Un bateau qui ploie mais ne se rompt pas (tout à fait)

Bangkok, Koh Samui, 21 janvier 2002.

Pour se rendre de Bangkok à l’île de Koh Samui, Raoul et Rose ont emprunté un train de nuit (jusqu’à Surat Thani, 600 km) puis un bateau de Surat Thani à Koh Samui 52 Km de traversée.

Le train les a enchanté. Dans un wagon climatisé à couloir central, les employés des chemins de fer installent, vers 21 heures, deux lits, un en bas, un en haut avec draps, oreillers, couvertures et petits rideaux bleu électrique qui isolent chacun sur sa couchette. Celle du bas, très large, est royale, elle bénéficie de la fenêtre. Bien sûr, c’est Raoul qui s’en est emparé. Celle du haut est plus étroite. On est donc fort bien installé.

Hélas ! ni la suspension, ni les liaisons entre wagons, ni surtout la voie ferrée ne sont à l’unisson de ces installations. Si bien que la nuit est ponctuée d’à-coups, à chaque arrêt et à chaque démarrage (très nombreux) et par des bruits infernaux au passage de certains aiguillages. Bref, on est confortablement installé dans un shaker bruyant.

Mais on s’y trouve en sécurité.

Ce qui n’est pas le cas dans le bateau qui effectue la traversée vers l’île de Kho Samui. Ce dernier, très bas sur l’eau ressemble plus à une longue vedette fluviale qu’à un navire capable d’une traversée de 60 miles.

A l’embarquement, ce sont près de 200 touristes qui s’y entassent, déposant leurs sacs à dos à l’avant et à l’arrière en deux gigantesques amoncellements. Au départ, la plupart d’entre eux s’installent sur le pont, en plein soleil, forts de la tranquillité des eaux car, dans un premier temps, la navigation s’effectue sur un fleuve. Mais, au fur et à mesure que l’on atteint la haute mer on voit revenir à l’intérieur du bateau les premiers d’entre eux, douchés par les embruns. Le vent et la mer devenant plus forts, les vagues entrent carrément dans la cabine par une porte avant laissée ouverte, détrempant les sacs à dos. Raoul se lève et va d’autorité la fermer.

Avec les embruns qui s’amplifient, dus à la vitesse du bateau et au vent qui monte, les touristes, trempés de la tête aux pieds, sont de plus en plus nombreux à venir s’abriter. Finalement, lorsque la pluie tropicale s’abat sur le pont, ils rentrent tous. Preuve que les touristes craignent plus l’eau douce que l’eau de mer, d’ou l’expression “marin d’eau douce”.

A l’intérieur, la situation évolue aussi. Avec les vagues plus fortes, le bateau ploie sur sa longueur ce qui n’échappe pas à l’œil aiguisé de Raoul. Il observe qu’à chaque vague le pont au dessus de lui s’incurve et il remarque qu’ici et là, la mer s’infiltre par le pont et tombe du plafond sur les sièges des passagers. Des couinements se font entendre résultant des frottements des sièges et des épontilles, preuve de la déformation de la coque.

Après l’arrivée, Rose avoua à Raoul :

- J’avais soigneusement repéré mon gilet de sauvetage et, crois moi, personne n’aurait pu me le prendre !

- Moi, lui répond Raoul, j’avais repéré la fenêtre par où sortir au cas où…

Plus tard dans le journal de Koh Samui, Raoul a lu que les autorités allaient allouer un prêt spécial aux compagnies de navigation pour qu’elles se dotent de navires “plus modernes dans le cadre du développement d’un tourisme durable” (sous entendu qui ne noient pas les touristes afin qu’ils reviennent).

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