Elle remarque tout ce qui est vivant et lui ne voit même pas les éléphants

Bangkok, 17 janvier 2002.

Chaque voyageur porte son propre regard sur le pays qu’il découvre. Celui de Rose Piche est fort différent du regard que porte Raoul son mari. Même dans une mégalopole où le béton et l’asphalte ont dévoré la nature depuis longtemps, Rose voit avant tout le “vivant”. Elle s’attendrit sur la ravissante petite fille, s’apitoie sur l’enfant invalide, remarque les beaux hommes comme les belles femmes. Au marché aux fleurs, elle s’arrête tous les mètres et nomme chaque espèce à Raoul qui, lui, ne voit là que du jaune, du rouge, du rose, de l’orange. Elle remarque que tous les chats ont le bout de la queue coupée, qu’ils sont tous malades comme le sont également les chiens. En pleine discussion avec des amis, le soir à table autour d’une bière, elle s’exclame en montrant du doigt un rat qui traverse la rue et que bien sûr personne d’autre n’a vu. Au marché aux poissons et aux tortues, Rose déniche parmi les bacs de poissons vivants le seul qui a bondi trop loin et qui gît par terre, caché, entre deux cuvettes. Dans le musée national, elle va jusqu’à observer les toiles d’araignées dans une salle remplie d’objets du XIV siècle. Elle seule aperçoit le pigeon insolite qui marche sur un minuscule rebord situé en hauteur juste sous le plafond d’une immense salle. S’il y a de la vie, Rose la voit.

En sortant du musée, elle dit à Raoul, en désignant un arbuste :

- Tu as vu comme “il” est beau ?

- Ben, oui. C’est un gros arbuste et alors ? lui répond bêtement Raoul

- Tu ne vois pas qu’il est taillé en forme d’éléphant?

Lui n’avait vu ni l’arbuste, ni l’éléphant…

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