Archive pour la catégorie ‘Costa Rica’

Les Piche jouent à cache-cache avec les volcans

Vendredi 6 février 2004

Liberia, 6 février 2004

Les Piche profitent de la diversité géographique du Costa Rica pour changer radicalement de paysage en un rien de temps.

Partis de San José ensoleillé, ils se retrouvent trois heures plus tard dans les nuages accrochés au volcan Poas.

Leur déception face à la mer de brume qui cache le cratère se transforme en ébahissement lorsque ceux-ci se dissipent furtivement laissant deviner un lac de cratère bleu-vert entouré de falaises lunaires avec ici et là des tâches de soufre jaune citron qui exhalent des fumerolles blanches. Comme si le spectacle était mis en scène, les nuages reviennent, dissimulant à nouveau l’ensemble pour le dévoiler ensuite en y ajoutant des rayons de soleil qui révèlent la couleur de jade des eaux du lac.

Ce jeu d’occultation et d’illumination rend ce paysage grandiose encore plus excitant à contempler.

Les Piche gagnent ensuite Liberia petite ville du Guanacaste au milieu d’une pampa desséchée.

De là, munis d’un petit 4X4, ils rejoignent le parc de Monteverde dans la cordillère de Tilaran pour une longue ballade dans la forêt tropicale humide dont ils retrouvent l’exubérance végétale. Dans l’obscurité du début de nuit, ils espèrent apercevoir les laves rougeoyantes du volcan Arenal. Mais c’est le ciel qui leur tombe sur la tête, lorsque d’énormes nuages fondent sur eux en une pluie dense.

Retour à Liberia pour gagner les plages du Pacifique aux noms de rêves : Hermosa, Coco, Flamingo, Brasilito, Tamarindo. Les luxueuses villas qui dominent la superbe baie de Flamingo font penser au début de la colonisation touristique des Baléares.

Préservé de cette invasion, le parc national de Murciélago sur la péninsule de Santa Elena est d’un abord plus difficile.

Le petit 4X4 des Piche est limite pour progresser sur la piste qui pénètre cette forêt tropicale sèche totalement différente de la forêt humide.

Moins spectaculaire, avec sa végétation courte sur patte, moins dense aussi avec cependant des arbres massifs ici et là, elle offre parfois de beaux panoramas, comme autour de cette immense baie à demie fermée, déserte, hormis une colonie de pélicans et Rose en tenue d’Eve.

Revenus à Liberia, base de leurs escapades, les Piche s’offrent une toile dans un complexe flambant neuf.

Dans la salle, ils grelottent, victimes d’un air sévèrement conditionné. Il n’est pas donné à n’importe qui d’imiter intelligemment la nature.

Des pickpockets peu farouches

Jeudi 5 février 2004

San Jose, 5 février 2004

D’instinct, Rose sent que dans ce quartier de San José elle doit mieux surveiller ses affaires.

A l’instant où elle décide d’amener son petit sac à dos sous son bras, elle perçoit quelque chose d’anormal, elle constate qu’une poche est ouverte. Celle qui contenait son porte monnaie.

Il n’est plus là.

Elle lève la tête et voit une jeune femme s’enfuir en courant. Rose se lance immédiatement à sa poursuite, la rattrape et l’interpelle. La femme se défend d’avoir volé quoi que ce soit. Son amie arrive et dit qu’elle a vu un gamin faire le coup.

Rose n’en croit rien.

Elle est certaine que son bien est à quelques centimètres d’elle. Mais que faire? Fouiller ? Inconcevable !

Les deux femmes repartent en marchant, manifestement mal à l’aise et cherchant ici et là des échappatoires. Rose qui a été rejointe par Raoul, largué par la soudaineté du départ de la course, ne les lâche pas d’une semelle.

- Qu’est-ce qu’on fait ?

- On les suit

- Jusqu’où ?

- Jusqu’à ce qu’on croise un policier, on en a vu plein dans le marché.

Précisément, quelques minutes plus tard les jeunes femmes entrent dans le marché.

