Archive pour la catégorie ‘Sénégal’

Le taxi et la route africaine

Vendredi 4 mars 2011

Pour se déplacer de ville en ville, Rose et Raoul Piche qui voyagent désormais avec Chantal et Patrice empruntent des taxis collectifs 504 Peugeot break. Il s’agit d’un objet roulant à 8 places avec le chauffeur. Il part lorsqu’il est plein. Pour ne pas attendre des heures au soleil trois passagers complémentaires, le petit groupe de quatre paie pour sept afin de partir sans tarder.

Première prise de contact avec l’engin, l’ouverture des portières. L’usage de la poignée externe est tentant. Ce n’est généralement pas le bon choix. Mieux vaut passer la main à l’intérieur, saisir la ficelle qui sort de la garniture de la portière et tirer un coup sec. La portière ne s’ouvre pas. Mais ce geste a pour effet de faire se précipiter le chauffeur sur la même ficelle qu’il tire d’un coup sec. La portière s’ouvre…

Second contact, les fenêtres. Capitales les fenêtres lorsque la température extérieure oscille entre 32°C et 41°C. Pour les ouvrir ou les fermer la manivelle n’est pas la règle. Parfois un moignon d’axe indique l’emplacement d’une manivelle absente. Le recours au chauffeur est alors indispensable, il se saisit de la vitre et par une savante manipulation oscillatoire du verre, l’ouvre ou la ferme. Il arrive qu’une manivelle baladeuse s’emboîtant sur le moignon soit prêtée par le chauffeur (rare). Un jour, Raoul s’inquiète : ni axe, ni manivelle, la fenêtre fermée, semble électrique. Catastrophe ! Un examen détaillé du tableau de bord ne révèle aucun interrupteur en état de marche. Sollicité, le chauffeur se saisit d’un groupe de 5 fils aux extrémités dénudées qui sortent d’une aération. Il joint le marron, le bleu, le jaune-vert avec le rouge et, miracle, la fenêtre descend.

Le haillon duement fermé sur le coffre à bagage par une ficelle d’emballage, le véhicule est prêt à partir.

Clé de contact ou contact avec des fils dénudés sous le volant, le moteur démarre. Enfin, pas toujours.

Parfois la 504 est astucieusement garée sur une légère pente et c’est grâce à la gravité terrestre que, inch Allah ! le moteur démarre. Mais si Allah n’inche pas, alors Rose, Chantal, Patrice et Raoul se substituent à lui et poussent l’engin jusqu’à ce que démarrage s’ensuive.

Premiers roulements de roue, les regards se portent sur la route. Mais entre eux (les regards) et elle (la route) s’interpose un pare-brise étoilé. Les lignes de cassures longues, systématiques et nombreuses prouvent que le verre brisé peut rester brisé longtemps sans inconvénient. Il n’y a aucune filiale de Carglass en Afrique.

L’oscillation du volant, les vibrations de la caisse indiquent aux passagers que l’engin roule. En toute sécurité. En effet, les voitures ne roulent jamais vite. Par prudence ? Plutôt grâce aux nids de poule qui parsèment les routes et font office de ralentisseurs en série. Si d’aventure la route est bonne, c’est la mécanique des 504 Peugeot break qui protège les voyageurs. Avec la meilleure volonté du monde, elle ne permet guère de dépasser le 70 km/h. Il arrive que le propriétaire du taxi pousse la sécurité à l’extrême. L’un d’eux n’a-t-il pas équipé son engin de quatre pneus neige à la grande surprise des Piche ! La météo ne prévoyait guère de chute intense pour ce jour là, plutôt un beau soleil avec 36°C. Mais sait-on jamais !

Rose et Raoul ont rapidement compris qu’il y avait une question à ne jamais poser au départ d’un voyage « vers quelle heure va-t-on arriver ? ». La réponse, toujours évasive, se conclut systématiquement par un fataliste « Inch Allah » ! Mais comme il a été dit précédemment Allah n’inche pas toujours. Ainsi, à Dakar, des Français de rencontre ont expliqué aux Piche qu’Allah avait bu inopinément la totalité du réservoir, provoquant une panne de leur taxi. Puis, facétieux en diable (si l’on ose dire, parlant de la concurrence…) Allah a fait exploser un pneu. Cela sur 3 km de trajet.

Côté Piche, Allah a cessé de vouloir sur un long trajet entre Tambacouda et la frontière malienne. Différentiel du pont arrière cassé. La panne est intervenue à … 1 km d’une station de taxi collectif. En un quart d’heure les Piche et leurs amis avaient un taxi de remplacement et le taxiteur avait un mécano sous sa voiture clé de 17 en main.

