Archive pour la catégorie ‘Chine’

Les Chinois ? ce sont nous !

Dimanche 28 mai 2006

Bejing, 28 mai 2006

Pour les Piche, avant d’aller en Chine, ce pays se définissait en quelques notions simples.

Tout d’abord par un chiffre hallucinant celui de 1,5 milliard censé représenter sa population. Une masse anonyme qui menace nos emplois et notre confort tout en vivant une révolution industrielle digne de Germinal, l’absence de libertés individuelles, une inquiétante force militaire, un mépris de l’environnement.

Après trois mois passés à sillonner la Chine d’ouest en est, du nord au sud sur plus de 8000 km en bus, en train, en bateau, la vision qu’ils en rapportent est autre.

Là bas, les Piche ont rencontré des individus et non pas une masse indifférenciée, abstraite.

La route de Rose et de Raoul a croisé,

celle de pères qui jouent avec leur enfant et prennent soin de leur bébé ;

de mères qui parlent à leur fille ;

d’adolescentes espiègles qui rient et se taquinent dans la salle de restaurant où elles sont serveuses ;

de jeunes femmes chauffeurs qui conduisent leurs longs autobus, en gant blanc, avec le naturel de vieux routiers ;

de couples de paysans âgés visitant leur pays, émerveillés comme des enfants, marchant d’un pas fragile dans l’attitude timide des modestes qui s’excusent d’être en ces lieux au milieu des plus riches et des plus instruits ;

d’ hommes portant le blouson vert et la casquette Mao, nostalgiques d’une époque qu’ils comprenaient mieux ;

de bandes de jeunes garçons en jeans, chemises ouvertes, discutant avec passion, le verbe haut ;

de musiciens amateurs jouant dans les parcs publics pour leur plaisir et celui de la foule attentive qui les entoure, les bras croisés derrière le dos ;

de joueurs de carte ou d’échec dont les coups sont commentés par leurs amis agglutinés autour d’eux ;

d’ouvriers vêtus de blousons aux couleurs de leur entreprise qui sautent dans le bus la mine réjouie, contents de rentrer chez eux ;

de femmes dans le costume traditionnel de leur ethnie se déplaçant par deux ou trois en bavardant dans une langue qu’elles seules comprennent ;

d’autres femmes dans un costume aux allures militaires, casquette à visière et veste galonnée qui, dans les gares, gèrent les flux de voyageurs avec calme et fermeté ;

de paysans qui rentrent des champs leur outil sur l’épaule ou dans la benne de leur tricycle ;

de vendeurs et des vendeuses dans les grands magasins qui guettent le client comme d’autres au Printemps ou aux Nouvelles Galeries ;

de pilotes de bateau, sur le Yang Tsé, le sourcil froncé, concentrés sur la navigation dense du fleuve ;

d’étudiants aux yeux pétillants ravis d’échanger avec des occidentaux dans un anglais excellent et qui expriment leurs attentes du futur ;

de riches conducteurs de puissantes voitures noires, de superbes créatures à leur côté ;

de superbes créatures, seules, au volant de puissantes voitures noires ;

de vendeurs de rues qui exercent mille petits métiers pour vivre chichement ;

de très jeunes gens scotchés durant des heures derrière des ordinateurs alignés par dizaines dans les cybercafés, jouant en réseau ;

de baby dol toutes en strass et paillettes qui « chattent » avec des amis éloignés via MSN ;

de jeunes gens qui  s’offrent à aider les Piche lorsque ceux-ci consultent un tableau dans une gare ou la carte d’une ville.

La liste serait interminable si on la poursuivait tant la variété des personnes et des situations rencontrées est grande.

Avec le temps et les kilomètres les Piche se sont rendu compte qu’ils s’identifiaient, eux ou leurs proches, à la plupart des gens qu’ils croisaient.

Pour Rose et Raoul Piche, les Chinois ne sont plus un chiffre astronomique mais des individus tous différents avec les mêmes espoirs, les mêmes rêves, les mêmes ambitions, les mêmes valeurs, les mêmes comportements que les leurs aux mêmes périodes de la vie ou parfois de celles de leurs parents. Les Chinois ce sont eux.

Merci à tous d’avoir suivi Rose et Raoul durant ces 90 jours.

PS . “Quand on est arrivé au but de son voyage, on dit que la route a été bonne.” Proverbe chinois .

