Archive pour la catégorie ‘Thaïlande’

Plongée en eau trouble

Lundi 19 mars 2012

Sourcil froncé par l’inquiétude, le commandant du « Friendship », bateau de 25 mètres avec 60 personnes à bord, scrute la surface de l’eau. Il lui manque deux passagers. Le bateau est au mouillage à l’entrée de Maya Bay, sur l’île de Kho Phi Phi. Il a vu les deux manquant plonger pour aller explorer les fonds sous-marins. Ils devaient remonter à bord au bout d’une heure. Personne. La sirène retentit pour les appeler. Rien. Rose et Raoul Piche ont disparu.

Ce sont leurs amis, Chantal et Patrice qui ont prévenu le capitaine de leur absence alors qu’il allait lever l’ancre sans eux. Face au chef de bord inquiet, ils se veulent rassurant, « ne vous en faites pas ils sont très expérimentés ».

Une heure auparavant, les Piche avaient effectivement quitté le bord avec masque et tuba pour admirer la faune et la flore des eaux tropicales. Sous le bateau le spectacle était intéressant sans être très riche. En nageant vers la plage éloignée, Rose et Raoul pensaient en voir plus. Ce fut le contraire. Sur les trois-quart du trajet un spectacle de désolation : des coraux morts et plus aucun poisson. Parvenus à la plage ils pensaient trouver la barque censée ramener les passagers à bord. Mais tout le monde était déjà retourné au bateau.

Ils entendaient la sirène du « Friendship » les appeler désespérément mais aucune barque pour revenir. Finalement en graissant la patte à un marinier ils sont rapatriés sur leur navire… et grondés par le commandant : « ne refaites plus jamais ça ! ». Il s’en est fallu de peu que les Piche jouent les Robinson sur cette île déserte. Ils regrettent presque d’avoir été récupérés.

Le lendemain les Piche se retrouvent sur une petite plage idyllique où ils sont logés dans des bungalows spartiates mais à la vue superbe. Un minuscule centre de plongée est là. Raoul ne veut pas rester sur une mauvaise impression. Il décide d’effectuer deux plongées bouteille. « Avec leur bateau rapide on va pouvoir aller sur de bons coins », pense-t-il.

Une demi-heure de mer et première plongée à proximité d’un îlot. Après 40 minutes dans une eau trouble, Raoul se demande si le but de cette plongée est de démontrer qu’il n’y a rien à voir autour de Phuket ! Devinant ses pensées le chef de palanquée lui annonce que la seconde plongée va être bien plus belle, avec coraux mous et poissons « mais avec pas mal de courant ».

2ème plongée, sur un second îlot. Immersion, eau de plus en plus trouble en descendant et encore moins de poissons. Tout à coup, au détour d’un rocher, Raoul voit le chef de palanquée emporté à toute allure sur sa gauche par un très fort courant. Pour ne pas le perdre il suit, comme les trois autres plongeurs qui sont avec lui. La silhouette du leader est à peine perceptible dans la brume du fond. Les coraux mous sont là survolés à toute vitesse sans possibilité de les contempler. L’attention des plongeurs est totalement concentrée sur le fait de ne pas se perdre de vue les uns les autres ! Profondeur -30m. Début d’une lente remontée. Plus rien à voir ni dessous, ni dessus. Après des paliers, surface. « Tiens, on est au large ! » remarque Raoul. Pas de bateau pour récupérer les plongeurs. Ils barbotent 20 minutes avant d’être aperçus et récupérés.

De retour au bungalow Raoul est accueilli par une Rose enthousiaste « là, devant la plage, il y a plein de poissons, des coraux, c’est super ».

Raoul s’y rend et reconnaît que, sans être les Philippines, l’endroit est de loin le plus riche qu’il ait vu autour de Phuket.

A pied, depuis la plage, avec un simple masque, un tuba et des palmes.

Grrrrrr…!!!

Que d’eau que d’eau

Lundi 19 mars 2012

Le Chao Phraya n’est pas un long fleuve tranquille. Il est agité. Des vagues s’y croisent en tous sens. Elles sont générées par les nombreux bateaux qui sillonnent sa surface à pleine vitesse, transportant des passagers d’un quartier à l’autre dans le centre ville de Bangkok. Les Piche raffolent de ce mode de transport efficace et rapide. Un peu sportif aussi. L’embarquement et le débarquement de la foule des voyageurs s’effectue en moins d’une minute, bateau collé à quai, arrière plein pot, tenu par une unique amarre traversière. Départ en trombe.

Raoul est admiratif de la maîtrise des pilotes, situés tout à l’avant et qui accostent la poupe de leur bateau, 20 mètres en arrière d’eux, en une affaire de secondes.

Mais il y a plus chaud en matière de transport fluvial. Bangkok surnommée la Venise orientale compte un nombre incalculable de canaux. C’est le règne des bateaux taxi (taxis très collectifs). Ils sont plus petits et plus bas sur l’eau et bien plus difficiles d’accès. Le passager doit rapidement poser son pied sur un étroit plat bord mouillé, de 10 cm de large, puis enjamber une bâche et trouver le caillebotis du fond à l’aveuglette. Pas le temps de lambiner, tout le monde doit avoir embarqué dans la minute. Les marins qui aident à la manoeuvre sont casqués, preuve que c’est du sérieux ! Gaz à fond dès le démarrage, vitesse maximale en permanence mais comme le canal est plus étroit que le fleuve, les vagues d’étrave de deux bateaux taxi qui se croisent se percutent en arrosant largement autour d’elles. D’où l’existence de bâches de protection censées protéger les passagers.

Autre expérience nautique des Piche : une embarcation plate, lente, paisible pour visiter les canaux éloignés du centre ville. Las ! Ce sont les bateaux à longue queue (long tail boat) qui les arrosent sans vergogne en les croisant à plein régime. La longue queue n’est rien d’autre que l’arbre d’hélice qui, partant du moteur situé sur un pivot, plonge 3 ou 4 mètre en arrière de la barque. Pour se diriger, le pilote fait tourner l’ensemble solidaire moteur-arbre-hélice sur le pivot. Ces bateaux au comportement un tantinet sauvage sont néanmoins les plus beaux, avec leur proue qui se projette loin vers l’avant et se termine en supportant des bouquets multicolores.

Avec leur barquette peinarde, Rose et Raoul Piche ont franchi les écluses qui séparent le fleuve Chao Phraya des canaux. Des écluses qui, lors des récentes inondations catastrophiques ont servi à épargner les quartiers riches en noyant les quartiers pauvres.

Les Thaï ont une maîtrise de l’eau confondante.

Bangkok-Paris, champagne et classe business à prix charter

Dimanche 31 mars 2002

Bangkok, Montpellier, 31 mars 2002.

Dring, dring, dring la sonnerie aigrelette du réveil retentit. Il est 6 heures du matin, Rose et Raoul Piche s’éveillent en grognant, ils s’apprêtent à effectuer l’ultime étape de leur voyage en Asie, de loin la plus pénible. Elle doit les conduire à Hong Kong, puis Abu Dhabi, enfin Paris et Montpellier. Taxi vers l’aéroport dans les rues de Bangkok déjà animées.

- Pourquoi voulez-vous prendre ce vol vers Hong Kong puisque c’est le même qui revient ici à 18h pour repartir vers Abu Dhabi ? Il vous suffisait de venir cet après midi.

Tête des Piche, encore ensommeillés, qui prennent lentement conscience qu’ils auraient pu passer une journée de plus, tranquillement, à Bangkok.

