rient et se taquinent dans la salle de restaurant où elles sont serveuses ;

de jeunes femmes chauffeurs qui conduisent leurs longs autobus, en gant blanc, avec le naturel de vieux routiers ;

de couples de paysans âgés visitant leur pays, émerveillés comme des enfants, marchant d’un pas fragile dans l’attitude timide des modestes qui s’excusent d’être en ces lieux au milieu des plus riches et des plus instruits ;

d’ hommes portant le blouson vert et la casquette Mao, nostalgiques d’une époque qu’ils comprenaient mieux ;

de bandes de jeunes garçons en jeans, chemises ouvertes, discutant avec passion, le verbe haut ;

de musiciens amateurs jouant dans les parcs publics pour leur plaisir et celui de la foule attentive qui les entoure, les bras croisés derrière le dos ;

de joueurs de carte ou d’échec dont les coups sont commentés par leurs amis agglutinés autour d’eux ;

d’ouvriers vêtus de blousons aux couleurs de leur entreprise qui sautent dans le bus la mine réjouie, contents de rentrer chez eux ;

de femmes dans le costume traditionnel de leur ethnie se déplaçant par deux ou trois en bavardant dans une langue qu’elles seules comprennent ;

d’autres femmes dans un costume aux allures militaires, casquette à visière et veste galonnée qui, dans les gares, gèrent les flux de voyageurs avec calme et fermeté ;

de paysans qui rentrent des champs leur outil sur l’épaule ou dans la benne de leur tricycle ;

de vendeurs et des vendeuses dans les grands magasins qui guettent le client comme d’autres au Printemps ou aux Nouvelles Galeries ;

de pilotes de bateau, sur le Yang Tsé, le sourcil froncé, concentrés sur la navigation dense du fleuve ;

d’étudiants aux yeux pétillants ravis d’échanger avec des occidentaux dans un anglais excellent et qui expriment leurs attentes du futur ;

de riches conducteurs de puissantes voitures noires, de superbes créatures à leur côté ;

de superbes créatures, seules, au volant de puissantes voitures noires ;

de vendeurs de rues qui exercent mille petits métiers pour vivre chichement ;

de très jeunes gens scotchés durant des heures derrière des ordinateurs alignés par dizaines dans les cybercafés, jouant en réseau ;

de baby dol toutes en strass et paillettes qui « chattent » avec des amis éloignés via MSN ;

de jeunes gens qui  s’offrent à aider les Piche lorsque ceux-ci consultent un tableau dans une gare ou la carte d’une ville.

La liste serait interminable si on la poursuivait tant la variété des personnes et des situations rencontrées est grande.

Avec le temps et les kilomètres les Piche se sont rendu compte qu’ils s’identifiaient, eux ou leurs proches, à la plupart des gens qu’ils croisaient.

Pour Rose et Raoul Piche, les Chinois ne sont plus un chiffre astronomique mais des individus tous différents avec les mêmes espoirs, les mêmes rêves, les mêmes ambitions, les mêmes valeurs, les mêmes comportements que les leurs aux mêmes périodes de la vie ou parfois de celles de leurs parents. Les Chinois ce sont eux.

Merci à tous d’avoir suivi Rose et Raoul durant ces 90 jours.

PS . “Quand on est arrivé au but de son voyage, on dit que la route a été bonne.” Proverbe chinois .

Le plus beau serpent de pierre du monde, le plus long aussi

20 mai 2006

Pékin, 20 mai 2006

“C’est assurément un grand mur” avait déclaré en 1972 Richard Nixon, lors de sa visite à la muraille de Chine à l’occasion de son célèbre voyage. Le premier d’un président des Etats-Unis en Chine communiste.

Pour asséner une telle banalité, l’homme devait être sous le coup d’une forte émotion.

Sans doute celle qui saisit tout visiteur lorsqu’il découvre la splendeur inattendue de cette oeuvre incongrue qui se marie avec la nature pour produire de la beauté.