La mécanique est un art africain.

Le nombre de poids lourds immobilisés le long des routes est incalculable. Pour eux Allah inche rarement. Mais les mécaniciens africains sont des dieux, des vrais, capables de tomber un moteur diesel de 380 CV sur le macadam et de refaire le vilebrequin. Cela peut durer 15 jours mais le semi-remorque repart toujours.

Sur les pistes de latérite le dépassement des camions conduit à traverser un nuage de poussière rouge qui contribue au joli teint hâlé des voyageurs. En absence de camion sur la tôle ondulée, la poussière vient de l’intérieur, elle décolle des sièges, s’envole et retombe sur les passagers. Bref, elle est toujours présente.

Comme pour faire tenir les morceaux ensemble, les pare-brise étoilés portent de nombreuses vignettes. Les apercevant, Rose demande à Raoul : « tu crois que c’est le contrôle technique ? »

Les Africains ont aussi beaucoup d’humour. Sous le soleil c’est contagieux.

A bientôt (enfin… Inch Allah!)

PS Si les Piche sont moins prolixes, c’est parce que leur emploi du temps est chargé et les connexions internet pas faciles.

Photos de la route africaine…

2- Forum Social Mondial, article Africamix-Le Monde

Mardi 15 février 2011

Ce texte des Piche est la copie d’un article qu’ils ont écrit pour le site Africamix-Le Monde (http://africamix.blog.lemonde.fr/)

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Après Le Caire et Dakar, Rose & Raoul Piche ont quitté la capitale sénégalaise pour d’autres cieux plus calmes. Les grands voyageurs sont actuellement au cœur du Saloum, entre océan, bolongs (bras de mer et d’eau douce) et mangrove. Mais avant de partir de la presqu’île du cap Vert, ils nous envoient leurs dernières impressions (texte et images) à propos du Forum social mondial de Dakar, qui s’est achevé vendredi 11 février.

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(Dakar) - « A plus de 80 ans, le président Moubarak voulait laisser le pouvoir à son fils Gamal. C’est une des raisons de la situation en Egypte. Cela sera une leçon pour le Sénégal, pour le président Wade lui-même et pour les chefs d’Etat qui s’aviseraient de créer des dynasties africaines retardataires et rétrogrades », a déclaré Moustapha Niasse, secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès, cité par le quotidien L’Observateur de Dakar.

Un sentiment largement partagé par la rue dakaroise, si l’on en juge par les échanges spontanés avec les personnes rencontrées au hasard des déplacements en ville.

La volonté du président Abdoulaye Wade de modifier la constitution afin de pouvoir briguer un troisième mandat et préparer ainsi la venue au pouvoir de son fils Karim passe de plus en plus mal après les événements égyptiens.

Lors d’un débat avec Abdoulaye Wade, Martine Aubry s’est permis de relever l’entorse à la démocratie que constituerait la modification de la constitution dans cette perspective. Martine Aubry a été l’un des premiers responsables politiques français à réagir au départ d’Hosni Moubarak, alors qu’elle venait de visiter l’île de Gorée où nous l’avons rencontrée.

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La petite histoire retiendra que la première secrétaire du PS français, accompagnée de quelques membres nationaux du parti, a pu s’offrir une journée de tourisme à Dakar « grâce » à la panne de son avion, la veille, un Airbus d’Air France !

L’Egypte s’est aussi tout naturellement invitée au Forum social mondial de Dakar, où une minute de silence a été observée lors de la séance de clôture, à la mémoire des personnes qui ont perdu la vie au cours des révolutions tunisienne et égyptienne. « Ce qui se passe en Egypte montre que les révoltes sociales peuvent faire tomber les dictatures et les dictateurs », a déclaré un orateur à la tribune.

A Dakar, les sérieux problèmes d’allocation de salles pour les conférences se sont atténués au fil des jours sans vraiment se résoudre, frustrant nombre de participants.

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Néanmoins, des débats ont pu s’organiser dans de bonnes conditions et accueillir un public nombreux. Tel a été le cas du débat sur la citoyenneté universelle, servi par une traduction simultanée en trois langues, co-organisé par Utopia, Emmaüs International, la Charte mondiale des migrants, la Cimade et France Libertés.

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Dans le cadre de ce débat, l’idée d’un passeport de citoyenneté universelle, prôné par le mouvement Utopia a rencontré un vif succès tout comme la Charte mondiale des migrants, proclamée symboliquement à Gorée le 4 février 2011 par des centaines de migrants venus du monde entier.