- Ben, on a des billets Bangkok-Hong Kong, Hong Kong -Abu Dhabi et Abu Dhabi-Paris, rien n’indique sur ces billets que le vol depuis Hong Kong n’est pas direct et revient à Bangkok, alors nous voilà ! répondent-ils penauds à l’agent de la compagnie Gulfair. Tant pis, on va aller à Hong Kong, on n’a rien d’autre à faire !

Décollage, cap plein est, vers la ville chinoise située à 1700 Km, dans la direction opposée à celle de Paris. Deux heures et demi plus tard, Rose et Raoul Piche traînent dans les boutiques de luxe de la zone duty free de l’aéroport de Hong Kong. Au vu des prix, ils ne se sentent pas vraiment des clients potentiels.

Trois heures plus tard, embarquement pour le vol retour vers Bangkok . Dans l’appareil, les hôtesses qui reconnaissent les Piche sont stupéfaites. « Vous ici ? comment cela se fait-il ? », Raoul explique. Elles semblent profondément désolées de cette erreur qui impose un détour inutile de 3400 Km et elles se mettent en quatre pour être agréables à Rose et à Raoul. Elles commencent par les installer en classe « business » dans des fauteuils larges, moelleux avec toute la place que l’on veut pour les jambes. Ensuite, elles viennent en catimini leur offrir une bouteille de champagne et une autre de grand vin. Puis ce sera un repas raffiné avec des couverts luxueux, des films à la demande sur des écrans vidéo individuels, etc. De retour à Bangkok, l’équipage qui débarque recommande les Piche à la nouvelle équipe d’hôtesses et de stewards. L’avion n’a pas encore décollé qu’ils se retrouvent avec des coupes de champagne en main et le bon traitement reprend jusqu’à Abu Dhabi.

- Crois-tu qu’ils en feraient autant s’ils savaient que nous payons royalement 1800 FF chacun pour ce vol retour ? demande Raoul à Rose, laquelle se contente de répondre par un sourire entendu.

Quarante heures après que le réveil ait retenti dans leur chambre de Bangkok, Rose et Raoul franchissent le seuil de leur maison où, bonheur, ils retrouvent là leurs fils, belle-fille, sœur, nièce et neveu avec lesquels ils ouvrent la bouteille de champagne pour déguster les sauterelles, les chenilles, les grillons, les larves et le magnifique cafard qu’ils avaient pris soin d’acheter la veille de leur départ (le champagne avec les grillons constitue, il est vrai, une hérésie. Le goût du grillon s’en ressent, un vin de soja aurait mieux convenu mais à défaut…) .

Des retrouvailles qui mettent un point d’orgue à 11 semaines de voyage : sept mille kilomètres parcourus en Thaïlande, au Cambodge et au Laos à dos d’éléphant (un peu), à vélo (un peu plus), à moto (encore plus), en tuk tuk, en sang-thews, en pick up, en voiture, en bus (beaucoup), en train (pas mal), sur radeau de bambou (parfois), en barque (à leurs risques et avec périls), en long tail ultra rapide, en vedette, en ferry, en avion. Soit 400 Km sur l’eau (et sous l’eau), 600 dans les airs et 6000 sur terre. Sans compter, naturellement, les 25000 km des voyages aller-retour depuis la France.

Pattaya, les mâles occidentaux et leurs gentilles infirmières

Lundi 25 mars 2002

Pattaya, 25 mars 2002.

Pattaya est une ville merveilleuse. Miraculeuse serait sans doute un qualificatif plus approprié. Elle n’est pas sans rappeler Lourdes. On y croise de nombreux vieillards, gentiment, presque tendrement, tenus par la main par ce qui paraît être leur infirmière thaïlandaise. Des jeunes femmes dévouées qui les accompagnent partout où ils vont en s’attachant à les distraire. On rencontre également des plus jeunes hommes, tantôt gros, tantôt grands et malingres dont le visage traduit une excessive timidité. Eux aussi sont aimablement pris en charge par une aide thaï. Parfois, les jeunes hommes sont bien portants, ils débordent de vitalité et possèdent des cous, des bras et des jambes de taureaux. Leur vue évoque immédiatement celle des reproducteurs du concours général agricole de la foire de Paris. De toute évidence, eux, ne connaissent aucune déficience physique. Sans doute, l’attention dont ils sont l’objet de la part des soigneuses thaï résulte-t-elle d’une quelconque insuffisance cérébrale. Comme à Lourdes, tout ces malades viennent à Pattaya du monde entier. Enfin presque. Disons plutôt du monde occidental car tous sont blancs. On ne croise aucun malade asiatique. Ils doivent se soigner ailleurs.

Des Japonais y passent en coup de vent, par bus entiers, pour photographier l’animation de cette ville enthousiasmante. Les Russes, nombreux, y séjournent en famille avec femme et enfants. Probablement pour faire bénéficier ces derniers de l’esprit de charité qui imprègne ces lieux.

Lourdes a sa piscine miraculeuse, Pattaya possède sa mer miraculeuse. Elle est si sale, si polluée et si dangereuse avec les bateaux qui naviguent à pleine vitesse parmi les baigneurs que personne ne semble pouvoir en ressortir sans être couvert de pustules ou haché en rondelles. Eh! bien, non. Pattaya compte plusieurs centaines de miraculés chaque jour. Ceux qui ne le sont pas s’en aperçoivent, en général, après qu’ils aient quitté ces lieux saints. Une punition divine, en quelque sorte.

Alors qu’ils déambulaient, un soir, Raoul marchant plusieurs mètres en avant de Rose, celui-ci fut très gentiment sollicité par plusieurs infirmières thaï. Emu par tant de sollicitude, il s’en est ouvert à Rose qui l’a vexé en lui faisant remarquer qu’elles l’avaient simplement pris pour un vieux, ou pour un malade ou pour un taureau.

Chiang Maï, vitrine de tous les artisanats de Thaïlande

Mercredi 20 mars 2002

Chiang Mai, 20 mars 2002.

Après 1300 Km parcourus en voiture sur les routes et les pistes de montagne, après les hameaux de maisons, en bois ou en bambous, sur pilotis, aux toits de feuilles mortes, sans électricité ni eau potable, Rose et Raoul Piche ont retrouvé la “civilisation” à Chiang Mai. Non sans se rendre au préalable au “point le plus haut de Thaïlande”, le Doi Inthanon qui culmine à 2565 mètres. A une telle altitude, les autorités estiment nécessaire de prévenir les visiteurs qu’« à cause de la faible densité de l’air, il convient de monter les marches lentement et d’empêcher les enfants de courir ». Un thermomètre trône ostensiblement afin de montrer aux touristes qu’il fait froid: la preuve le mercure affiche 16 degrés! A Chiang Mai, à 50 Km de là, dans la vallée, au même instant la température atteint 36 degrés.

Chiang Mai, ville à taille humaine, aussi différente de Bangkok que peut l’être Montpellier de Paris, est la vitrine de tous les artisanats de Thaïlande. Aux centaines de magasins dans les rues, s’ajoutent les milliers d’échoppes du bazar de nuit et les kilomètres de boutiques qui bordent la route vers le village de Baw Sang. Tout est proposé, depuis les modestes ouvrages brodés jusqu’aux meubles en bois de rose ou en teck massifs en passant par l’orfèvrerie, les soieries simples ou luxueuses, les cotonnades, les céramiques, les antiquités, les tapis du Cashmere et naturellement tout l’attirail de bimbeloterie habituel et les copies de marques célèbres de montres, de sacs, d’habits etc.