Elles s’arrêtent devant un étal de boucher. La moins suspecte s’adresse à Rose, lui déballe le contenu de son sac pour prouver sa bonne foi. Ingénument elle en tire deux porte-monnaie. Tête de Rose!

Profitant de ce que l’attention des Piche est ainsi fixée, l’autre femme disparaît. Raoul tente de la retrouver. En vain. Pourtant, les gens dans le marché le guident, “elle est passée par là”, d’allée en allée Raoul retombe sur l’étal du boucher.

Par geste, une personne lui indique que celle qu’il cherche est derrière un pilier, là, juste à côté. En un instant tout se dénoue. Alors que Raoul qui a rejoint la femme, lui propose de garder quelques billets en échange du porte-monnaie, un policier arrive.

De la foule fuse, “elle l’a donné au boucher”. Aussitôt, le porte-monnaie sorti de derrière le comptoir, atterrit dans les mains de Rose.

La jeune femme remet discrètement à Raoul l’essentiel du contenu qu’elle avait déjà récupéré. Les Piche disent au policier que tout va bien. Fin de l’épisode.

Les deux femmes s’éloignent rapidement avec deux mille “colones” qu’elles ont conservés. Pour elles, le salaire de la misère. Pour Rose le prix de l’expérience.

Vivre un tremblement de terre, c’est remuant !

Mercredi 4 février 2004

San Jose, 4 février 2004

5 h 55 du matin.

Allongée sur son lit au 3ème étage du Nuevo Hotel Central, Rose Piche est réveillée par une sensation bizarre. Persuadée que Raoul secoue son lit, elle ouvre les yeux.

Mais, non, sur le lit d’à côté, Raoul la regarde, intrigué comme elle.

- Qu’est-ce que c’est ? interroge Rose

- …Raoul se tait et observe.

Pas de doute son lit bouge, comme celui de Rose.

- Un tremblement de terre !

Interloqués, les Piche regardent autour d’eux tandis que leurs lits sont gentiment secoués comme par une main amicale, les murs pareillement.

- Qu’est-ce qu’on fait ? demande Rose, nullement paniquée.

- On sort de là, lui répond Raoul,  pragmatique.

Le temps d’enfiler leurs chaussures, le monde se fige dans une rassurante immobilité. Il n’empêche, les Piche évacuent. Au rez-de-chaussée, ils interrogent le gardien :

- Vous avez senti…

- Oui, oui, un tremblement de terre, répond l’homme avec un large sourire

- Et ça arrive souvent?

- Le mois dernier il y en a eu un et deux en décembre. Il vaut mieux des petits tremblements fréquents qu’un seul qui casse tout

Certes, certes…

Cet épisode oblige à revenir sur la liste, non exhaustive, des singularités du Costa Rica établie par Raoul dans un texte précédent.

Ce pays, comme ses voisins, se trouve sur une zone de fractures où l’on ne compte pas le nombre de volcans plus ou moins actifs. Au cours des dernières décennies, San José a été couvert de cendres par les éruptions de l’Irazu, 40 km à l’ouest, du Poas, 45 Km au nord-est, sans compter les quelques dizaines de morts provoquées par celles de l’Arenal, le plus actif de tous.

Pour ce qui est de l’Arenal, Raoul Piche est rassuré car son grand frère y a installé une batterie d”appareils de mesures pour le surveiller, cela dans le cadre d’une coopération avec l’Université du Costa Rica. Raoul Piche en est très fier et il est convaincu que ce volcan là ne leur fera pas de mal. C’est scientifique.

Puisque les forces telluriques leur ont fait commencer la journée très tôt, les Piche décident de se rendre au sommet du volcan Poas, histoire de rester dans le même registre. “Au moins, si ça pète nous serons aux premières loges”.

La semaine passée ils étaient au sommet de l’Irazu à 3420 m d’altitude.

Des grimpettes qu’ils effectuent désormais en autobus en mémoire de leur nuit passée au sommet du Baru au Panama.