Sa trajectoire bizarre est ce qui frappe les Piche lorsqu’ils découvrent la muraille à Simatai, à 130 km au nord-est de Pékin : elle suit la ligne de crête des montagnes ce qui la conduit à adopter des pentes très fortes pour atteindre certains sommets avant de plonger de façon tout aussi abrupte pour gagner le fond des  vallées. De plus, elle zigzague pour aller d’un mont à un autre et pour se maintenir toujours au plus haut.

Le résultat est un interminable serpent de pierres, paré à intervalles réguliers de tours de guet, qui rampe à travers le paysage à perte de vue avec une élégance qui n’était sans doute pas la première préoccupation de ses concepteurs.

Rose et Raoul Piche ont parcouru la muraille pendant plus de sept heures lors de promenades réparties sur deux jours. La topographie des lieux leur offrait tantôt des vues plongeantes à couper le souffle, tantôt des vues en contre-plongée qui leur laissaient entrevoir des montées pénibles sur des marches inégales et souvent défoncées.

Au détour d’un virage Raoul tombe en arrêt en voyant un photographe monter vers lui : “Voilà un vrai pro de la photo !”", s’exclame-t-il au vu de l’équipement du monsieur. “Eh ! oui, ça fait plaisir d’entendre parler français !”” s’entend-il répondre !

La conversation s’engage. Photographe Français vivant en Australie, l’homme est chargé par le “PowerHouse Museum” de Sydney d’effectuer un reportage sur le thème “La muraille de Chine”. Il revient de Mongolie, du Tibet et de mille autres lieux où il a été la photographier. ” En plus vous êtes payé pour ça ! lance un brin jaloux Raoul. Il y en a qui ont vraiment de la chance !” “C’est ce que je me dis tous les jours” lui répond le photographe tout sourire, en ajoutant “Hélas, en sept ans, c’est le premier boulot vraiment passionnant que j’ai eu”. Et chacun de repartir vers son bout de mur.

Revenus à Pékin après un détour par Chengde pour visiter le palais d’été des empereurs, les Piche font les marchés.

Le plus intéressant est sans conteste celui des “puces” de Panjiayuan où est proposée une invraisemblable variété de copies d’antiquités, de porcelaines, de bronzes, de pierres, de peintures, de bois sculptés etc.

L’autre marché, Hongqiao, moins spectaculaire, est néanmoins très curieux par son organisation. Il s’agit d’un grand bâtiment de trois étages avec un entresol. “Ça pue” déclare immédiatement Rose dès son arrivée sur les lieux.

Au rez de chaussée est vendu tout ce que l’industrie chinoise peut produire de gadgets et de contrefaçons électriques et électroniques.

Au premier sont principalement vendus des colliers de perles de toutes les couleurs mais “juré, craché”, toutes authentiques à 2 euros le collier…

Aux 2º et 3º étages, des boutiques de luxe vendent de véritables bijoux. Le lien entre ces étages c’est l’odeur, une terrible odeur de poiscaille qui irradie de la contrefaçon à la joaillerie top niveau.

Les Piche en sont surpris.

En quittant l’immeuble Raoul devine qu’à l’entresol il y a “autre chose”. Après avoir descendu dix marches, ils pénètrent dans un marché aux poissons fourmillant d’activité, l’odeur suffoque à la première inspiration mais le spectacle fait oublier ce désagrément.

Ici des langoustes vivantes sont déballées de leur caisse arrivant en droite ligne d’Australie, là une tortue est dépecée à vif, à même le sol, ailleurs un bel étalage de concombres de mer, partout des aquariums où sont stockés les animaux vivants : crevettes, soles, serpents de mer. Partout, des caisses et des caisses de poissons sur leur lit de glace.

Acheteurs et vendeurs s’interpellent dans un brouhaha assourdissant, mais quel spectacle !

Aucun touriste occidental en vue. Tous sont agglutinés aux étages supérieurs pour leurs achats de pacotilles ou de grand luxe. Ils profitent seulement du fumet de cet étonnant marché et se privent de la dégustation que constitue la visite de l’entresol.

PS “Si ton ordinateur ne fonctionne plus, une fois, finit les proverbes chinois”, proverbe Belge.

Pragmatiques, chauffards, curieux et bien d’autres choses encore…

9 mai 2006

Xian, 9 mai 2006

“Pragmatiques” est le qualificatif qui revient le plus souvent dans la conversation entre Rose et Raoul pour définir les Chinois.