Chiang Mai est un immense bazar où se retrouvent les touristes de la planète. On peut y manger allemand, italien, français mais aussi chinois et même thaï. Si on le veut. La vieille ville compte de nombreux temples dont un, exceptionnellement beau.

Tant qu’à revenir à la civilisation, Rose et Raoul se sont rendus à l’hypermarché “Carrefour” de Chiang Mai. Il s’agit d’un magasin semblable à ses cousins français si ce n’est que l’on n’y trouve aucun des produits proposés dans ces derniers hormis le “Picpoul de Pinet”, un vin blanc dont Rose raffole, qui coûte six fois son prix de France et un camembert national également en or massif. Le rayon du riz occupe plusieurs centaines de mètres carrés. Là, sont empilés des sacs de 25 kg contenant des grains d’une incroyable diversité.

Rose et Raoul se sont également intéressés à un programme immobilier qui offre des villas de 160 mètres carrés, avec terrain, pour l’équivalent de 270000 FF.

Chiang Mai connaît une vie nocturne semble-t-il assez intense. Bien que logeant à deux pas des rues chaudes, Rose et Raoul se sont contentés d’un spectacle de danses traditionnelles. Des danses tout en geste lents des bras et des jambes et surtout en mouvements déliés des mains et des doigts. Leur beauté tient plus à celle des danseuses et de leurs costumes qu’à la chorégraphie elle-même.

Des heures de descente pour 300 mètres de chute

Lundi 18 mars 2002

Khun Yuan, 18 mars 2002.

Les routes de la région montagneuse au nord et à l’ouest de Chiang Mai enchaînent virages sur virages, montées après descentes. Non pas que le relief soit celui des Alpes, bien au contraire. Il est formé d’une infinité de monts entre 600 et 1600 mètres mais avec très peu de vallées et aucun plateau. Si bien qu’au pied de l’un de ces monts succède immédiatement la route vers le sommet du mont suivant, et ainsi de suite sur des centaines de kilomètres. Dans les parcs nationaux, rigoureusement protégés, la végétation est celle d’une forêt tropicale, dense, verte, avec des essences variées en fonction de l’altitude, notamment des pins. Sorti des parcs, la forêt subit les attaques des hommes dont la plus commune est le feu. Il est impossible de porter son regard sur le paysage sans apercevoir de la fumée. Des sous-bois calcinés sont visibles partout. Ces brûlis servent parfois à préparer la terre pour la culture mais le plus souvent ils sont destinés à éliminer l’épais tapis de feuilles mortes qui rend les déplacements sur ces pentes fort glissants pour les chasseurs, les trafiquants et les paysans. Evidemment, le feu détruit toute la végétation y compris les arbres et provoque à la saison des pluies une dramatique érosion des sols. Les autorités tentent d’endiguer cette pratique mais avec un insuccès patent. La densité des feux dans cette vaste étendue montagneuse est telle que partout le ciel est voilé, les fumées diffuses s’ajoutant à la brume de chaleur.

Rose et Raoul Piche ont apprécié au plus près la beauté du sous bois lors d’une longue marche vers les chutes de Mae Surin, les plus hautes de Thaïlande. Arrivés sur place, ils aperçoivent une pancarte où est inscrit “vers les chutes”. Sans hésiter, munis de leurs maillots de bain et des provisions pour le déjeuner, ils embouquent le sentier indiqué. Celui-ci, étroit et pentu est couvert d’un tapis de feuilles mortes qui rend la descente effectivement très glissante. Ils descendent, descendent, descendent toujours et pourtant, même en dressant bien l’oreille, ni l’un ni l’autre ne perçoit le moindre bruit d’eau. La marche continue. Rien, sinon d’incessantes glissades qui portent Rose et Raoul à une certaine indulgence vis à vis des incendiaires. P…… de feuilles. Pas un replat, de la déscente uniquement de la descente! Progressivement, un murmure d’eau vient d’en bas. Avec lui, l’espoir que la désescalade finisse, car à chaque mètre de dénivelé Rose et Raoul imaginent qu’au retour leur accumulation formera une épuisante montée. Enfin, le fond du fond est atteint dans un épais sous-bois où l’on entend tous les bruits de la forêt (oiseaux, insectes) et celui de l’eau du ruisseau qui devrait les conduire à la cascade. Ils remontent son cours. Le temps passe et toujours pas de chute. Ils marquent une halte avec baignade dans une eau si fraîche qu’elle engourdit les membres. La marche reprend. Ca y est ! on les entend, elles sont proches. Trois méchants rondins de bois jetés à travers la rivière restent à franchir et … victoire, une impressionnante falaise verticale de 300 mètres de haut apparaît soudain. L’eau qui s’élance d’en haut explose sur les rochers dans sa chute et offre à Rose et Raoul une brumisation et un spectacle qui les payent de leurs efforts.

La montée sur le chemin du retour sera volontairement lente. Rose et Raoul savent à quoi s’en tenir. A 16 h 30, ils retrouvent la pancarte “vers les chutes” qu’ils avaient croisée à 12 h. Raoul est alors pris d’une terrible intuition.

- Tu ne crois pas que là où nous n’avons pas voulu nous arrêter en arrivant, là où se trouve une pancarte “point de vue”, on pourrait apercevoir les chutes ? demande-t-il soudain à Rose.

- Il faut aller voir, ce serait un comble ! lui répond-elle

Ils remontent la route sur 200 mètres et, au lieu dit, ils découvrent un promontoire qui offre une superbe vue, d’en haut, sur les chutes.

- Un truc pour les feignants, grommelle Raoul, devenu subitement grincheux.

Les femmes « à long cou », un ethno tourisme qui dérange

Dimanche 17 mars 2002

Khun Yuam, 17 mars 2002.

La vieille dame, belle et digne, derrière son étal, désigne à Raoul une carte postale. La femme au long cou cerclé d’anneaux de cuivre qui y figure, c’est elle! Ses yeux brillent de fierté. Elle appartient à l’ethnie Padaung “à long cou” qui s’est réfugiée au nord de la Thaïlande pour échapper aux persécutions de birmans. A l’entrée des villages padaung les touristes doivent payer une somme relativement importante destinée à la communauté. En contre partie, ils peuvent librement déambuler et photographier les femmes “au long cou” ou celles “aux oreilles allongées” qui s’y soumettent volontiers. Une partie du village est réservée à cet accueil. Les femmes au long cou, devenues commerçantes, proposent des objets d’artisanat fabriqués ailleurs par d’autres ethnies.

Rose ne supporte pas cet ethno-tourisme” qui, dit-elle, consiste à venir voir des femmes transformées en objets, à la suite d’une atteinte à leur intégrité physique. On ne les considère pas pour ce qu’elles font, mais pour ce qu’elles sont devenues”.

Mêmes si ces femmes sourient et ne semblent pas malheureuses, même si elles affirment que le tourisme leur apporte des revenues très supérieurs aux leurs en Birmanie, Rose est convaincue que cet argent les enferme dans leur statut de “mutilées”. “Aurait-on imaginé, photographier les petits pieds déformés des chinoises, sans honte, sans révolte? On n’ôte pas 20 cm d’anneaux de cuivre, en fin de journée, comme certains le font avec une tenue de peau rouge revêtue pour complaire aux touristes. On les porte à vie.”

“La vraie générosité, ajoute Rose, serait d’empêcher ce tourisme et d’aider ces populations à abandonner de telles pratiques et à améliorer leurs conditions de vie.”