Le plus beau serpent de pierre du monde, le plus long aussi

Samedi 20 mai 2006

Pékin, 20 mai 2006

“C’est assurément un grand mur” avait déclaré en 1972 Richard Nixon, lors de sa visite à la muraille de Chine à l’occasion de son célèbre voyage. Le premier d’un président des Etats-Unis en Chine communiste.

Pour asséner une telle banalité, l’homme devait être sous le coup d’une forte émotion.

Sans doute celle qui saisit tout visiteur lorsqu’il découvre la splendeur inattendue de cette oeuvre incongrue qui se marie avec la nature pour produire de la beauté.

Sa trajectoire bizarre est ce qui frappe les Piche lorsqu’ils découvrent la muraille à Simatai, à 130 km au nord-est de Pékin : elle suit la ligne de crête des montagnes ce qui la conduit à adopter des pentes très fortes pour atteindre certains sommets avant de plonger de façon tout aussi abrupte pour gagner le fond des  vallées. De plus, elle zigzague pour aller d’un mont à un autre et pour se maintenir toujours au plus haut.

Le résultat est un interminable serpent de pierres, paré à intervalles réguliers de tours de guet, qui rampe à travers le paysage à perte de vue avec une élégance qui n’était sans doute pas la première préoccupation de ses concepteurs.

Rose et Raoul Piche ont parcouru la muraille pendant plus de sept heures lors de promenades réparties sur deux jours. La topographie des lieux leur offrait tantôt des vues plongeantes à couper le souffle, tantôt des vues en contre-plongée qui leur laissaient entrevoir des montées pénibles sur des marches inégales et souvent défoncées.

Au détour d’un virage Raoul tombe en arrêt en voyant un photographe monter vers lui : “Voilà un vrai pro de la photo !”", s’exclame-t-il au vu de l’équipement du monsieur. “Eh ! oui, ça fait plaisir d’entendre parler français !”” s’entend-il répondre !

La conversation s’engage. Photographe Français vivant en Australie, l’homme est chargé par le “PowerHouse Museum” de Sydney d’effectuer un reportage sur le thème “La muraille de Chine”. Il revient de Mongolie, du Tibet et de mille autres lieux où il a été la photographier. ” En plus vous êtes payé pour ça ! lance un brin jaloux Raoul. Il y en a qui ont vraiment de la chance !” “C’est ce que je me dis tous les jours” lui répond le photographe tout sourire, en ajoutant “Hélas, en sept ans, c’est le premier boulot vraiment passionnant que j’ai eu”. Et chacun de repartir vers son bout de mur.

Revenus à Pékin après un détour par Chengde pour visiter le palais d’été des empereurs, les Piche font les marchés.

Le plus intéressant est sans conteste celui des “puces” de Panjiayuan où est proposée une invraisemblable variété de copies d’antiquités, de porcelaines, de bronzes, de pierres, de peintures, de bois sculptés etc.

L’autre marché, Hongqiao, moins spectaculaire, est néanmoins très curieux par son organisation. Il s’agit d’un grand bâtiment de trois étages avec un entresol. “Ça pue” déclare immédiatement Rose dès son arrivée sur les lieux.

Au rez de chaussée est vendu tout ce que l’industrie chinoise peut produire de gadgets et de contrefaçons électriques et électroniques.

Au premier sont principalement vendus des colliers de perles de toutes les couleurs mais “juré, craché”, toutes authentiques à 2 euros le collier…

Aux 2º et 3º étages, des boutiques de luxe vendent de véritables bijoux. Le lien entre ces étages c’est l’odeur, une terrible odeur de poiscaille qui irradie de la contrefaçon à la joaillerie top niveau.

Les Piche en sont surpris.

En quittant l’immeuble Raoul devine qu’à l’entresol il y a “autre chose”. Après avoir descendu dix marches, ils pénètrent dans un marché aux poissons fourmillant d’activité, l’odeur suffoque à la première inspiration mais le spectacle fait oublier ce désagrément.

Ici des langoustes vivantes sont déballées de leur caisse arrivant en droite ligne d’Australie, là une tortue est dépecée à vif, à même le sol, ailleurs un bel étalage de concombres de mer, partout des aquariums où sont stockés les animaux vivants : crevettes, soles, serpents de mer. Partout, des caisses et des caisses de poissons sur leur lit de glace.

Acheteurs et vendeurs s’interpellent dans un brouhaha assourdissant, mais quel spectacle !

