Archive pour la catégorie ‘Egypte’

Spécial manifestations au Caire

Samedi 5 février 2011

Nous sommes le vendredi 25 janvier, ça barde au Caire. Et bien sûr, les Piche sont dans la capitale égyptienne.
Résumé de cette journée assez spéciale telle qu’ils l’ont vécue.
Avertis par un journaliste français résidant dans leur hôtel que, ce jour là, la manifestation serait plus sérieuse que les deux jours précédents, Rose et Raoul décident de rentrer tôt à leur hôtel après une visite aux Pyramides. Cela ne s’est pas vraiment passé ainsi.
Lorsqu’après leur balade sur le plateau de Guizé, les Piche se font raccompagner en ville en taxi, celui-ci ne peut franchir le Nil, les ponts étant fermés à la circulation. Mais pas aux piétons. Rose et Raoul traversent donc un pont avec pour objectif de contourner le centre ville pour ne jamais se trouver dans la manifestation. Mais ils doivent se rendre à l’évidence la manifestation s’étend au delà de la place El Tahrir, coeur des événements de la veille.
Alors qu’ils sont encore loin du centre, dans une rue parallèle à la leur, ils aperçoivent des manifestants bombardés de gaz lacrymogène. Les Piche étant sous le vent en prennent une dose et pleurent, comme les autres passants. Ils décident donc de s’éloigner plus encore et de parcourir un très large cercle pour s’approcher du quartier de leur hôtel par l’est en passant à bonne distance des bâtiments officiels et de la ville moderne.
Ca marche.
Aucun manifestant dans les quartiers traversés mais des gens enthousiastes qui, à la vue de ces deux étrangers, crient en anglais « révolution » avec de grands sourires.
Dans les cafés, les vieux fument tranquillement la chicha tout en regardant la télé qui diffuse les événements. Rose et Raoul voient que ça ne rigole pas. Sur l’écran télé, un fourgon de police fonce sur la foule, pourchassant les manifestants qui tentent de l’éviter. Des grenades sont tirées à tirs tendus.
Pour trouver leur chemin dans les avenues, les rues, les ruelles, Rose et Raoul disposent d’une carte mais surtout d’un GPS de randonnée dans lequel ils ont entré la position de leur hôtel et d’une règle de navigation. Ils sont donc capables de se situer et de savoir exactement où ils sont et où ils doivent aller.
Parvenus, comme ils le voulaient à l’est du centre ville, ils s’avancent sur une avenue, longue et large, qui aboutit à une place où ils aperçoivent beaucoup de monde. Trop à leur goût. Ils s’engagent alors dans d’étroites ruelles. Là, les gens vaquent à leurs occupations comme si de rien n’était. Tout est calme. Guidés par leur instrument de navigation, Rose et Raoul cheminent dans les ruelles et finissent par déboucher sur une avenue, calme elle aussi. Le GPS leur indique qu’ils ne sont plus qu’à un kilomètre de leur hôtel. Ils franchissent l’avenue et pénètrent dans une rue qui leur permet de faire un cap quasi direct sur leur objectif. 900 m, 800 m, 600 m, 500 m. Là, des dizaines et des dizaines de cars de police. Des policiers barrent les accès latéraux à cette rue. Pas de bruit de grenade, pas de rumeur, pas de fumée. Les Piche progressent. 300 mètres de l’hôtel. Il fait nuit désormais. Dans l’air quelques relents de gaz poussés par le vent. Quelques larmettes. Rose et Raoul ne reconnaissent pas les rues dans lesquelles ils marchent alors qu’il se savent tout près du but. 200 mètres, ils suivent le GPS. 100 mètres. Peu de gens dans ces rues parfaitement calmes. « Là, l’hôtel !», s’écrie Rose tel un navigateur apercevant la terre.
Après quatre heures de marche et après avoir traversé des quartiers résidentiels, populaires, historiques les Piche trouvent leur petit hôtel aux 6ème et 7ème étages d’un immeuble bourgeois.
A aucun moment ils ne se sont sentis en danger. Les manifestants n’étaient pas des fous de dieu mais des jeunes aspirant à la démocratie. Ils étaient plutôt bienveillants vis à vis des occidentaux qu’ils voulaient témoins de leur colère contre Moubarak. Quant à ceux qui ne manifestaient pas, ils n’avaient de cesse que de vouloir protéger les Piche et les empêcher de prendre des risques. Les policiers, eux, voyaient dans ces deux promeneurs des touristes tentant de regagner leur hôtel et les laissaient passer là, où, parfois, ils bloquaient des Egyptiens.
Néanmoins, Rose et Raoul avaient conscience que ce qui se passait était sérieux. Mais ce n’est que le lendemain matin, lorsque leur ami journaliste leur a montré le sujet qu’il avait tourné pour Arte qu’ils ont vraiment découvert l’ampleur des événements.
N’ayant ni internet (coupé dans tout le pays), ni TV, les Piche en savaient moins que le reste du monde sur ce qui se passait à quelques centaines de mètres de leur hôtel situé à côté de la place Tahrir!
Pas très glorieuse cette journée passée à essayer d’éviter une manifestation qui avait toute leur sympathie mais Rose et Raoul Piche n’avaient guère envie de tâter de la matraque ou de la geôle égyptienne. Ni l’une ni l’autre n’ont bonne réputation.
Les jours suivants, les Piche se sont contentés de quelques sorties à l’extérieur dans la matinée lorsque les badauds venaient voir les résultats des échauffourées de la nuit. Ils cherchaient aussi à acheter quelques provisions, tous les restaurants étant fermés comme d’ailleurs la quasi totalité des magasins. A une exception près, bien sûr : les petits épiciers arabes !
A bientôt, depuis d’autre cieux.
PS Nous sommes maintenant le mardi 1er février. Jour de la manifestation monstre au Caire. Rose et Raoul Piche ont quitté leur hôtel à 9h du matin. Ils ont patienté dans d’énormes embouteillages, avec l’impression que tous les Cairotes quittaient la ville. A l’aéroport, le niveau de pagaille atteignait 10 sur l’échelle du chaos aéroportuaire qui compte 10 niveaux.
Il est 23h03. Rose et Raoul Piche sont assis sur un banc de l’aéroport de Casablanca en attente de leur avion pour Dakar. Départ 1h.00 arrivée 4h et qq.
Ils vont se reposer un peu avant de contacter le mouvement démocratique révolutionnaire sénégalais pour mettre un peu d’ambiance dans le pays.
Jordanie, c’est fait. Egypte, c’est fait. Sénégal, on arrive. Le Bénin est prévu pour les élections de mars.
C’est chouette les vacances.
Re bises à tous.