Un autre cas de conscience surgit le lendemain au grand marché hebdomadaire des vêtements et des articles de bazar de Khun Yuam. Toutes les ethnies alentour se retrouvent là pour des emplettes exceptionnelles. Rose aperçoit une vieille femme, très pauvre qui va pieds nus parmi les étals, vêtue d’habits traditionnels sales et usés qui soulignent sa condition extrême.

La photographier? Comment? En se plantant devant-elle? En le lui demandant? Et que va-t-elle penser? Qu’on la photographie parce qu’elle est belle ou parce qu’elle sue la misère? La questionner, ne revient-il pas à lui imposer une inutile blessure supplémentaire? Il n’y aura pas de photo de la vieille dame.

Sur la route de l’opium, ça gîte un max

Samedi 16 mars 2002

Mae Hong Song, 16 mars 2002.

Rose et Raoul Piche ont trouvé la route de l’opium. Elle va de Mae Paeng, un village proche de Pai au nord ouest de Chiang Mai, jusqu’aux chutes d’eau du même nom. Sur ce petit bout de route, chaque paysanne mime le geste de fumer en interrogeant Rose et Raoul du regard. Lorsque Raoul arrête la voiture pour regarder la carte, une femme surgit “smoke? smoke?”. A vrai dire, si sur ce trajet l’offre est pléthorique, elle existe dans de nombreux villages alentours. Dans l’un d’eux, Rose a surpris du regard une assemblée d’homme, couchés, fumant de l’opium. Néanmoins, il semble que cette drogue fasse moins de ravages parmi les jeunes thaïs que celles en pilules. Raoul ayant renoncé au tabac depuis belle lurette n’a pas voulu céder au romantisme du voyageur fumeur d’opium. Rose estimant que “l’aventure, c’est l’aventure” reconnaît qu’elle aurait bien essayé, pourtant elle n’a pas osé.

Depuis quelques jours, Rose et Raoul Piche effectuent un voyage dans le voyage. Ils ont loué une sorte de petite Jeep 4X4 (Suzuki Carribean) avec laquelle ils parcourent les montagnes au nord et à l’ouest de Chiang Mai. Une boucle d’environ 1300 km qui les amène de temps à autres sur des pistes invraisemblables. Ils croyaient avoir vécu le pire au Cambodge en matière de voies de communication. Erreur. Les montagnes thaïlandaises recèlent des trésors dans ce domaine. A plusieurs reprises, ils se sont trouvés face à des montées si pentues et si chaotiques qu’il paraissait impossible que leur véhicule les escalade. Et pourtant, les quatre roues motrices du Suzuki semblent scotcher la voiture au sol comme s’il était pourvu de chenillettes et il monte, monte, monte. Rose est verte, Raoul tendu.

- Tu voulais être sur terre et ne plus voyager sur un bateau qui gîte, non ?

- Oui, mais tu trouves moyen de faire gîter la voiture !

Raoul acquiesce, certes de temps en temps ça gîte, ça secoue fort, mais quels paysages! quels panoramas! quelle solitude! et quel plaisir d’arriver dans un village Shan, Karen, Lisu et autres. Rose et Raoul découvrent que ces minorités ethniques ne portent pas leur costume traditionnel uniquement pour plaire aux touristes des marchés de Chiang Mai. Ils s’en revêtent chez eux, sur le flanc des montagnes dans leur hameaux si pauvres. Leur accueil est plutôt distant. Les sourires sont rares au contraire des thaïs, des cambodgiens sans parler des laotiens ces “méridionaux” d’Indochine. Les touristes ici ne sont guère nombreux. Une heure et demie pour parcourir 15 km d’ornières décourage les tours opérateurs.

La région est riche en rivières, en chutes d’eau et en grottes. Tous les jours, vers midi, Rose et Raoul se baignent dans ces eaux à 24 degrés environnés de splendides papillons. La sensation de froid qui les saisit au début, le cède rapidement à une agréable fraîcheur. Aujourd’hui, ils ont parcouru une immense grotte traversée par une rivière souterraine à bord d’un radeau de bambous, éclairés par une lampe à gaz. Au débouché, des nuées de chauves souris tournoyaient sans jamais s’exposer à la pleine lumière. A l’inverse, une myriade d’oiseaux voletait à la frontière de la grotte sans y pénétrer vraiment.

En fin de journée, après une navigation qui n’a rien à envier à celle d’un voilier par temps frais, Rose et Raoul se détendent avec une bière thaï (Chang beer). Parfois Raoul abuse et double la dose. Alors ses paroles trébuchent, son esprit s’embrume et sa détente devient extrême. Comme s’il venait de fumer cette pipe offerte dans la matinée et qu’à coup sur il a eu raison de refuser. Si deux bières lui suffisent…

Commerce de rubis bruts à la frontière Birmane

Vendredi 8 mars 2002

Mae Sai, 8 mars 2002.

L’œil expert et la main agile, la femme sépare les bons rubis des moins bons, placés en tas sur sa table. Dans ce quartier de Mae Sai, elles sont des dizaines, comme elle, qui mettront un mois pour trier leur tas de pierres brutes, rouge violacé. Les hommes, eux, achètent et vendent. Venus de la Birmanie toute proche (la frontière passe à 200 mètres) les rubis les plus gros sont longuement examinés par les acheteurs. Ils s’aident pour cela d’une lampe spéciale dont le rayon lumineux révèle, en les traversant, la structure et la couleur

de chaque pierre.

Un vieux monsieur prend Rose sous son aile protectrice et lui explique :

- Les pierres extraites de Birmanie sont envoyées à Chanbury, au sud de la Thaïlande, où elles sont cuites, puis découpées avant d’être taillées puis polies.

- Quelle est leur valeur ? interroge Rose.

- Celle-ci 110000 Bahts (2900 euros), celle-la 10000. Des différences dues aux impuretés et à la couleur de la pierre, répond le vieux monsieur.

Plusieurs vendeurs proposent à Rose des pierres fort chères.

- Prenez garde, prévient le vieux monsieur, il est facile de se faire rouler.

- Je suis prête à en acheter quelques unes mais uniquement comme souvenir, lui précise Rose.

Un homme lui présente deux rubis bruts à bas prix. Pour Rose, le risque est minime. Elle ajoute 10 carats de petits rubis pour faire bonne mesure et s’avoue satisfaite. “Ouf, pense Raoul. Heureusement qu’elle se contente de pierres brutes”.

Le lendemain, il devra déchanter.

Un tour à moto les conduit dans un grand centre de production artisanale de vêtements, de tapis et de céramiques. On les laisse libres de visiter seuls tous les ateliers. Ils découvrent la technique de fabrication des tapis à l’aide de “Tufting gun”. Des perceuses portatives transformées en sorte de machine à coudre qui couvrent la trame d’un tapis avec des brins de laine coupés, à une vitesse stupéfiante. Leur mobilité permet de réaliser les motifs les plus complexes. Rose qui a commencé un tapis de laine il y a 30 ans, et l’a mis au placard il y a 29, parle de le ressortir, à condition que Raoul trouve le Suphasit Tufting gun ST 2010 fabriqué en Thaïlande! En attendant, elle craque pour un superbe pantalon qu’elle paye rubis sur l’ongle… beaucoup plus cher que les rubis de la veille.

Ce centre artisanal est soutenu par les Nations Unies et l’Etat thaïlandais dans le cadre du programme de reconversion des paysans du triangle d’or afin qu’ils abandonnent la culture du pavot tout en s’assurant un niveau de revenus correct. Le café, les plantes ornementales, l’artisanat de luxe ont presque entièrement remplacé la production de pavot dans ce lieu mythique où les frontières du Laos, de la Birmanie et de la Thaïlande se rejoignent.