Une charte détaillée dont l’essence se trouve résumée dans le passage suivant : « Parce que nous appartenons à la Terre, toute personne a le droit de choisir son lieu de résidence, de rester là où elle vit ou de circuler et de s’installer librement sans contrainte dans n’importe quelle partie de cette Terre. »

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Bien entendu, le Forum social mondial ne saurait se résumer à un seul débat. Ce sont des centaines d’autres thèmes aussi essentiels que l’alimentation mondiale, l’eau, la situation des femmes africaines, l’éducation, l’application effective des lois existantes, le traitement des déchets, etc., qui ont fait l’objet de nombreuses conférences. »

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1-Forum Social Mondial, article Africamix-Le Monde

Mardi 15 février 2011

Ce texte est la copie d’un article écrit par les Piche pour le site Africamix-Le Monde (http://africamix.blog.lemonde.fr/)

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Après quelques jours de repos à Saint-Louis, suite aux émeutes cairotes, les grands voyageurs Rose et Raoul Piche continuent leur périple africain. Ils sont arrivés à Dakar, où se tient actuellement le Forum social mondial. En dépit des difficultés d’organisation, de logistique et de choses diverses… ils ont réussi à envoyer texte et images. Voici leur témoignage.

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(Dakar) - « Le Forum social mondial 2011 s’est ouvert cette semaine à Dakar. Contrairement aux participants du Forum de Davos, ceux du Forum social clament haut et fort qu’un autre monde est possible. Ils entendent bien le montrer à travers des échangent de réflexions et d’expériences dans de nombreux domaines.

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Des chefs d’Etat, principalement d’Amérique du Sud, sont venus à Dakar : Evo Morales, président bolivien, Hugo Chavez du Vénézuela, Lula da Silva, ancien président du Brésil. Le président du Sénégal Abdoulaye Wade, rentré de Paris la veille de l’ouverture du Forum (samedi 5 février), n’a toutefois pas assisté aux premières journées, mais sa venue a fait taire la rumeur sur son état de santé. Des Français membres de partis de gauche y sont présents ou passés : Martine Aubry, Jean-Christophe Cambadélis, Benoît Hamon, Olivier Besancenot, Eva Joly et d’autres.

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Ce sont près de 50 000 personnes qui assistent au Forum social mondial au sein de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Mais, comme les cours n’ont pas été interrompus, la foule des étudiants s’ajoutant à celle des congressistes, la densité de population dans l’enceinte de l’Université atteint des sommets ! Tellement, que l’organisation n’en est pas facilitée. Des lieux de conférence sont déplacés et l’on voit bon nombre de participants errer de bâtiment en bâtiment pour trouver la bonne réunion au bon endroit.

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On note une forte présence de mouvements de femmes, notamment africains. On a ainsi pu assister à une conférence sur l’organisation de l’économie informelle (mouvement StreetNet), avec des exposés traduits de l’espagnol (argentin), puis de l’hindi directement en wolof devant un parterre de femmes sénégalaises extrêmement concernées.

La présence simultanée de Marocains et de Sahraouis a donné lieu à quelques échanges… Aux “A bas les traîtres” répondaient des “A bas les occupants” des défenseurs de la République arabe sahraouie et démocratique (RASD). »

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Village de pêcheur, Saint Louis du Sénégal

Mardi 15 février 2011

Le contact des Piche avec le continent africain fut rude. Quittant une révolution encore inachevée après une journée passée dans l’aéroport international du Caire, Rose et Raoul ont passé 6 heures à survoler le nord de l’Afrique, admirant Djerba puis Alger brillants de tous leurs feux nocturnes. Puis, après une escale nocturne à Casablanca, Rose et Raoul Piche ont atterri à 4h du matin à Dakar dans un état de fraîcheur très relatif.

Croyant s’épargner la traditionnelle épreuve des négociations-arnaques des chauffeurs de taxi à l’arrivée dans un pays, Raoul Piche se renseigne auprès d’un policier affable qui met aussitôt les deux voyageurs entre les mains d’un taxiteur censé les conduire à leur hôtel, pour un tarif négocié de 5 Euros. Rose et Raoul remercient chaleureusement le policier qui les quitte là.