Le Caire, au coeur d’une révolution

Vendredi 4 février 2011

Ce texte est une copie de l’article rédigé par les Piche pour le site Africamix-Le Monde (http://africamix.blog.lemonde.fr/) le 5 février 2011.

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05 février 2011

Raoul & Rose Piche, journalistes à la retraite, sont de grands voyageurs : tour de la Méditerranée puis tour du monde en voilier, Asie, Amériques, Australie, Moyen-Orient… et maintenant l’Afrique. Mariant L’Usage du monde aux réalités croisées, ils naviguent sur mer et sur terre au gré de leurs envies, des vents et des courants. Ils ont été rattrapés par le souffle de l’Histoire au Caire. Voici leur récit et leurs photos.

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(Le Caire) - « Le vendredi 28 janvier a été le jour de la première grande manifestation au Caire. Si le gros des manifestants s’est réuni place Tahrir, les jeunes et la police se font face dans une ambiance de gaz lacrymogène dans plusieurs autres quartiers. Des effluves dont bénéficient les passants, nombreux ce jour-là dans les rues. Tout le monde pleure.

Ici, arrêtés sur un pont, des badauds regardent, au loin, les affrontements avec la police et la fumée noire de pneus enflammés. Ils prennent à témoin de leur colère deux Occidentaux présents : « Nous sommes pauvres, tout est plus cher. On en a assez de Moubarak, qu’il parte ! ». Le ton, les gestes, tout exprime une profonde exaspération et une exhortation à faire comprendre le pourquoi de ces scènes dans les rues de leur ville.

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Plus loin, dans un quartier populaire, des jeunes passent juchés sur un pick-up hurlant « Moubarak ! » les pouces tournés vers le bas en signe de défaite.