La route que suivent Rose et Raoul se poursuit sur les pentes du Mont Doi Tung où la mère de l’actuel roi de Thaïlande a fait construire une superbe villa. Un trop long séjour en Suisse l’ayant contaminée, la demeure royale ressemble à un chalet en bois comme on en voit tant dans ce pays, si éloigné à tous points de vue de ceux d’Asie. Autour, ce ne sont que parterres et massifs de fleurs des régions tempérées auxquelles s’ajoutent celles des zones tropicales. Une symphonie de couleur, de verdure et d’arbres d’essences les plus diverses. Rose n’en croit pas ses yeux et nomme les fleurs une à une à Raoul qui, de lui même, ne saurait distinguer une pâquerette d’un coquelicot : impatiences, roses, dahlias, gueules de loup, géraniums, violettes, sauges, bégonias, pensées, le disputent aux orchidées, aux anthuriums et autres merveilles tropicales. Ce mont a reçu l’appellation de Suisse Thaïlandaise. La température y est plus fraîche que dans la vallée. Aussi, Rose et Raoul se vêtissent pour ne pas prendre froid. Sinon, ils risquent de recourir, dans quelques jours, à une autre spécialité suisse, les médicaments, dont la production en ces lieux est plus rare que celle du papaver somniferum.

Un sourire généreux vaut mille mots d’accueil

Jeudi 31 janvier 2002

Lopburi, 31 janvier 2002.

Rose tient un cahier de vie comme elle en a demandé à ses élèves pendant des années. Elle y inscrit où elle va, ce qu’elle voit et colle une grande variété de documents relatifs aux lieux visités. Par exemple, elle a scotché une feuille d’or que le vent avait arrachée à un bouddha, dans un temple de Lopburi, dont elle a suivi le vol plané pendant cinq bonnes minutes.

Raoul, lui, note des observations éparses et pour le moins hétéroclites avec parfois les réflexions qu’elles lui inspirent.

Au détour des pages de son carnet on peut lire :

- « Lu dans le “Bangkok Post” cette prévision météo pour la journée du 30 janvier 2002, “froid 23°” ! »

- « Vu un plongeur avec une cloche à plongée sur le Chao Praya pour caréner sa barque. Une cloche à plongée !  »

- « Nous passons nos nuits dans des chambres avec des salles de bain qui ont toujours des problèmes de plomberie et nos journées dans des palais et des temples dégoulinants d’or et de matériaux précieux. Contraste. »

- « ”Le rire est le propre de l’homme”, certes. Mais celui qui rit, rit pour lui, c’est un plaisir individuel, presque égoïste, alors que le sourire est un cadeau offert à celui auquel on l’adresse. Les Thaïs sont souriants. Un sourire généreux, franc qui vaut mille mots d’accueil. A leur contact, on apprend à sourire avant de parler. »

- « Même si l’on ne connaît que trois mots de thaï, les Thaïs se mettent en quatre pour aider ceux qui s’efforcent de leur parler dans leur langue, aussi pauvre que soit leur vocabulaire ».

- « Les singes qui ont envahi Lopburi, c’est la version simiesque des “oiseaux ” d’Hitchcock. Ils sont partout : sur les fils électriques et téléphoniques, sur les trottoirs parmi la foule, sur les stores des magasins et autour des temples où les moines ont pris l’habitude de leur offrir de la nourriture. Rose a hurlé “aiiiiieee” lorsqu’un singe lui a tiré les cheveux alors qu’elle marchait paisiblement devant un magasin. Le petit singe était perché sur le store en façade du magasin. »

- « Au marché de nuit d’Ayutthaya, côté marchands musulmans, vu les premiers tee shirt avec, au dos, l’image du ground zéro et le texte “USA under attack : 11 september 2001″ et, sur le devant l’effigie de Ben Laden. Nous sommes quatre mois après le 11 septembre 2001, verra-t-on cela en Europe ? »

- « Tiens, un troupeau de buffles qui traverse l’autoroute ! »

- « Le marché flottant de Domoen Saduak s’est transformé en marché d’artisanat pour les touristes. La manie du petit cadeau que l’on ramène de voyage pour la famille et les amis est un véritable fléau. Les touristes achètent mais pas trop cher (il en faut pour tous) donc ils achètent des m….. conçues pour cet usage par les artisans locaux. Du coup, la production artisanale de m….. supplante toute autre activité dans des lieux où, avant, existaient d’authentiques échanges entre gens du pays. Le tourisme de masse détruit ce qu’il veut admirer. Faut-il arrêter de voyager ? ou faire du tourisme autrement ? »

- « Les architectures Kmer et Thaï de l’époque Ayuttahya sont massives. Elles utilisent les briques cuites, donc rose (comme à Toulouse) dans des épaisseurs considérables. Les édifices ne sont ni très hauts ni très volumineux mais bigrement épais. Finalement, il y a trois types d’architecture de “glorification” dans l’histoire : celles en hauteur (cathédrales), celles en épaisseurs (pyramides, prangs, cheddis, Wat), celles en étendue (Versailles, Angkor, muraille de Chine). Pour ce qui est des matériaux, la brique cuite tient nettement moins bien que la pierre. Le palmarès de la résistance au temps semble être le suivant : Egypte, Grèce, Rome, civilisations asiatiques. »

L’éléphant plus cool que le cheval, mais quand même…

Mercredi 30 janvier 2002

Kanchanaburi, 30 janvier 2002.

Rose et Raoul étaient assis l’un à côté de l’autre sur le télésiège à deux places, la barre avant soigneusement baissée. Le télésiège démarrait, s’arrêtait, démarrait à nouveau, s’arrêtait encore. Le cycle recommençait sans cesse, imprégnant à Rose et à Raoul un mouvement du corps en avant puis en arrière qui les faisait onduler mollement. Sous eux, l’éléphant marchait à son rythme. Car le siège n’était pas croché sur un câble mais installé sur le dos d’un pachyderme. Ni Rose, ni Raoul n’avaient eu l’occasion de partager à ce point l’intimité de la vie d’un tel animal. Devant eux, assis sur la tête, un jeune cornac guidait en triturant le haut et l’arrière de l’oreille droite pour tourner vers la droite, arrière gauche pour tourner à gauche. Pour reculer, il intervenait sur l’avant de l’oreille. Une véritable boîte de vitesse le crâne d’un éléphant ! Raoul déteste se trouver sur un moyen de transport vivant car, prétend-il, tout ce qui est vivant est doué d’une volonté propre, contrairement aux engins mécaniques qui n’ont aucun état d’âme et obéissent à l’homme aveuglement. Rose, qui adore le cheval, est d’une opinion opposée. Raoul, d’abord séduit par la boîte de vitesse de l’éléphant, a ensuite été conforté dans son opinion lorsque “son” éléphant s’est mis à arracher l’herbe au sol à pleines poignées, (enfin, à pleine trompe mais il s’en sert vraiment comme d’une main), à grappiller des feuilles d’arbre lorsque ça lui chantait et à s’arrêter pour se délester de 10 Kg de selles (tout de la fibre) et de 5 litres d’urine lorsqu’il le voulait. Si bien que Raoul a fini par s’écrier:

- Finalement, ils sont comme les chevaux. Ils font ce qu’ils veulent.

- Mais non, lui a rétorqué Rose. Ils font ce qu’on leur laisse faire.