Aucun touriste occidental en vue. Tous sont agglutinés aux étages supérieurs pour leurs achats de pacotilles ou de grand luxe. Ils profitent seulement du fumet de cet étonnant marché et se privent de la dégustation que constitue la visite de l’entresol.

PS “Si ton ordinateur ne fonctionne plus, une fois, finit les proverbes chinois”, proverbe Belge.

Pragmatiques, chauffards, curieux et bien d’autres choses encore…

Mardi 9 mai 2006

Xian, 9 mai 2006

“Pragmatiques” est le qualificatif qui revient le plus souvent dans la conversation entre Rose et Raoul pour définir les Chinois.

Rien ne les déroute et ils trouvent des solutions à tout.

Dans les villes, à peine la pluie commence-t-elle à tomber que des vendeurs de parapluies apparaissent à tous les coins de rue.

Ce jour là, Rose et Raoul Piche marchent le long d’un chemin bordé d’un côté par un fleuve, et, de l’autre, par une colline pentue. La ville la plus proche est à 35 Km. Des gouttes tombent. “On a encore oublié de prendre les parapluies”, constate Rose avec amertume. “Ne t’inquiète pas, un vendeur va surgir des buissons”, répond Raoul en plaisantant. La pluie se fait plus dense. Les Piche avancent à l’abri des arbres quand, soudain, bondissant du fossé côté fleuve une femme apparaît un panier en osier à la main, plein de parapluies !

Les Piche éclatent de rire et négocient leur 3 ème parapluie.

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Le code de la route chinois est fort simple : le véhicule le plus lourd a priorité sur les autres.

Se déplacer à pied constitue une tare, au demeurant fort répandue, qui expose à tous les dangers. Un piéton traversant sur un “passage protégé”, le feu “piéton” brillant de son vert le plus luisant est superbement ignoré par tous les engins qui n’hésitent pas à franchir ce passage comme s’il était vide de toute humanité.

Même sur les trottoirs le piéton n’est pas à l’abri, des deux roues cette fois-ci. Une large piste cyclable ne suffit pas à ces derniers, ils exigent aussi le passage sur les trottoirs avec force coups de klaxon (scooters) ou de sonnettes (vélos).

Un récent rapport de l’OMS montre qu’en Asie la majorité des tués sur les routes sont des piétons et qu’il s’agit d’une véritable hécatombe. La Chine est un pays très sûr. Le niveau de criminalité y est bas. Simplement, on y meurt plus facilement à coup de “pare choc” (quel curieux mot) qu’à coup de poignard.

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Le petit garçon joue tranquillement lorsque par hasard son regard découvre Rose. Instantanément, il se fige, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, et dévisage l’étrange créature qu’il aperçoit.

Intimidé, il se cache derrière sa mère puis avance la tête prudemment pour regarder à nouveau.

Son regard croise celui de Rose qui lui sourit ce qui a pour effet immédiat de le faire disparaître complètement dans les jupes de sa mère. Un long moment s’écoule avant qu’il n’ose se montrer.

La scène se répète assez souvent dans les lieux où les occidentaux sont rares. Les adultes eux, n’hésitent pas à détailler Rose de la tête aux pieds en se retournant sur leurs pas pour achever l’analyse. Rose qui s’en agace un peu leur rend parfois la pareille.

Raoul, lui, estime que cela le dédouane pour prendre les chinois en photo sans leur demander leur autorisation.

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A Xian, où Rose n’a effrayé aucun gamin, les Piche ont visité le célèbre site de l’armée enterrée des 6000 soldats de terre cuite, datant de 2000 ans. L’une des plus importante découverte archéologique du XX ème siècle.

En exergue dans le bâtiment 2, gravé dans la pierre, en lettre d’or, cette citation d’un général chinois “si quand tu te grattes les couilles tu sens deux paires de couilles, alors l’ennemi n’est pas loin”, telle est du moins la traduction qu’en a fait Raoul, de plus en plus sûr de sa maîtrise du mandarin.

“Si l’ancien ne s’en va pas, le nouveau ne peut advenir”

Vendredi 21 avril 2006

Shanghaï, 21 avril 2006

“Jiùde bùqù , xinde bùlài” ont l’habitude de dire les Chinois, “si l’ancien ne s’en va pas, le nouveau ne peut advenir”.

Depuis plusieurs semaines, Raoul tentait d’exprimer cette forte pensée par une photographie. L’occasion lui en a été donnée à Shanghai, dans la vieille ville chinoise. Là, des pelleteuse-marteau-piqueur éliminent un quartier entier de vieilles maisons, laissant apparaître à l’horizon, subitement dégagées, des tours de verre de cinquante étages. Des photos, prises le lundi ne peuvent plus l’être le mardi car souvent rien ne subsiste d’une bâtisse photographiée la veille.