Dans les cafés, les plus âgés, assis sur leurs chaises en bois, fument paisiblement la chicha tout en regardant les événements à la télévision. Dans les ruelles étroites des quartiers éloignés du centre, la vie continue comme si de rien n’était : le menuisier rabote, le repasseur repasse, le ferronnier soude, les enfants jouent, les femmes lavent. Mais, lorsqu’on se rapproche du centre-ville, la présence de la police se fait massive. Elle n’empêche cependant pas les habitants de se déplacer. Haut dans le ciel, on aperçoit des volutes de fumée. Ce ne sont pas des pneus qui brûlent mais quoi ? Où ? Le réponse viendra le lendemain. En attendant, la nuit tombe, les rues se vident sauf place Tahrir et dans son périmètre proche. Des bruits d’explosion, des tirs sont entendus dans la soirée puis le calme s’installe.

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Au matin, le bourdonnement puissant d’un gros hélicoptère de l’armée marque le signe du réveil. Ce bruit servira de fond sonore aux journées qui suivront, cet engin ne cessant de tourner au dessus du centre, ne s’interrompant que le temps de refaire le plein de carburant. Un après-midi, il sera fortement concurrencé par deux chasseurs à réaction, volant au ras des toits, dont les hurlements stridents réussiront à faire sortir tous les habitants aux fenêtres des maisons. Leur manège durera une petite heure. Une fois disparus du ciel, ils n’y reviendront plus, chacun s’interrogeant sur la raison de leur bruyant manège.

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Vers 9 heures le lendemain du 28 janvier, les gens, hommes et femmes, sortent peu à peu dans la rue. Les magasins sont fermés aussi bien dans la rue hypercommerçante Taalat Harb qu’autour de la place Bab el Louk. Plus aucun policier en vue. En revanche, plusieurs de leurs véhicules réduits à l’état de carcasses fumantes encombrent la rue El Mansour. Les badauds tournent autour en contemplant en silence ces signes patents des échauffourées de la soirée. Juste à côté, au carrefour avec la rue Mahmud Pacha, le centre des impôt ne vaut pas mieux que les cars de police mais personne n’y jette un regard.

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Place Tahrir, les chars de l’armée et les engins blindés de transport de troupe ont remplacé la police. Le contact avec la population est bon enfant. Couverts de slogans anti-Moubarak (dont les plus visibles seront effacés), les chars sont mitraillés de photos par les téléphones portables. On s’appuie sur les chenilles, on monte dessus, on prend la pose et on se fait photographier. Mais gare à l’imprudent, journaliste ou passant, qui exhibe un véritable appareil photo pour saisir ces scènes, il se fait vertement rappeler à l’ordre par les militaires : « Interdiction de photographier ! ».

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Depuis la place, loin, au-delà du musée égyptien, un immense building achève de se consumer. C’est celui du PND (Parti national démocrate), le parti au pouvoir (jusqu’à quand ?) de Moubarak.

Dans les rues, les policiers absents sont progressivement remplacés par des groupes de citoyens pour éviter les pillages et le chaos. Ils contrôlent les coffres des voitures, assurent un brin de circulation, surveillent. Au cours de la soirée, les commerçants, notamment d’appareils électroniques, avaient pris soin de vider leurs boutiques aidés par les nombreux bras de la famille et des amis. Des gardiens équipés de barres de fer étaient apparus ici et là, montant la garde pour protéger un bien. Impossible de les confondre avec les nervis plus jeunes qui plus tôt servaient d’auxiliaires malsains à la police.

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Jusqu’à la méga-manifestation du mardi 1er février, les jours passent et se ressemblent. Couvre-feu la nuit. Regroupement au matin, place Tahrir où chacun y va de sa pancarte pour exprimer à sa façon, souvent avec humour, sa volonté d’en finir avec Moubarak. Un atelier d’écriture s’est installé pour aider à ces compositions.

Les matins, les passants sont de plus en plus nombreux à chercher une épicerie ouverte. Celles, rares, qui lèvent leur rideau font le plein. Au fil des jours, elles seront plus nombreuses et les achats plus massifs, comme pour « tenir » plus longtemps. Les premiers commerces ouverts sont les tréteaux des marchands de journaux où s’empilent de nombreux exemplaires qui partent vite. En revanche, les mobiles qui semblent habituellement une excroissance naturelle de l’oreille de nombreux Cairotes ont disparu. Le pouvoir a coupé les moyens de télécommunication : plus de téléphonie mobile (rétablie par la suite), plus d’Internet et parfois plus de faisceaux satellite pour empêcher la transmission des reportages des équipes TV présentent sur le terrain. Commencées par un appel lancé via Facebook, les manifestations sont marquées du sceau des nouvelles technologies qui dès lors deviennent des cibles privilégiées.