Raoul n’arrêtait pas de tripatouiller la peau de l’éléphant, tout étonné de constater qu’elle n’avait pas la texture cartonnée qu’il lui supposait. « Ce n’est pas de la peau de bébé, certes, mais pas du cuir tanné non plus, se dit-il. De plus, elle porte quelques poils épars plutôt rigolos ». Tout au long de leur promenade, Rose et Raoul ont suivi avec attendrissement un éléphanteau que sa mère ne lâchait pas et qui s’amusait de tout. Pas question de s’éloigner d’un mètre de trop, la maman le ramenait aussitôt dans le droit chemin d’un mouvement de trompe. Raoul remarquant à haute voix que la mère possédait deux seins magnifiques (pas de mamelles, des seins!), s’est attiré en retour une observation de Rose qui lui a fait remarquer combien le père est bien monté… Eléphantasmes.

Après une heure de paisible promenade à dos d’éléphant, Rose demanda à Raoul de reconnaître qu’il avait bien apprécié.

- Bien sûr, c’est cool la balade à dos d’éléphant parce qu’a aucun moment il n’y a un imbécile pour crier “qui veut faire du galop?” et six à huit idiots qui répondent en cœur “nous, nous, nous” et un, moi, qui hurle “pas de galop, pas de galop, pas de galop”. Rien que pour ça, c’est vrai, l’éléphant c’est plus sympa que le cheval.

Le pont de la rivière Kwaï et l’échafaudage infernal

Mercredi 30 janvier 2002

Kanchanaburi, 30 janvier 2002.

A chaque fraction de tour de roue de la locomotive, les échafaudages de bastaings grinçaient, couinaient et gémissaient sous les tonnes d’acier qu’ils maintenaient à trente mètres de hauteur. Le train progressait plus lentement qu’un homme au pas, comme si tout allait s’écrouler dans les centimètres suivants. Aux cris du bois s’ajoutait le crissement douloureux des sabots d’acier des freins sur les roues.

A gauche, une paroi rocheuse verticale que l’on pouvait toucher de la main. A droite, à l’aplomb du train, la rivière Kwaï. Debout sur la plus basse marche extérieure du wagon, dont la porte était restée ouverte, Raoul eut un mouvement de recul lorsque l’invraisemblable empilement de poutres apparut sous ses pieds et le vide avec. Il remonta d’une marche. Puis il redescendit et finit par s’habituer au vide, au concert de bruits et il put admirer, sans retenue, l’éblouissante scène qu’il vivait. Debout sur les marches d’un train antédiluvien il franchissait un échafaudage du même âge avec, face à lui, les boucles d’un fleuve mythique où naviguaient des radeaux de bambous.

Rose qui avait préféré rester dans le wagon, penchait sa tête par le fenêtre en intimant à Raoul de ne pas “faire l’idiot” alors que, gagné par la confiance, il se tenait d’une main et se penchait encore plus au dehors pour la photographier.

Le passage si délicat franchi, le train accéléra jusqu’à 50 kilomètres à l’heure. De temps à autres, il s’arrêtait dans une gare et des écoliers descendaient.

Les gares se limitent à un écriteau sur lequel est peint le nom du lieu en noir sur fond blanc et à un banc protégé du soleil et de la pluie. Après deux heures de trajet au milieu des champs de cannes à sucre, de manioc, de maïs et parmi les bananeraies, le train s’immobilisa. Sa sirène émit de longs sifflements. Il s’apprêtait à l’ultime franchissement, celui du fameux pont sur la rivière Kwaï à Kanchanaburi. Mais auparavant, il prenait soin de signaler sa présence aux touristes qui avaient envahi la voie.

Plus solide que l’enchevêtrement de bois de Soi Yok au début du voyage, le pont est néanmoins franchi avec une lente majesté.

Devenu célèbre par le grâce d’un film, cette ligne de chemin de fer marque encore la ville de Kanchanaburi qui abrite un musée et deux cimetières où reposent 6900 des 16 000 prisonniers de guerre occidentaux morts lors de sa construction et aucun des 90 000 travailleurs civils asiatiques qui périrent également sous la férule japonaise.

Devenu train de ramassage scolaire et jouet pour les touristes, le “death railways” ne franchit plus le col des trois pagodes pour livrer de l’armement en Birmanie. Et s’il transporte encore des Japonais, ceux-ci ne sont plus armés que de caméscopes et d’appareils de photos avec lesquels ils se contentent de mitrailler le paysage. Les morts peuvent dormir en paix.

Soleil, cocotiers, sable blanc, une île pour ne rien faire

Lundi 28 janvier 2002

Koh Samui, 22 au 28 janvier 2002.

Une plage de sable blanc, très fin, des cocotiers qui la bordent d’un côté et la mer émeraude de l’autre, sous les cocotiers des bungalows en feuilles de coco tressées, ailleurs des hôtels de luxe avec piscine, des restaurants aux terrasses qui dominent la plage, le soleil.

Ce paysage qui se répète, entre deux cap rocheux, forme l’essentiel de l’île de Koh Samui. Une île pour amateurs de farniente, car hormis la baignade et le bronzage il n’y a ici strictement rien d’autre à faire.

L’eau trouble dissuade de l’apnée et de la plongée d’autant que les coraux recouverts d’une fine couche de vase meurent au fur et à mesure que les constructions se multiplient. Des constructions basses qui, parce qu’elles disparaissent sous les cocotiers, ne défigurent guère le paysage. Mais elles sont si nombreuses !

Se retrouvent sur Koh Samui des touristes venus de tous les pays occidentaux. Si bien qu’hormis la cuisine Thaï et les personnels Thaï des restaurants et des hôtels-bungalows on n’a guère l’impression de se trouver en Thaïlande.

Raoul et Rose Piche ont parcouru cette île en tous sens sur une petite moto. Parfois, elle leur a rappelé la Polynésie par ses sous-bois de plantations de cocotiers (principale production de l’île), parfois les Antilles par ses immenses plages de sable fin. Sans être blasés, ils ont tout de même réalisé qu’ils avaient vu tant d’îles tropicales qu’ils en devenaient exigeants. Mais ils étaient venus ici pour se reposer et surtout pour planifier la suite de leur voyage. Leur déception a donc été toute relative.

Raoul a passé des matinées dans les cartes et les guides afin de définir leur itinéraire au Cambodge, au Laos et au nord de la Thaïlande. Installé sur la terrasse d’un restaurant en bord de mer avec une vue magnifique. Il se disait qu’il y avait pire endroit pour prendre le temps de la réflexion. Quant à Rose elle s’occupait à rosir, alanguie sur la plage ou nageant dans la mer chaude. Elle a également pris le temps de négocier une robe Thaï chez un marchand proche du « Big Bouddha » situé à une extrémité de l’île et à discuter avec quelques compatriotes vivant là.

Bref, après la frénésie de Bangkok, Rose et Raoul étaient en harmonie avec cette île de “rien à faire (farniente)”… en attendant de passer à la partie “sérieuse” de leur périple au cours des deux mois à venir.

Un bateau qui ploie mais ne se rompt pas (tout à fait)

Lundi 21 janvier 2002

Bangkok, Koh Samui, 21 janvier 2002.

Pour se rendre de Bangkok à l’île de Koh Samui, Raoul et Rose ont emprunté un train de nuit (jusqu’à Surat Thani, 600 km) puis un bateau de Surat Thani à Koh Samui 52 Km de traversée.