Rien ne les déroute et ils trouvent des solutions à tout.

Dans les villes, à peine la pluie commence-t-elle à tomber que des vendeurs de parapluies apparaissent à tous les coins de rue.

Ce jour là, Rose et Raoul Piche marchent le long d’un chemin bordé d’un côté par un fleuve, et, de l’autre, par une colline pentue. La ville la plus proche est à 35 Km. Des gouttes tombent. “On a encore oublié de prendre les parapluies”, constate Rose avec amertume. “Ne t’inquiète pas, un vendeur va surgir des buissons”, répond Raoul en plaisantant. La pluie se fait plus dense. Les Piche avancent à l’abri des arbres quand, soudain, bondissant du fossé côté fleuve une femme apparaît un panier en osier à la main, plein de parapluies !

Les Piche éclatent de rire et négocient leur 3 ème parapluie.

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Le code de la route chinois est fort simple : le véhicule le plus lourd a priorité sur les autres.

Se déplacer à pied constitue une tare, au demeurant fort répandue, qui expose à tous les dangers. Un piéton traversant sur un “passage protégé”, le feu “piéton” brillant de son vert le plus luisant est superbement ignoré par tous les engins qui n’hésitent pas à franchir ce passage comme s’il était vide de toute humanité.

Même sur les trottoirs le piéton n’est pas à l’abri, des deux roues cette fois-ci. Une large piste cyclable ne suffit pas à ces derniers, ils exigent aussi le passage sur les trottoirs avec force coups de klaxon (scooters) ou de sonnettes (vélos).

Un récent rapport de l’OMS montre qu’en Asie la majorité des tués sur les routes sont des piétons et qu’il s’agit d’une véritable hécatombe. La Chine est un pays très sûr. Le niveau de criminalité y est bas. Simplement, on y meurt plus facilement à coup de “pare choc” (quel curieux mot) qu’à coup de poignard.

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Le petit garçon joue tranquillement lorsque par hasard son regard découvre Rose. Instantanément, il se fige, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, et dévisage l’étrange créature qu’il aperçoit.

Intimidé, il se cache derrière sa mère puis avance la tête prudemment pour regarder à nouveau.

Son regard croise celui de Rose qui lui sourit ce qui a pour effet immédiat de le faire disparaître complètement dans les jupes de sa mère. Un long moment s’écoule avant qu’il n’ose se montrer.

La scène se répète assez souvent dans les lieux où les occidentaux sont rares. Les adultes eux, n’hésitent pas à détailler Rose de la tête aux pieds en se retournant sur leurs pas pour achever l’analyse. Rose qui s’en agace un peu leur rend parfois la pareille.

Raoul, lui, estime que cela le dédouane pour prendre les chinois en photo sans leur demander leur autorisation.

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A Xian, où Rose n’a effrayé aucun gamin, les Piche ont visité le célèbre site de l’armée enterrée des 6000 soldats de terre cuite, datant de 2000 ans. L’une des plus importante découverte archéologique du XX ème siècle.

En exergue dans le bâtiment 2, gravé dans la pierre, en lettre d’or, cette citation d’un général chinois “si quand tu te grattes les couilles tu sens deux paires de couilles, alors l’ennemi n’est pas loin”, telle est du moins la traduction qu’en a fait Raoul, de plus en plus sûr de sa maîtrise du mandarin.

“Si l’ancien ne s’en va pas, le nouveau ne peut advenir”

21 avril 2006

Shanghaï, 21 avril 2006

“Jiùde bùqù , xinde bùlài” ont l’habitude de dire les Chinois, “si l’ancien ne s’en va pas, le nouveau ne peut advenir”.

Depuis plusieurs semaines, Raoul tentait d’exprimer cette forte pensée par une photographie. L’occasion lui en a été donnée à Shanghai, dans la vieille ville chinoise. Là, des pelleteuse-marteau-piqueur éliminent un quartier entier de vieilles maisons, laissant apparaître à l’horizon, subitement dégagées, des tours de verre de cinquante étages. Des photos, prises le lundi ne peuvent plus l’être le mardi car souvent rien ne subsiste d’une bâtisse photographiée la veille.