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Mardi 1er février, une ambiance d’exode règne sur les avenues et sur l’autoroute conduisant à l’aéroport. Pare-chocs contre pare-chocs, les voitures, avec valises sur le toit progressent au pas franchissant barrage après barrage, chacun doté d’un char d’assaut, tourelle tournée face au trafic. A l’aéroport règne une pagaille noire. Mais, en dépit de nombreux retards, la plupart des vols décollent pour les quatre coins du monde. Pour les passagers, Le Caire c’est fini. Pour les habitants, tout ne fait que commencer. »

Si des lecteurs arabophones peuvent traduire la jolie calligraphie,
envoyez-la grâce aux commentaires. Merci.
Première traduction de Claire : “ Révolution pour la liberté du peuple ”.
Deuxième traduction de Yassine :  “ 25 janvier - Révolution du peuple - Liberté “.
Troisième traduction d’Amr : ” Peuple, révolutionne-toi - Liberté “.

Raoul & Rose Piche sont maintenant au Sénégal. Arrivés à Saint-Louis la belle, ils vont descendre tranquillement vers Dakar, pour assister au Forum social mondial. Ils reviendront bien sûr nous en parler dans ” la case à palabres “.

Croisière sur le Nil

Jeudi 27 janvier 2011

Sa voile gonflée, poussé par le vent, le bateau glisse sans un murmure sur le Nil. Les palmiers, les champs, et, au loin, les dunes du désert défilent lentement. De temps à autre, un homme d’équipage en djellaba et turban savamment agencé sur la tête reprend une écoute, borde un peu la voile. A la barre, le capitaine rectifie gentiment le cap en poussant sur l’énorme barre franche avec ses jambes. Sur le pont les six passagers dégustent un karkadé, décoction de fleurs d’hibiscus servie très fraîche, installés dans de confortables fauteuils de palme tressée. Par intermittence, ils interrompent leurs conversations pour écouter le silence.

L’alliance du mouvement et du silence est chose rare. Ils dégustent cet étrange mélange en regardant autour d’eux, émerveillés par la beauté qui les entoure. Celle du paysage mais aussi celle de leur navire. Le gréement propre aux felouques avec son mât court et son immense corne oblique, cintrée, montant haut dans le ciel est superbement élégant. Il donne à la voile l’allure d’une flèche projetant le bateau en avant.

En réalité, ce voilier, le Séthis II, n’est pas une felouque mais un sandal. Bateau traditionnel de transport de charge reconverti en transport de passagers.

Il comporte trois cabines dans lesquelles ont pris place, outre Rose et Raoul Piche, Rachel, Hélène, Suzanne et Pierre, venus du Québec. Leur présence rehausse l’agrément du voyage. La découverte partagée a toujours plus de saveur. Au fil des jours et des miles, les échanges dans d’inépuisables conversations donnent aux Piche le sentiment d’effectuer deux voyages en un. Ils sont en Egypte mais à terre, ils « magasinent » dans les souks (magasiner = faire du shopping) en évitant les achats trop dispendieux (chers), il découvrent ce que sont les « dink » (dink = double income no kids, deux revenus et pas d’enfants, les bobos) et notent les films canadiens à voir absolument (La grande séduction).

Le sandal, que Rose a vite dénommée « savate », est un bateau de faible tirant d’eau. Pour mouiller il s’échoue en douceur par la pointe, en bordure du fleuve. Un homme d’équipage porte une « ancre » à terre, en fait un piquet martelé dans le sol. Ainsi, le sandal peut, au gré du capitaine, faire escale n’importe où. Ce dont il ne se prive pas. Cela permet aux Piche et à leurs compagnons de visiter des sites inaccessibles aux navires-hôtels qui sillonnent le Nil à grand bruit et à grande vitesse.