Certains Chinois semblent eux-mêmes un peu dépassés par cette rapidité, tels les habitants de cet immeuble attaqué au marteau piqueur géant alors qu’ils l’habitent encore !

Leur linge sèche aux fenêtres et récupère la poussière des murs qui s’effondrent. Hallucinant!

Ce quartier qui “laisse advenir le nouveau” rappelle ceux d’une ville bombardée. Ici, seul subsiste un panneau indiquant le nom d’une rue et des montagnes de gravats. Là, une petite maison d’un étage, îlot dans une mer de décombres parait épargnée par hasard. Où que les yeux portent hors du périmètre de ce quartier on aperçoit des gratte-ciel (ceux de Pudong à l’ouest, le quartier des affaires et de Nanshi au sud) ou des immeubles d’habitation de grande hauteur.

“Pour la photo, c’est bon”, lance Raoul, “pas sûr que tous les habitants du quartier soient photographes”, répond Rose en se tordant le pied sur un amas de briques.

Tout l’ancien n’est pas systématiquement détruit à Shanghai.

Nombre de ruelles du vieux quartier chinois subsistent et les traces architecturales de l’histoire coloniale de la ville sont multiples. Les immeubles cossus du Bund à l’architecture néo classique des années 30, les villas de l’ex-concession française, clones de celles de La Baule, les austères mais superbes maisons grises du quartier branché de Xindandi. Tous ces vestiges du passé côtoient les tours du Shanghai du XXI ème siècle.

Il faut souvent être deux, pour que le nouveau puisse advenir. Au square du peuple de Shanghai, les Piche découvrent qu’en Chine cela n’est pas toujours simple.

Assis sur les bancs publics des hommes et des femmes d’âge moyen, tiennent en évidence des feuilles manuscrites. Le haut niveau de chinois atteint par Raoul lui permet d’identifier des dates de naissances et des salaires.

“Un marché du travail”, affirme-t-il avec assurance à Rose.

Tout faux.

Un Chinois anglophone entreprend pour Rose et Raoul la traduction d’un de ces textes.

“Jeune femme née le xx/yy/zz, diplômée de la xyz université, cadre chez Zouzhouang Inc, ayant un salaire de 7000 yuans, cherche jeune homme, environ 35 ans, diplômé, salaire en rapport”. Il s’agit d’un marché du mariage réunissant environ deux cents pères et mères qui cherchent le yin de leur tendre yang et réciproquement.

Des feuilles portant des appels de ce type sont épinglées sur des massifs de plantes, le papa ou la mama montant la garde à côté. Après la traduction, une femme demande à Raoul, en anglais, s’il ne connait pas un jeune homme désirant épouser une jeune chinoise. Non. Mais Raoul promet de transmettre (voilà, c’est fait).

En fin de journée, les Piche partent à la recherche d’un cybercafé. Un mail apprend à Rose que depuis deux jours un nouveau neveu lui est “advenu”. “Ils nous poussent ces jeunes”, déclare Raoul, en réaction, sentant bien que la vieille bâtisse qui devra faire place, cette fois ci, ce sera lui. Y a pas photo.

PS “Des trois manières d’insulter ses parents, rester sans héritier est la plus grave”, parole du vieux sage Mencius.

PS 2 Pour un oeil occidental, le plus spectaculaire dans la région de Shanghai n’est pas Shanghai mais les petites villes anciennes qui se situent dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de la mégapole: Xitang, Wuzhen, Zhouzhuang et accessoirement Suzhou, petites cités lacustres sont de véritables bijoux que les Piche ont découverts avec leurs amis Etienne et Marine venus les rejoindre dans cette région de Chine.

Sur le Yang Tsé, la croisière s’amuse, un peu…

Jeudi 13 avril 2006

Yichiang, 13 avril 2006

Allongés sur leurs couchettes, face à la baie vitrée de leur cabine, les Piche contemplent les rives du Yang Tsé qui défilent devant eux.

Le bateau glisse comme un tapis volant, sans bruit et sans accoup.

Pour cette croisière de trois jours, de Chongqing à Yichiang, ils se sont offert “la première classe” afin de disposer d’une cabine pour eux seuls. Après sept semaines de voyage en Chine ils souhaitent un brin de confort, sinon de luxe.