Certains Chinois semblent eux-mêmes un peu dépassés par cette rapidité, tels les habitants de cet immeuble attaqué au marteau piqueur géant alors qu’ils l’habitent encore !

Leur linge sèche aux fenêtres et récupère la poussière des murs qui s’effondrent. Hallucinant!

Ce quartier qui “laisse advenir le nouveau” rappelle ceux d’une ville bombardée. Ici, seul subsiste un panneau indiquant le nom d’une rue et des montagnes de gravats. Là, une petite maison d’un étage, îlot dans une mer de décombres parait épargnée par hasard. Où que les yeux portent hors du périmètre de ce quartier on aperçoit des gratte-ciel (ceux de Pudong à l’ouest, le quartier des affaires et de Nanshi au sud) ou des immeubles d’habitation de grande hauteur.

“Pour la photo, c’est bon”, lance Raoul, “pas sûr que tous les habitants du quartier soient photographes”, répond Rose en se tordant le pied sur un amas de briques.

Tout l’ancien n’est pas systématiquement détruit à Shanghai.

Nombre de ruelles du vieux quartier chinois subsistent et les traces architecturales de l’histoire coloniale de la ville sont multiples. Les immeubles cossus du Bund à l’architecture néo classique des années 30, les villas de l’ex-concession française, clones de celles de La Baule, les austères mais superbes maisons grises du quartier branché de Xindandi. Tous ces vestiges du passé côtoient les tours du Shanghai du XXI ème siècle.

Il faut souvent être deux, pour que le nouveau puisse advenir. Au square du peuple de Shanghai, les Piche découvrent qu’en Chine cela n’est pas toujours simple.

Assis sur les bancs publics des hommes et des femmes d’âge moyen, tiennent en évidence des feuilles manuscrites. Le haut niveau de chinois atteint par Raoul lui permet d’identifier des dates de naissances et des salaires.

“Un marché du travail”, affirme-t-il avec assurance à Rose.

Tout faux.

Un Chinois anglophone entreprend pour Rose et Raoul la traduction d’un de ces textes.

“Jeune femme née le xx/yy/zz, diplômée de la xyz université, cadre chez Zouzhouang Inc, ayant un salaire de 7000 yuans, cherche jeune homme, environ 35 ans, diplômé, salaire en rapport”. Il s’agit d’un marché du mariage réunissant environ deux cents pères et mères qui cherchent le yin de leur tendre yang et réciproquement.

Des feuilles portant des appels de ce type sont épinglées sur des massifs de plantes, le papa ou la mama montant la garde à côté. Après la traduction, une femme demande à Raoul, en anglais, s’il ne connait pas un jeune homme désirant épouser une jeune chinoise. Non. Mais Raoul promet de transmettre (voilà, c’est fait).

En fin de journée, les Piche partent à la recherche d’un cybercafé. Un mail apprend à Rose que depuis deux jours un nouveau neveu lui est “advenu”. “Ils nous poussent ces jeunes”, déclare Raoul, en réaction, sentant bien que la vieille bâtisse qui devra faire place, cette fois ci, ce sera lui. Y a pas photo.

PS “Des trois manières d’insulter ses parents, rester sans héritier est la plus grave”, parole du vieux sage Mencius.

PS 2 Pour un oeil occidental, le plus spectaculaire dans la région de Shanghai n’est pas Shanghai mais les petites villes anciennes qui se situent dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de la mégapole: Xitang, Wuzhen, Zhouzhuang et accessoirement Suzhou, petites cités lacustres sont de véritables bijoux que les Piche ont découverts avec leurs amis Etienne et Marine venus les rejoindre dans cette région de Chine.

Sur le Yang Tsé, la croisière s’amuse, un peu…

13 avril 2006

Yichiang, 13 avril 2006

Allongés sur leurs couchettes, face à la baie vitrée de leur cabine, les Piche contemplent les rives du Yang Tsé qui défilent devant eux.

Le bateau glisse comme un tapis volant, sans bruit et sans accoup.