Le train les a enchanté. Dans un wagon climatisé à couloir central, les employés des chemins de fer installent, vers 21 heures, deux lits, un en bas, un en haut avec draps, oreillers, couvertures et petits rideaux bleu électrique qui isolent chacun sur sa couchette. Celle du bas, très large, est royale, elle bénéficie de la fenêtre. Bien sûr, c’est Raoul qui s’en est emparé. Celle du haut est plus étroite. On est donc fort bien installé.

Hélas ! ni la suspension, ni les liaisons entre wagons, ni surtout la voie ferrée ne sont à l’unisson de ces installations. Si bien que la nuit est ponctuée d’à-coups, à chaque arrêt et à chaque démarrage (très nombreux) et par des bruits infernaux au passage de certains aiguillages. Bref, on est confortablement installé dans un shaker bruyant.

Mais on s’y trouve en sécurité.

Ce qui n’est pas le cas dans le bateau qui effectue la traversée vers l’île de Kho Samui. Ce dernier, très bas sur l’eau ressemble plus à une longue vedette fluviale qu’à un navire capable d’une traversée de 60 miles.

A l’embarquement, ce sont près de 200 touristes qui s’y entassent, déposant leurs sacs à dos à l’avant et à l’arrière en deux gigantesques amoncellements. Au départ, la plupart d’entre eux s’installent sur le pont, en plein soleil, forts de la tranquillité des eaux car, dans un premier temps, la navigation s’effectue sur un fleuve. Mais, au fur et à mesure que l’on atteint la haute mer on voit revenir à l’intérieur du bateau les premiers d’entre eux, douchés par les embruns. Le vent et la mer devenant plus forts, les vagues entrent carrément dans la cabine par une porte avant laissée ouverte, détrempant les sacs à dos. Raoul se lève et va d’autorité la fermer.

Avec les embruns qui s’amplifient, dus à la vitesse du bateau et au vent qui monte, les touristes, trempés de la tête aux pieds, sont de plus en plus nombreux à venir s’abriter. Finalement, lorsque la pluie tropicale s’abat sur le pont, ils rentrent tous. Preuve que les touristes craignent plus l’eau douce que l’eau de mer, d’ou l’expression “marin d’eau douce”.

A l’intérieur, la situation évolue aussi. Avec les vagues plus fortes, le bateau ploie sur sa longueur ce qui n’échappe pas à l’œil aiguisé de Raoul. Il observe qu’à chaque vague le pont au dessus de lui s’incurve et il remarque qu’ici et là, la mer s’infiltre par le pont et tombe du plafond sur les sièges des passagers. Des couinements se font entendre résultant des frottements des sièges et des épontilles, preuve de la déformation de la coque.

Après l’arrivée, Rose avoua à Raoul :

- J’avais soigneusement repéré mon gilet de sauvetage et, crois moi, personne n’aurait pu me le prendre !

- Moi, lui répond Raoul, j’avais repéré la fenêtre par où sortir au cas où…

Plus tard dans le journal de Koh Samui, Raoul a lu que les autorités allaient allouer un prêt spécial aux compagnies de navigation pour qu’elles se dotent de navires “plus modernes dans le cadre du développement d’un tourisme durable” (sous entendu qui ne noient pas les touristes afin qu’ils reviennent).

La capture du cobra royal à la main. Mode d’emploi

Dimanche 20 janvier 2002

Bangkok, 20 janvier 2002.

Le cobra royal dressait sa tête massive à un mètre au-dessus du sol, le cou déployé en losange prêt à l’attaque. Rose Piche le fixait droit dans les yeux. Soudain, le cobra royal se projeta vivement en avant en émettant un feulement de chat. Rose demeura très maîtresse d’elle-même, Raoul à ses côtés affectait la même assurance. Seul, le préposé à la collecte du venin qui, lui, n’était pas assis sur un gradin, fit un pas de côté pour éviter la bête. Rose et Raoul, en compagnie d’une cinquantaine de touristes purent alors suivre les explications pour la capture “facile” d’un cobra (Royal ou pas). Il suffit de se maintenir toujours face à lui, le cobra fait constamment face, et de se pencher légèrement en avant, au-dessus de lui, pour amener délicatement la main au niveau de sa tête. Il ne la tournera pas pour mordre. On le saisit ensuite fermement derrière le crane et c’est gagné.

Démonstrations et explications concernant les 160 variétés de serpents, dont 48 très dangereux, étaient dispensées à Rose et Raoul dans le cadre de la ferme d’élevage des serpents de Bangkok qui se consacre à la fabrication des sérums anti-vénéneux. Les cobras y grouillent par dizaines, entrelacés en énormes paquets. Les sérums sont, paraît-il, très efficaces. Si on les injecte dans la demi-heure qui suit une morsure ils sauvent la victime. Au delà, elle meurt. Et si on échappe au cobra, la Thaïlande recèle aussi de merveilleux serpents cracheurs (jusqu’à deux mètres) tout aussi mortels.

- Je me demande si on a eu raison de laisser l’aspi venin à la maison, s’est interrogé Raoul à haute voix en contemplant le spectacle de ces reptiles.

- Je me le demande aussi, lâcha Rose en réponse, la tête penchée sur un amas de cobras palpitants, en songeant aux excursions qu’elle se promettait d’effectuer dans les montagnes du nord du pays.

Scorpions, sculptures, vêtements etc., le plus grand marché de Thaïlande

Samedi 19 janvier 2002

Bangkok, 19 janvier 2002.

Le marché du week-end de Bangkok est le plus grand de Thaïlande, il compte 8600 étals et draine 400 000 personnes en deux jours. Raoul Piche voulait absolument y trouver des serpents et Rose un chemisier en soie. Lui a été satisfait, d’autant plus que le marchand de serpents disposait également d’un beau stock de scorpions et de grillons vivants destinés à finir dans des assiettes. Mais avant de trouver les serpents Rose et Raoul ont du parcourir des kilomètres de poissons exotiques, de chiots à peine sevrés, d’écureuils, d’oiseaux, de chats etc. Rose a été déçue, elle n’a pas trouvé l’once d’un chemisier en soie parmi des hectares de vêtements. En revanche, au détour des allées ils ont pu voir, ici de superbes sculptures, assemblage de pièces d’acier soudées (notamment un chien de 80 cm de long, un pur chef d’œuvre), là des meubles en bois sculpté, le tout noyé dans un océan de pacotilles où évoluent des dizaines de milliers de personnes. Mais parmi ces pacotilles, ni Rose ni Raoul n’ont retrouvé la coque de téléphone à l’effigie de Ben Laden aperçue deux jours plus tôt dans Chinatown. Raoul a prétendu que cela marquait la fracture culturelle sino-thaïlandaise, Rose lui a répondu qu’il disait des (euh…) bêtises.

Bangkok, mégalopole multicouche dont les vieux sont bannis

Vendredi 18 janvier 2002

Bangkok, 18 janvier 2002.

Embarquement sur les bateaux bus sur le Chao Praya

Embarquement sur les bateaux bus sur le Chao Praya

Hormis les vieux quartiers, Bangkok est une ville du troisième millénaire puisqu’on est ici en 2545 (du calendrier Bouddhiste). Son urbanisme préfigure donc celui qui dominera dans le reste du monde dans 543 ans. La densité d’occupation du sol est telle que la ville se déploie en couches successives.