Et parce qu’il faut “positiver”, les Piche se rassurent en pensant qu’au Costa Rica les cyclones sont plus rares que dans les pays plus au nord. Le Nicaragua, le Honduras, le Guatemala se sera pour les semaines à venir. A chaque jour suffit sa peine.

Vous reprendrez bien une petite secousse ?

PS: Dans la presse du lendemain les Piche ont appris que l’intensité de “leur” tremblement de terre était de 5,5 sur l’échelle de Richter. Qualifié de moyen par les scientifiques. Il succédait à trois autres en décembre et janvier d’intensité voisine. Il n’a  pas fait de dégât.

Pas d’armée, donc pas de coup d’état !

Vendredi 30 janvier 2004

San Jose, 30 janvier 2004

“Intel Inside” pourrait être la devise du Costa Rica dont la première source de revenus à l’exportation provient ni du café, ni des bananes, ni du tourisme mais des usines Intel.

Les singularités de cette sorte, ce petit pays les accumule à loisir.

Il est le champion de la biodiversité animale et végétale. Le nombre d’espèces qui y vivent est supérieur à celles dénombrées aux Etats-Unis sur une surface égale au dixième de la France. Du coup, 27% du territoire est protégé et l’écotourisme est le maître mot des dirigeants.

Beaucoup d’oiseaux, de mammifères, de plantes donc mais pas un seul militaire. Eliminés, tous, avec la suppression de l’armée en 1948 pour mettre fin aux coups d’Etat. Avec succès depuis cette date.

La population est si blanche de peau que Rose et Raoul Piche, bien bronzés depuis leur arrivée sur ce continent, passent aisément pour des natifs du lieu. Les noirs de la côte Caraïbe, longtemps interdits de séjour ailleurs, sont restés cantonnés là bas.

Dimanche dernier, Rose et Raoul ont cru original d’aller se promener dans la vallée d’Orosi près de Cartago. A 17h ils ont découvert que tous les habitants de San José, la capitale proche, avaient eu la même idée. D’où d’interminables embouteillages de fin d’après midi comme dans la forêt de Fontainebleau. Tant de voitures dans un si petit pays?

Vivant sous l’ombre tutélaire du grand frère américain le Costa Rica en a adopté bien des travers.

Aussi, pour manger Rose et Raoul ont-ils décidé de boycotter tout ce qui ressemble à de la restauration rapide à la Mac Do.

Pas facile. Dans les deux rues les plus fréquentées de San José, ils ont successivement renoncé à Burger King, Taco Bell, Billy Boy, KFC, Hamburger Factory, Pap John’s, Church’s chicken, Spoon, Hamburger City, Pizza Hut et d’autres encore pour aller déguster un ceviche (poisson cuit au citron) dans un estaminet du marché central.

Le paradoxe, mais en est-ce vraiment un ? étant que la qualité des mets est directement proportionnelle à la pauvreté de la gargote où ils sont servis. Avec parfois, en prime, un match de foot à la télé. Comme hier soir quand le Costa Rica a écrasé la Jamaïque 3-0. Ambiance.

En Amérique centrale, Rose et Raoul sont loin des délices des cuisines Indienne, Thaï, Vietnamienne. Par chance la grippe aviaire est inconnue ici et c’est tant mieux car la protéine reine est le poulet servi partout accompagné de riz et de haricots rouges.

Autre déception pour Raoul, l’indigence de la presse (Al Dia, La Nacion, Extra (le pire!!), La Prensa Libre).

Alors que l’an passé il se régalait avec la presse indienne, vive, engagée, polémique, la presse du Costa Rica comme celle du Panama sont à un niveau qui ferait passer “Midi Libre” pour l’égal du “New York Times”.

Grand pays, grande presse? Petit pays, petite presse? Heureusement, un saut à l’Alliance française de San José a permis aux Piche de se ressourcer. Ils y ont appris la sévère condamnation d’Alain Juppé et ont frémi en songeant qu’ils avaient failli ignorer un fait de cette ampleur.

Voyager n’est pas sans risque!

Mais, ouf! cette fois encore les Piche ont évité le pire.