Pour cette croisière de trois jours, de Chongqing à Yichiang, ils se sont offert “la première classe” afin de disposer d’une cabine pour eux seuls. Après sept semaines de voyage en Chine ils souhaitent un brin de confort, sinon de luxe.

Mais le seul luxe de leur cabine réside dans la peinture blanche récemment refaite des murs. Pour le reste… Les dimensions sont inférieures à leur chambre de Hong Kong (ils ne croyaient pas cela possible) avec une moquette qui a probablement été luxueuse lors de l’invention des moquettes au siècle dernier. Quant à la “salle de bain”, rien ne lui manque, pas même son grand âge et peut être aussi un brin d’espace. Le pommeau de douche est situé à la verticale de la cuvette des wc, eux mêmes placés 20 cm devant les lavabos.

Le mieux est encore de se doucher assis sur les wc. Raoul parle de faire d’une pierre deux coups. Rose fait semblant de ne pas comprendre

A 21 heures le restaurant du bord ouvre. Affamés après une longue journée de voyage, les Piche s’installent à une table. Ils y seraient encore, attendant qu’on les serve, si Rose n’avait fini par se lever pour commander. Sur ce bateau où tout est écrit en chinois et dont aucun membre du personnel ne parle anglais les communications sont souvent cocasses et jamais tristes.

Rose finit par comprendre la procédure pour manger :

- descendre au pont numéro un

- consulter le menu en chinois au bureau de gestion du bateau

- choisir son plat (??!)

- payer

- recevoir en échange du paiement un plaquette portant un numéro

- remonter au pont supérieur dans la salle de restaurant

- s’asseoir et attendre l’appel du numéro

Simple.

Les plats sont bons et les Piche renouvelleront souvent la procédure. Pour “choisir” leur repas ils présentent leur propre liste de mets sur un manuel de conversation bilingue, espérant qu’une vague correspondance existe avec le menu du bord. Si les résultats sont parfois étonnants, ils sont en général très comestibles.

La nuit, le bateau fait escale. Le plus grand calme règne à bord. Les moteurs sont stoppés, les générateurs également. D’où une absence totale d’éclairage et d’eau (à bord d’un bateau, sans pompe, pas d’eau…).

A 6 heures du matin, une annonce tonitruante, en chinois, répétée à satiété décrit la prochaine visite à terre (en général inintéressante). A 6h30 lorsque l’annonce cesse enfin, les Piche se rendorment.

A leur réveil, ils découvrent que les toilettes se sont transformées en pédiluve : le niveau d’eau au sol s’élève à 7 cm, les tongues en plastique flottent. Il faudra beaucoup d’insistance et les interventions successives de quatre personnes pour obtenir que le niveau baisse !

Douze heures après le départ, en parcourant les coursives des première, seconde, troisième et quatrième classes Rose et Raoul ont plus le sentiment de se trouver à bord d’un bateau d’immigrants que de participer à une croisière “de luxe”. Détritus, poubelles pleines, portes ouvertes sur le désordre des cabines, hommes déambulant en “marcel” ou en pyjama, odeurs de nourriture.

Les ponts extérieurs constituent les refuges les plus agréables. Là au moins règne le grand air.

Alors qu’elle hume l’oxygène à plein poumons sur le pont arrière, Rose aperçoit un superbe rongeur à longue queue qui cherche sa voie. Il furète sur la tôle d’acier et finit par s’introduire dans un tuyau qui pénètre dans le “bar salon” du pont supérieur. Rose décide d’y pénétrer aussi, en passant par la porte. Elle tente d’observer la sortie de la canalisation où a disparu l’animal. En vain. Un monticule de provisions cache le débouché et sans doute la bête. Bonne pioche pour elle!

Ce n’est que le second jour, lorsque le bateau aborde les premières des trois gorges du Yang Tsé que le paysage devient spectaculaire. En plus ample, il rappelle à Rose et Raoul, les gorges de l’Ardèche.

Le trafic fluvial est intense, les péniches de transport de matériaux le disputent aux petits porte-conteneurs. Avant les gorges et entre elles lorsque les rives sont moins abruptes, les Piche aperçoivent des villes industrielles, de nombreux dépôts de charbon et quelques villages.