Au rez-de-chaussée on trouve des rues et des avenues où gisent des cohortes de véhicules, immobiles la plupart du temps, exhalant leurs vapeurs d’échappement. L’air y est “épais” de chaleur, de poussières, de bruits et de gaz. Une épaisseur que l’absence de vent ne dissipe pas. Au premier étage, d’interminables passerelles évitent aux piétons d’avoir à affronter les cohortes impitoyables du rez-de-chaussée lorsqu’il s’agit de franchir un croisement. Au second étage, un métro aérien climatisé, utilisé par la population aisée, car cher, dont les voies reposent sur des piliers de bétons fichés dans les avenues qu’ils dominent. Au troisième étage, des autoroutes traversent la ville de part en part, installées en hauteur sur des piliers massifs également en béton. Au niveau -1, un réseau de canaux sur lesquels des embarcations faisant office de taxi filent à pleine vitesse et l’immense fleuve Chao Phraya où circulent de nombreux bateaux-bus terriblement efficaces : amarrage, embarquement et débarquement en moins d’une minute. Aux niveaux supérieurs, d’innombrables gratte-ciel.

Dans cet univers à la Luc Besson, pas de vieux. Ils sont inadaptés à cet environnement. Raoul et Rose Piche ont assisté impuissants à une tentative pathétique d’une vieille dame pour monter dans un bus. Trop lente, le chauffeur a démarré la laissant sur place. Quant aux embarquements à la volée dans les bateaux bus, ils sont réservés aux jeunes ou … aux marins.

La boxe thaï, une danse violente objet de tous les paris

Jeudi 17 janvier 2002

Bangkok, 17 janvier 2002.

Au début cela commence très zen. Au son d’une musique lancinante les boxeurs marchent autour du ring d’une façon résolument indolente. A chaque coin, ils marquent un arrêt, se plient comme s’ils saluaient le poteau, puis ils gagnent tout aussi nonchalamment le centre du ring. Ils se mettent à genoux, se prosternent plusieurs fois puis se lèvent et se saluent. GONG. Ce n’est plus Zen du tout. Paf, un coup de pied dans les flancs, bing un direct du droit. Re-paf, re-bing, re-re-paf, re-re-bing toujours au son de la musique, durant cinq reprises de trois minutes les combattants s’envoient coups sur coups.

A la troisième reprise le spectacle se déplace derrière Rose et Raoul Piche. Debout, les spectateurs s’époumonent et agitent leurs mains comme des papillons avec deux, trois ou quatre doigts dressés. Ils parient. A la quatrième reprise le brouhaha augmente, les mains s’agitent plus fort. Cinquième reprise, GONG. Le vainqueur est désigné. Les hurlements des perdants retentissent et les grosses coupures changent de mains dans un désordre inouï. Sur le ring du «boxing stadium» de Bangkok les deux boxeurs suivant se préparent pour un nouveau combat et les spectateurs pour de nouveaux paris.

Elle remarque tout ce qui est vivant et lui ne voit même pas les éléphants

Jeudi 17 janvier 2002

Bangkok, 17 janvier 2002.

Chaque voyageur porte son propre regard sur le pays qu’il découvre. Celui de Rose Piche est fort différent du regard que porte Raoul son mari. Même dans une mégalopole où le béton et l’asphalte ont dévoré la nature depuis longtemps, Rose voit avant tout le “vivant”. Elle s’attendrit sur la ravissante petite fille, s’apitoie sur l’enfant invalide, remarque les beaux hommes comme les belles femmes. Au marché aux fleurs, elle s’arrête tous les mètres et nomme chaque espèce à Raoul qui, lui, ne voit là que du jaune, du rouge, du rose, de l’orange. Elle remarque que tous les chats ont le bout de la queue coupée, qu’ils sont tous malades comme le sont également les chiens. En pleine discussion avec des amis, le soir à table autour d’une bière, elle s’exclame en montrant du doigt un rat qui traverse la rue et que bien sûr personne d’autre n’a vu. Au marché aux poissons et aux tortues, Rose déniche parmi les bacs de poissons vivants le seul qui a bondi trop loin et qui gît par terre, caché, entre deux cuvettes. Dans le musée national, elle va jusqu’à observer les toiles d’araignées dans une salle remplie d’objets du XIV siècle. Elle seule aperçoit le pigeon insolite qui marche sur un minuscule rebord situé en hauteur juste sous le plafond d’une immense salle. S’il y a de la vie, Rose la voit.

En sortant du musée, elle dit à Raoul, en désignant un arbuste :

- Tu as vu comme “il” est beau ?

- Ben, oui. C’est un gros arbuste et alors ? lui répond bêtement Raoul

- Tu ne vois pas qu’il est taillé en forme d’éléphant?

Lui n’avait vu ni l’arbuste, ni l’éléphant…

Y a bon les chenilles, les larves et les sauterelles grillées !

Mercredi 16 janvier 2002

Bangkok, 16 janvier 2002.

Rose ne voulait pas. Raoul était très tenté mais il n’osait pas. Finalement, Rose a franchi le pas la première. Sa réaction fut immédiate :

- Whaaouou !, c’est super bon. Les larves surtout mais les sauterelles aussi, tiens prends en, dit-elle, en tendant à Raoul un bouquet d’insectes.

-Incroyable ça a vraiment bon goût, même les chenilles. En plus, c’est plein de protéines. D’ailleurs on a l’impression de manger de la viande.

- Voilà un commerce à créer sur les plages à la mode en France”, s’exclame Raoul tout en déclamant à haute voix : « sauterelles, larves, chenilles grillées, deux euros le cornet ».

Très fiers de leur découverte, Rose et Raoul n’ont pas osé s’avouer que pour ce qui était de croquer dans le gros scorpion noir qui trônait au milieu de l’étal, il leur faudrait travailler encore un peu leur mental…

Le massage thaï ? 0% sexe, 100% torture

Mardi 15 janvier 2002

Bangkok, 15 janvier 2002.

Le bouddha d’émeraude, le bouddha couché, le palais royal, le palais Wat Pho, little india, chinatown… Rose et Raoul Piche ont sérieusement entamé leur travail de touristes. Fatigant. Mais la Thaïlande n’est-elle pas le pays du massage ? et le palais Wat Pho n’abrite-t-il pas l’école nationale de massage ? Très tentée, Rose pousse Raoul dans la salle de massage (il n’aime pas être tripoté par n’importe qui).

- J’avais l’impression d’être une pelote de muscle, pleine de nœuds que la masseuse s’ingéniait à défaire, confesse Raoul à Rose en sortant de cette séance de torture.

- Elle m’enfonçait ses doigts, ses pieds, ses coudes dans les jambes, sur les bras, le dos. Mais c’est le pied, car finalement, je me sens super bien, lui répond Rose.

Le massage Thaï ce ne sont pas vraiment des caresses! Rien de sexuel là dedans!! Ailleurs, peut être…

Distribution de couteaux en plein vol pour les passagers du vol Paris Bangkok

Dimanche 13 janvier 2002

Paris-Bangkok, 13 janvier 2002.

Pour Rose et Raoul Piche en partance pour Bangkok le dépaysement commence dès le guichet d’embarquement à Roissy : des arabes musulmans aux allures d’islamistes, s’enregistrent en nombre sur le même vol qu’eux. Il est vrai que la première escale du Vol Gulfair 918 est Abu Dhabi

- Ils ne vont tout de même pas détourner un de leurs propres avions, tente de se rassurer Raoul.

Au détecteur de métaux, Rose se voit confisquer un minuscule canif suisse à moitié déglingué. Cela renforce la confiance de Rose et de Raoul quant à la sûreté de ce vol. Une confiance totalement arrimée lorsque deux heures plus tard les hôtesses distribuent 340 excellents couteaux métalliques à lame de six centimètres à l’ensemble des passagers avec les plateaux repas. Avec un tel arsenal, c’est sûr, le vol est totalement sécurisé !