Un jour, la visite conduit à un temple, un autre à une marche de quelques heures dans le désert à franchir des dunes de sable et des monticules rocheux, sur lesquels, il y a 5000 ans des hommes ont gravé des scènes de leur vie quotidienne. Là au milieu de nulle part ! Le lendemain, les navigateurs visitent un village égyptien en faisant halte chez un marchand de dromadaires (trop chers, mais Rose en essaye tout de même un). Plus tard ce sera un village nubien où un patriarche à la famille nombreuse (3 femmes, 12 enfants) les reçoit avec chaleur en répondant à toutes leurs questions, acceptant les plus indiscrètes (son revenu ? 700 livres égyptiennes, soit 90 euros par mois). Dans leurs pérégrinations à terre, les passagers du Séthis II sont accompagnés par un égyptologue érudit et francophone, Sharif, qui leur prodigue moult explications savantes.

Un soir, surprise, l’équipage dresse une tente à terre, installe un barbecue. C’est la fête. Grillades, musique, chants, danses. La pleine lune monte et raccompagne les joyeux convives en les illuminant de sa discrète clarté. Chaque nuit se passe au calme, le long de la rive, dans un silence absolu, si ce n’est parfois avec l’appel du Muezzin au loin venu de quelque village.

Pas d’alcool à bord. Enfin, il n’en est pas prévu. Sauf les bières que Rose a eu soin d’acheter avant d’embarquer et le cognac dont Pierre a empli des petites bouteilles d’un quart de litre d’eau. Apéritifs et digestifs sont assurés.

Lorsque le vent manque, un remorqueur, petit mais puissant, frappe une aussière sur la « savate », pardon le sandal, et le tracte jusqu’au retour de la brise ou jusqu’à l’étape du jour. Les Piche connaissaient le moteur in-bord, le moteur hors-bord, ils découvrent le moteur « ailleurs que le bord ». Bien plus silencieux que les deux autres !

Rose et Raoul découvrent aussi une croisière où ils n’ont rien d’autre à faire qu’à se laisser choyer. Aucune responsabilité sur la navigation, l’intendance ou la sécurité. Une position nouvelle pour eux qui, habituellement, en assurent la charge. Ils apprécient d’autant plus cette inversion des rôles !

Pour les repas, l’essentiel de l’effort consiste à passer les plats à ses voisins de table. Des plats nombreux, il est vrai : une bonne dizaine, servis en même temps. Toute la gastronomie égyptienne y passe. Savoureuse, variée, de grande qualité, dégustée sans arrières pensées sanitaires.

Philosophe à ses heures, Hélène, devant ce moment de vie qui se prolonge durant cinq jours trouve la formule définitive : « Si c’est ça la misère, pourvu que ça dure ».

A bientôt.

Pour voir quelques images de cette croisière, cliquer ici.


Dieux, déesses, rois, reines

Mardi 25 janvier 2011

Durant une dizaine de jours Rose et Raoul ont tutoyé dieux, déesses, pharaons, rois, reines et grands prêtres de la haute Egypte. D’Aménophis à Touthmosis en passant par Ramsès, les reines Hatchepsout, Néfertari, Néfertiti… la liste de leurs rencontres est interminable. Et, comme lorsque invités, l’on présente d’un seul coup un grand nombre de personnes les Piche mêlent tous les noms. D’autant plus qu’ils sont parfois quatre voire onze à porter le même, tels Aménophis et Ramsès.

Qu’importe, Rose et Raoul ont été très bien reçus en leurs temples, leurs palais et même leurs tombeaux.

Les Piche n’en revenaient pas. Pas un centimètre carré parmi les hectares de murs, de colonnes, de couloirs, de plafonds sans dessins, sculptures ou inscriptions.

L’histoire de ces puissants, hommes ou dieux, réelle ou allégorique s’étale partout. Mais la vie des plus humbles est également retracée. Tous les métiers du quotidien sont sculptés en pleine action dans les tombes des nobles ou des artisans.

Nul besoin d’être grand amateur d’art pour apprécier la finesse des sculptures et des dessins. Elle saute aux yeux. Les visages qu’on dirait vivants tant ils sont expressifs, esquissent des demi sourires empreints d’une grande sérénité. Certes les combats sont représentés mais aussi des corps féminins recouverts d’un voile transparent, ne cachant rien de leurs formes admirables et aussi des dieux aux érections hautement fertilisantes.

Le plus surprenant étant les couleurs parfaitement conservées dans nombre tombeaux. Les bleus, les jaunes, les rouges, le disputent aux plafonds bleus et or constellés d’étoiles figurant la voûte céleste. Des couleurs qui sont là depuis plus de 4000 ans pour certaines d’entre elles !