Partout des pancartes indiquent “175 m”, le futur niveau du Yang Tsé, lorsque le fameux barrage “des trois gorges” sera totalement en eau. Tout ce qui se trouve en dessous sera englouti. Dans cet espace des maisons sont déjà abandonnées, d’autres non. Des villages entiers vont disparaître. La plupart seront en fait détruits par les pelleteuses avant la montée des eaux.

Le troisième jour, le navire atteint Yichiang où est construit “le plus grand barrage du monde” dont la puissance sera équivalente à celle de 18 centrales nucléaires. En outre, il régulera le Yang Tsé supprimant ses crues catastrophiques qui ont tué un million de personnes au XX ème siècle. Des morts que les média occidentaux oublient pour ne voir que le problème (réel) des personnes déplacées.

Au premier coup d’oeil le mur de béton de 2,3 km de long et de 185 mètres de haut n’impressionne guère les Piche. Il est vrai qu’ils l’observent à deux kilomètres de distance pour l’apercevoir dans sa totalité. Lorsqu’ils se trouvent dessus, un peu plus tard, la perception est tout autre ! La dimension colossale de l’ouvrage est saisissante.

En soirée, le bateau franchit les cinq immenses écluses qui “descendent” les navires de 110 m (encore un record du monde dont les Chinois tirent fierté) . Dans leur cabine, les Piche ont la sensation d’être dans un ascenseur. Un mur graisseux noir défile rapidement à quelques centimètres de la baie vitré.

A six heures du matin Rose réveille Raoul.

- Il faut partir, tout le monde est descendu .

- Mais je veux dormir jusqu’à huit heures !

- Je te dis qu’il n’y a plus personne, les femmes de ménage font les chambres.

Raoul jette un oeil dans la coursive, elle est encombrée de draps, les portes des cabines sont ouvertes.

- Ah! oui, tout le monde a quitté le navire. Sauf les rats. Il est temps d’y aller.

PS “Il est plus facile de déplacer un fleuve que de changer son caractère.” Proverbe chinois.

Emeï Shan, sacrée montagne sacrée

7 avril 2006

Emei, 7 avril 2006

Le visage grimaçant, la démarche pesante tels des cavaliers fourbus venant de traverser le Texas, les Piche peinent à monter les quelques marches qui les conduisent à leur chambre.

C’est que des marches ils viennent d’en voir comme jamais dans leur vie.

Et, s’ils n’ont pas traversé le Texas, ils viennent tout de même de descendre le Mont Emaï (Emaï Shan, 3100 m) par un chemin exclusivement constitué de marches. Des dizaines de milliers de marches, inégales en hauteur comme en largeur, ne permettant souvent de ne poser que le talon. 70 000 selon une estimation de Raoul qui recoupe d’autres sources. Il aura fallu 10 heures aux Piche, réparties en deux jours pour descendre ainsi 2600 mètres de dénivelé.

Site classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le mont Emaï est singulier à bien des égards.

Son climat de “pluie, de brume, de brouillard, d’humidité et d’un peu de soleil” n’est pas la moindre de ses caractéristiques. Autant dire qu’il faut un peu de chance pour profiter des vues extraordinaires qu’il recèle. Les Piche n’ont pas été trop mal servis. En dépit de brumes tenaces mais mouvantes, ils ont pu découvrir de fabuleux panoramas. D’autres n’ont pas eu cette chance.

Emaï Shan est formé d’aiguilles rocheuses recouvertes de cèdres, de pins, de rhododendrons, d’azalées, de fougères etc.

Sur ces élancements sont bâtis une douzaine de temples et de monastères reliés entre eux par un réseau de chemins formés de ces milliers de marches.

Jamais les Piche n’avaient vu un tel paysage avec des précipices vertigineux qui se perdent dans la brume et des pics si hauts qu’ils percent les nuages.

Après avoir gagné le sommet en bus, puis en téléphérique, Rose et Raoul ont entrepris de parcourir les 26 km de descente en début d’après midi. Après une heure sur des marches incroyablement pentues, ils croisent des jeunes chinois qui, eux, montent. Les jeunes filles essoufflées affichent un visage effaré, suppliant pour que le supplice cesse après le prochain virage. Cela fait rire Rose, ravie de descendre au lieu de monter. Mais après plusieurs heures de ce régime, elle ne rit plus pensant que trop c’est trop, même en descente ! Lorsqu’en fin d’après-midi, le tonnerre gronde, Rose et Raoul décident que le petit temple auquel ils arrivent fera une excellente halte pour la nuit.