Les Piche ne font pas dix mètres qu’ils sont entourés de cinq individus prétendant chacun être leur taxiteur. Raoul, ne veut avoir à faire qu’ à l’homme désigné par le policier. C’est le plus malingre et le moins sûr de lui. Les autres s’accrochent, on marche, le taxi est toujours un peu plus loin. Finalement, dans un lieu sombre gît un amas de ferraille qui a dû être une voiture à une époque éloignée. Un homme assis au volant, en sort et s’éloigne dans la nuit en traînant des pieds façon Gaston Lagaffe. Un des hommes de la troupe le remplace au volant. Le « taxiteur désigné » s’assoie à côté et une dispute s’engage, le chauffeur contestant violemment le montant de la course. Comme cela dure, Rose s’énerve et dit au chauffeur « on y va tout de suite ou nous on descend, on en a marre, on veut dormir », les Piche ouvrent les portières. Le chauffeur dit « ok », la voiture démarre mais la dispute continue tout au long du trajet dans des rues sombres et sordides. Arrivé à l’hôtel, le chauffeur persiste à exiger plus que 5 euros, ce qui met Raoul en rogne. Pas question de céder. L’homme finit par monter l’escalier en même temps que les Piche pour entrer dans leur chambre, là grosse fâcherie de Rose et de Raoul appuyés in fine par le gardien de nuit de l’hôtel. Fin de l’épisode, « bienvenue au Sénégal » mais les Piche en tireront la leçon comme il sera dit plus loin.

Le jour suivant, heureusement, le Sénégal se présente sous un tout autre aspect. Est-ce d’avoir croisé durant plusieurs semaines des femmes tout habillées de noir, un voile sur la tête, toujours est-il que Raoul Piche ne semble remarquer que les jeunes Sénégalaises. Il est ébloui. Minces, grandes, un port altier, des visages aux traits délicats admirables, vêtues avec une élégance colorée, à l’occidentale ou de façon traditionnelle. Ces beautés déambulantes sautent d’autant plus aux yeux de Raoul qu’elles sont visibles en tous lieux, aussi bien dans des modestes villages que traversent les Piche pour se rendre à Saint-Louis du Sénégal que dans les rues de Saint Louis.

Rose, pourtant moins travaillée par la testostérone, avoue son admiration devant ces corps si droits et si fins.

Quant à la dureté de la vie dans ce pays, elle est vite apparue à Rose et à Raoul lors de leur visite du village de pêcheurs de Saint-Louis où la densité de population avoisine celle de Calcutta.

Les barques de pêche partent vers 18 heures pour 2 jours en mer. Etroites, longues, profondes, instables, propulsées par des hors-bord de 40 ch avec 20 personnes à bord, elles constituent un défi permanent et à haut risque aux vagues de l’océan. A leur retour, dans la matinée, les barques abordent le village des pêcheurs dans un bras abrité du fleuve Sénégal. Là, les femmes se pressent contre le bordé, les jambes dans l’eau noire jusqu’aux genoux, attendant que les pêcheurs finissent de décharger les caisses de poissons destinées aux camions frigorifiques. Alors seulement les femmes peuvent acheter quelques poissons pour les vendre dans la rue sur de maigres étals. C’est aussi le moment pour les pêcheurs de sortir les poissons qu’ils ont caché dans leurs bottes, voire dans leur pantalon de ciré pour leur propre famille. Une scène étonnante.

Une partie de la pêche est ensuite soit salée et séchée sur des claies exposées au soleil et au sable soulevé par l’harmattan (hum…), soit grillée et également exposée au soleil.

Les barques sont construites, réparées, décorées dans le quartier. Elles sont plus de 350, multicolores, mouillées les unes contre les autres sur ce paisible bras de fleuve, des étendards flottant au vent. A leur vue et à celles des scènes que la pêche suscitent, les Piche constatent, une fois encore, que des conditions de vie parmi les plus dures peuvent présenter une beauté manifeste.

L’expérience de l’arrivée à l’aéroport a radicalisé Raoul dans ses négociations avec les chauffeurs de taxi brousse. Ces derniers n’ont sans doute jamais vu un toubab aussi retord et aussi décidé à ne traiter qu’avec le chauffeur et personne d’autre, envoyant balader les escouades de rabatteurs et les patrons véreux qui exploitent les chauffeurs. Intraitable le Piche, décidé à payer le juste prix mais refusant les baratineurs en tout genre fort nombreux dans les gares routières. « Cette leçon vaut bien un fromage sans doute »…

A bientôt

Quelques photos en cliquant ici :

http://www.raoulpiche.fr/?page_id=4193

PS Après Saint Louis du Sénégal, les Piche ont suivi le Forum Social Mondial de Dakar. A cette occasion, ils ont été publiés par le blog Africamix Le Monde (http://africamix.blog.lemonde.fr/). Vous pouvez lire leurs articles titrés respectivement :

« Forum social de Dakar, c’est un peu la pagaille »

« Forum social ; Abdoulaye Wade, Martine Aubry… Hosni Moubarak à la tribune »