Archive pour la catégorie ‘Jordanie’

Une machine à remonter le temps

Jeudi 13 janvier 2011

A l’aéroport d’Amman, les Piche ont loué un engin qu’ils croyaient être une voiture. Mais non, c’était un engin à remonter le temps. Si bien que partout où ils se sont rendus en Jordanie ils ont été propulsés à des époques passées parfois très anciennes.

Ainsi, au Mont Nebo, les Piche ont vécu un moment poignant. Moïse était là. Il regardait intensément, au loin, vers la terre promise. Mais il ne voyait rien, à cause de la brume, et dépité sans doute, il a rendu son dernier soupir. Instantanément, les Piche se sont retrouvés au même endroit, entourés de Byzantins qui venaient de terminer une église avec de magnifiques mosaïques au sol faites pour durer des siècles…

Retournés dans leur engin, Rose et Raoul sont arrivés en un clin d’oeil à Madaba au milieu d’une foule romaine qui pavait les rues, construisait des écoulements d’eau, des palais, des boutiques. Du solide, capable également de traverser les siècles. A condition que l’on ne construise pas dessus des horreurs en béton. Horreurs que les Piche ont vues lorsqu’ils sont revenus au XXI siècle. C’était juste après avoir quitté leurs amis byzantins qui, sur le même lieu, tapissaient les sols de superbes mosaïques à tour de bras. « Ces mosaïques sont aussi finement ouvragées que des tapis, observe Raoul », « oui, des tapis frais aux pieds et faciles à laver à grande eau ! Souligne Rose, toujours pratique. »

Revenus à leur engin à remonter le temps, les Piche parviennent à Kérak où se trouvent les croisés. Ils construisent une énorme forteresse haute de sept étages destinée à abriter 1000 hommes. Là, la machine s’affole et les Piche voient successivement débarquer Saladin, l’Irakien, qui tente de prendre le château fort, rate son coup, revient un an plus tard (¼ de seconde pour les Piche) et emporte le morceau. Mais, (presque) aussitôt, les Mamelouks, des Egyptiens grincheux, virent Saladin. Victoire de (relativement) courte durée puisque des Turcs, forts comme tout, piquent le château aux Mamelouks. Finalement, ces derniers le perdent au profit de ceux qu’aujourd’hui ont appelle les Jordaniens. Les Piche sortent épuisés de ces batailles. Pourtant ce n’est pas fini. Revenus dans leur machine à remonter le temps, Rose et Raoul retrouvent ces besogneux de croisés un peu plus au sud à Shobak en train de construire un autre château, moins imposant mais situé sur un hauteur en plein désert au milieu de nulle part ! Une situation remarquable. Pourtant, Saladin débarque et l’histoire recommence comme à Kérak. Exténuant.

Trouvant ce désert particulièrement beau, les Piche descendent à Wadi Musa. C’est alors que leur engin dérape dans le temps et les propulse parmi les Nabatéens, environ 400 ans avant qu’un illustre inconnu, tout près, se fasse appeler le Christ. Les Nabatéens sont des bâtisseurs d’un genre un peu spécial. Ils montrent aux Piche que le grés se creuse aisément. Alors, ils font leurs habitations troglodytes dans la montagne qui, du coup, est percée comme un gruyère. De temps en temps, ils enterrent un mort qu’ils chérissent particulièrement, alors ils se surpassent et taillent dans la roche des tombeaux extraordinaires, parfois gigantesques, avec des colonnes immenses, des chapiteaux, des statues, des frises… Bref, ils mélangent tout ce qu’ils ont vu de beau au cours de leurs nombreux voyages autour de la Méditerranée. Comme le grés à Wadi Musa est rose, ocre, violet, blanc, le résultat est magnifique.

En route dans le temps vers notre siècle, les Piche rencontrent des Grecs passant par là et qui donnent à ce lieu le nom de Pétra, comme la pierre. Pas bête, c’est plus marketing que Wadi Musa. Pétra, ça devrait rester.

Finalement, les Piche laissent leur engin à remonter le temps à Aqaba au bord de la mer Rouge. Ils y retrouvent Moïse avant sa mort au Mont Nébo (faut suivre !). Ce dernier prétend que les flots se sont ouverts devant lui et qu’il a traversé la mer à pied sec avec des copains. Les Piche le regardent bizarrement. Pas besoin de miracle pour traverser à cet endroit. Il suffit de prendre le Fast Ferry sur le port d’Aqaba pour se retrouver dans le Sinaï. Moïse, il ne sait pas voyager. Ce n’est pas comme Rose et Raoul qui, parvenus par ce moyen sur l’autre rive de la mer Rouge, comptent bien se rendre en haute Egypte pour y remonter le temps. Il paraît que l’on y bâtit des choses fabuleuses.

A bientôt.

Pour voir les photos des lieux évoqués par les Piche, cliquer sur ce lien.

Perte de repères

Dimanche 9 janvier 2011

Dès les premières heures de leur voyage en Jordanie, Rose et Raoul Piche vont d’étonnements en étonnements. D’abord, il y a ce pépiniériste qui dépose ses milliers de pots en bordure du trottoir, le long d’une route fréquentée. Ni clôture, ni barrière. N’importe qui pourrait se servir en douce. Mais non, pas ici (sinon ce commerçant défendrait ses biens). Réflexion pernicieuse de Raoul, « pourtant, c’est plein d’arabes. Nous aurait-on menti ? ». Ensuite, plus loin, il y a cette jeune femme voilée, joliment vêtue, sac en bandoulière qui attend sur le bord de la route devenue déserte. « Qu’est-ce qu’elle fait là? s’interroge Raoul », « elle attend peut être tout simplement quelqu’un, avance Rose ». « Tu crois que c’est une pute ? », Rose s’étouffe « voilée !!? », « ben, ça n’empêche pas d’avoir de la religion !  Estime Raoul », qui se lance dans un long développement sur le thème « pute et soumise » qu’on épargnera au lecteur.

Au fil des heures, les Piche perdent leurs repères.

Arrivés au mont Nébo d’où on aperçoit, en principe, la mer Morte, Jérusalem, le mont des Oliviers, Jéricho etc. les Piche, eux, ne voient rien du tout. Un désert à leurs pieds et de la brume au loin. « C’est une arnaque ce mont Nébo », déclare tout de go Raoul prêt à en attribuer la responsabilité aux arabes du coin.

Tard, en fin de journée, Rose et Raoul veulent acheter des fruits. Tous les magasins sont fermés. Tous, sauf d’innombrables petites épiceries arabes. Normal. Ils entrent dans l’une d’elles et c’est là qu’un édifice de préjugés s’écroule. Au moment de payer, Raoul pose la question rituelle « combien doit-on ? » sensée préluder à une réponse majorée de 10 à 15%, l’épicier répond « cadeau », « c’est pour vous souhaiter la bienvenue en Jordanie ! », Raoul n’y comprends plus rien. Rose, elle, arbore une grand sourire.

A bientôt.