Un moine leur attribue une chambre on ne peut plus rustique pour le prix d’un palace à Kunming.

Qu’importe, le havre leur paraît délicieux. Le lendemain, les deux pèlerins reprennent leur escalier de descente et plaignent de plus en plus les rares personnes qu’ils croisent à la montée.

A partir d’une certaine altitude, ils rencontrent les habitants naturels du lieu, des singes plutôt costauds, pas toujours sympathiques. Face à l’un d’eux qui montre les dents en grognant, les Piche appliquent la technique préconisée, montrer un caillou dans une main et un bâton dans l’autre. Message reçu. le primate s’éloigne dans la montagne.

Plus tard, ils croisent un autre animal qui serre les marches sur sa gauche tandis que Rose serre la droite, les deux échangent un regard lourd de méfiance réciproque.

Montagne sacrée du Bouddhisme, Emaï Shan se prête aux prières et aux voeux de toutes sortes. Raoul en formule deux.

Le premier, dans la cabine du téléphérique alors qu’il a pour seule vision deux mètres de câbles se perdant dans le blanc des nuages, “au sommet, si on voit le soleil, je me convertis au Bouddhisme”. Parvenu au plus haut, le soleil se montre de manière très furtive. Trop pour mériter une conversion.

Second voeux : au moment de descendre, un vieux chinois très digne, au port altier se dirige vers Raoul et le salue chaleureusement dans un anglais parfait. La conversation s’engage avec lui et sa famille. Il s’agit de Chinois-américains de San Diego. Rose et Raoul apprennent que le vieux monsieur qui se déplace de façon alerte est âgé de ….95 ans !! Cela suscite l’enthousiasme de Raoul qui fait le serment devant cet homme de revenir au mont Emaï au même âge que lui, s’il est aussi en forme que lui.

Et ce voeux là, Raoul entend bien le tenir… si Bouddha le veut bien.

PS “Ne parlez jamais de vous, ni en bien car on ne vous croirait pas, ni en mal car on ne vous croirait que trop”. Confucius.

“Il faut se méfier de la première impression, c’est souvent la bonne”.

4 avril 2006

Chengdu, 4 avril 2006

Après un mois et demi en Chine, les Piche recensent ce qui les a surpris de prime abord.

A tout seigneur tout honneur, le crachat vient en tête de liste.

Pas le petit crachat du joueur du PSG sur la pelouse du stade de France. Non ! Il est question, ici, du crachat qui provient d’un raclement sonore au plus profond des bronches pour monter en un grondement impétueux avant de se terminer en une puissante expectoration. Un exercice que le Chinois moyen peut renouveler plusieurs fois en quelques minutes où qu’il se trouve, dans un bus, un train, un restaurant, sur un trottoir, un vélo, etc.

Le pouvoir a tenté d’enrayer cette pratique, avec un certain succès paraît-il à Pékin et Shanghai. Ailleurs, c’est l’échec total. La conséquence étant que les Chinois sont largement atteints par le “ganmào” une sorte de bronchite chronique. Raoul qui aime “faire comme les Romains, chez les Romains” a du recourir aux antibiotiques pour se débarrasser d’une bronchite tenace, affection qui l’épargne en général. Le “ganmào” ?

Dans un registre voisin, en quelque sorte, les Piche ont découvert une autre spécificité, les wc publics à la chinoise. Ils sont composés d’une rigole qui court tout au long de l’édicule avec quelques cloisons très basses, sans porte. Des wc souvent rebutants mais avec beaucoup de chaleur humaine…

On avait annoncé aux Piche, les Chinois individualistes et peu sympathiques avec les étrangers. Individualistes, ils le sont indubitablement, en revanche, les Piche les trouvent accueillants, aimables, serviables et ils parviennent toujours à obtenir le renseignement ou l’aide qu’ils cherchent.