Quant aux temples qui fourmillent de colonnes hautes et massives, supportant des plafonds faits de blocs de pierre de plusieurs tonnes, ils intriguent Raoul. Comment ont-ils été construits ? Comment hisse-t-on 20 tonnes à 25 mètres de hauteur par la seule force des hommes ?

On le voit, les Piche ont été d’étonnement en admiration et ont aimé être ainsi touchés à travers les millénaires par le génie de ceux qui ont vécu bien avant eux. Ils ont conscience qu’il faudrait des années pour apprécier plus profondément ce qui s’offre à leurs aux yeux. Mais leur vie n’a pas la même éternité, alors…

Caroube sur le gâteau, Rose et Raoul ont découvert la plupart de ces lieux au fil du Nil, lors d’une étonnante croisière sur un voilier traditionnel égyptien. Une histoire qui mérite d’être contée. Elle le sera.

A bientôt.

Pour voir quelques images de ces merveilles, cliquez ici.

Le Sinaï 30 ans après …

Samedi 22 janvier 2011

Rose et Raoul Piche ayant vu les eaux de la mer Rouge s’ouvrir devant eux, ils ont marché droit devant et ont pris pied sur la rive égyptienne du Sinaï.

Une côte qu’ils connaissent bien. Ils étaient là, il y a 30 ans, venus d’Europe en voilier avec deux gamins de 4 et 9 ans, devenus, depuis, des barbus de 1,87 m.

Les Piche reviennent aujourd’hui à quatre endroits précis où ils mouillaient régulièrement leur embarcation.

La première, le Fjord, n’a pas changé. En apparence. Une magnifique crique en plein désert. La mer est toujours aussi claire. En revanche, sous l’eau 99% des coraux et des poissons ont disparu. La pêche à la dynamite est extrêmement efficace pour ceux qui la pratiquent. Qu’il ne reste rien ensuite pour leurs successeurs n’est pas leur problème. On aurait tord d’incriminer les Egyptiens. Mutatis mutandis, n’est-ce pas ainsi que l’homme moderne pratique sur l’ensemble de la planète ? L’efficacité destructrice.

Second, lieu visité Nuweiba. C’était le désert. Une petite ville y a poussé. Les Piche ne reconnaissent rien.

Troisième lieu, Dahab. Une baie abritée avec une plage de sable fin de toute splendeur. Elle est toujours aussi belle. Mais MM. Hyatt, Hilton, Novotel et consorts y ont planté des hôtels de luxe. Heureusement, suffisamment en retrait pour ne pas manger la plage. Là où les Piche étaient seuls au monde on parle russe, italien, allemand, on fait du ski nautique, de la planche à voile et du farniente sur des centaines de transats.

Quelques kilomètres plus au nord, des babas cool vivaient dans des paillotes, fumant du hasch et buvant des bières. A la place, Rose et Raoul découvrent un village touristique avec rues piétonnes, force hôtels et des restaurants les pieds dans l’eau. L’ensemble devenu plus bobo que baba n’est cependant pas trop moche (en faisant ce constat, les Piche se prennent à douter, n’auraient-ils pas eux aussi évolué dans le même sens ?).

Dernière escale, Sharm El Sheikh. Rose et Raoul gardent un souvenir ému d’une fameuse soirée autour d’un feu de bois avec des amis dans l’exceptionnelle baie de Naama. L’espace entier était pour eux, pour leurs amis, leurs enfants et leur petit voilier mouillé à une encablure du bord.

En 2011, l’accès est impossible si l’on est pas client d’un des luxueux « resorts » qui s’étendent tout au long de la baie. Une grande ville dédiée au tourisme de masse dans ce qu’il a de plus destructeur, s’est construite ici.

Alors, déçus les Piche de ce pèlerinage 30 après leur premier voyage en Egypte ?

Non, pas vraiment.

Il leur a permis de mesurer la chance inouïe qui a été la leur de connaître ces lieux « avant » et d’avoir vécu des moments rares.

Par contre, ce qu’ils voient, les rendent perplexes : le reste du monde a-t-il été aussi mal traité depuis 30 ans ? Et, les nouveaux lieux qu’ils vont découvrir ne seront-ils que des pâles figures de ce qu’ils étaient aux yeux des voyageurs d’il y a 30 ans ?

A bientôt

Pour voir des images des endroits évoqués, cliquer sur ce lien :

Photos des lieux