Dans les restaurants, il n’est pas rare qu’ils soient cordialement invités à goûter aux plats des convives présents à leur table, pour le plaisir manifeste de leur faire découvrir certains mets.

La variété de l’habillement qui va jusqu’à une élégance certaine pour les femmes, dans les grandes villes, a également frappé Rose et Raoul. Rose qui ne cesse de louer l’amour des Chinois pour les plantes ornementales très présentes dans les rues des grandes villes comme dans les bâtiments publics.

Les magnifiques bonsaïs sont fréquents, tout comme les massifs de fleurs. Le savoir faire chinois dans ce domaine est immense. Si l’on ajoute à cela l’omniprésence des légumes dans les préparations culinaires, force est de constater que les Chinois sont plus amoureux de la nature qu’on ne le dit..

Et si l’environnement a été saccagé pour cause de développement industriel, il est permis d’espérer que le fond “végétal” chinois reprendra le dessus.

Le dernier plan quinquennal qui vient d’être présenté en mars dernier ne consacre-t-il pas une large part au “développement durable” ? Comme le dit Thierry, voyageur devant l’éternel et ami des bêtes “un peuple qui se nourrit de chiens au lieu de les gaver de Canigou est forcément plus proche de la nature que nous”.

Les Chinois aiment le jeu. Il est partout, dans les parcs publics, les rues, devant les magasins, dans les trains, les bateaux. Jeux de cartes, chinoises ou occidentales, de dames, de dominos.

Dans les parcs les joueurs côtoient les pratiquants du Tai Chi, le plus souvent des femmes ou des personnes âgés. Ces derniers offrent aux Piche un spectacle gracieux parfois comique tel ce très vieux monsieur de Kunming dont les gestes se limitaient à un mouvement plongeant des mains d’une amplitude ne dépassant pas 10 centimètres, accompli avec conviction et persévérance.

Dans cette même ville de 4 millions d’habitants, puis plus tard à Chengdu (même taille), les Piche ont été surpris par le faible niveau sonore de la circulation, pourtant importante à certaines heures. Explication : la totalité des scooters et des mobylettes sont électriques. 100% silencieux !

L’omniprésence du téléphone mobile à la ville comme à la campagne est également remarquable. Sur un chemin autour de Yangshuo, les Piche n’ont-ils pas vu une paysanne marchant avec sa bêche sur l’épaule tout en conversant au téléphone. Les Chinois semblent tous équipés de cet appareil qu’ils utilisent en tous lieux et à tout moment, en parlant encore plus fort qu’à l’ordinaire, c’est-à-dire vraiment très très fort.

Autre pratique chinoise qui saute aux yeux : les affiches. Elles sont partout. Géantes dans les grandes villes, plus réduites ailleurs, elles sont légions où que l’on se trouve. Les ateliers pour les fabriquer sont simples : un local de trois mètres de large, 5 de profondeur, un ordinateur et un gigantesque traceur de la profondeur du local.

“Quand le bâtiment va tout va”, alors la Chine va. Des bâtiments poussent comme des champignons dans les grandes agglomérations comme dans les moins grandes et même dans les villages. Les immeubles flambants neufs, apparemment terminés mais encore libres de tout occupant sont innombrables.

Les chantiers routiers et autoroutiers sont visibles partout y compris dans les régions montagneuses difficiles. Bref, la Chine apparaît aux Piche comme une immense zone de travaux.

Parmi leurs premières impressions, les Piche ne pouvaient pas ne pas qualifier le physique des Chinois qui ne sont décidément pas “tous pareils”.

Raoul :

- Je trouve que la plupart des Chinoises ont un corps particulièrement bien fait même si elles sont le plus souvent de petites taille. Comment trouves-tu les Chinois, demande-t-il à Rose ?

- Ce ne sont pas les types d’hommes que j’aime. Remarque, même en occident, il y en a très peu qui soient à mon goût.

Du coup Raoul se sent l’égal de Robert Redford et d’Harrison Ford, lui que Rose a choisi parmi des millions ! Subitement, il n’a plus que faire des Chinois et des Chinoises. Diablesse de Rose…

PS “Les personnes insignifiantes aiment que leur actes soient bruyants”. Proverbe chinois.