Mais le seul luxe de leur cabine réside dans la peinture blanche récemment refaite des murs. Pour le reste… Les dimensions sont inférieures à leur chambre de Hong Kong (ils ne croyaient pas cela possible) avec une moquette qui a probablement été luxueuse lors de l’invention des moquettes au siècle dernier. Quant à la “salle de bain”, rien ne lui manque, pas même son grand âge et peut être aussi un brin d’espace. Le pommeau de douche est situé à la verticale de la cuvette des wc, eux mêmes placés 20 cm devant les lavabos.

Le mieux est encore de se doucher assis sur les wc. Raoul parle de faire d’une pierre deux coups. Rose fait semblant de ne pas comprendre

A 21 heures le restaurant du bord ouvre. Affamés après une longue journée de voyage, les Piche s’installent à une table. Ils y seraient encore, attendant qu’on les serve, si Rose n’avait fini par se lever pour commander. Sur ce bateau où tout est écrit en chinois et dont aucun membre du personnel ne parle anglais les communications sont souvent cocasses et jamais tristes.

Rose finit par comprendre la procédure pour manger :

- descendre au pont numéro un

- consulter le menu en chinois au bureau de gestion du bateau

- choisir son plat (??!)

- payer

- recevoir en échange du paiement un plaquette portant un numéro

- remonter au pont supérieur dans la salle de restaurant

- s’asseoir et attendre l’appel du numéro

Simple.

Les plats sont bons et les Piche renouvelleront souvent la procédure. Pour “choisir” leur repas ils présentent leur propre liste de mets sur un manuel de conversation bilingue, espérant qu’une vague correspondance existe avec le menu du bord. Si les résultats sont parfois étonnants, ils sont en général très comestibles.

La nuit, le bateau fait escale. Le plus grand calme règne à bord. Les moteurs sont stoppés, les générateurs également. D’où une absence totale d’éclairage et d’eau (à bord d’un bateau, sans pompe, pas d’eau…).

A 6 heures du matin, une annonce tonitruante, en chinois, répétée à satiété décrit la prochaine visite à terre (en général inintéressante). A 6h30 lorsque l’annonce cesse enfin, les Piche se rendorment.

A leur réveil, ils découvrent que les toilettes se sont transformées en pédiluve : le niveau d’eau au sol s’élève à 7 cm, les tongues en plastique flottent. Il faudra beaucoup d’insistance et les interventions successives de quatre personnes pour obtenir que le niveau baisse !

Douze heures après le départ, en parcourant les coursives des première, seconde, troisième et quatrième classes Rose et Raoul ont plus le sentiment de se trouver à bord d’un bateau d’immigrants que de participer à une croisière “de luxe”. Détritus, poubelles pleines, portes ouvertes sur le désordre des cabines, hommes déambulant en “marcel” ou en pyjama, odeurs de nourriture.

Les ponts extérieurs constituent les refuges les plus agréables. Là au moins règne le grand air.

Alors qu’elle hume l’oxygène à plein poumons sur le pont arrière, Rose aperçoit un superbe rongeur à longue queue qui cherche sa voie. Il furète sur la tôle d’acier et finit par s’introduire dans un tuyau qui pénètre dans le “bar salon” du pont supérieur. Rose décide d’y pénétrer aussi, en passant par la porte. Elle tente d’observer la sortie de la canalisation où a disparu l’animal. En vain. Un monticule de provisions cache le débouché et sans doute la bête. Bonne pioche pour elle!

Ce n’est que le second jour, lorsque le bateau aborde les premières des trois gorges du Yang Tsé que le paysage devient spectaculaire. En plus ample, il rappelle à Rose et Raoul, les gorges de l’Ardèche.

Le trafic fluvial est intense, les péniches de transport de matériaux le disputent aux petits porte-conteneurs. Avant les gorges et entre elles lorsque les rives sont moins abruptes, les Piche aperçoivent des villes industrielles, de nombreux dépôts de charbon et quelques villages.

Partout des pancartes indiquent “175 m”, le futur niveau du Yang Tsé, lorsque le fameux barrage “des trois gorges” sera totalement en eau. Tout ce qui se trouve en dessous sera englouti. Dans cet espace des maisons sont déjà abandonnées, d’autres non. Des villages entiers vont disparaître. La plupart seront en fait détruits par les pelleteuses avant la montée des eaux.

Le troisième jour, le navire atteint Yichiang où est construit “le plus grand barrage du monde” dont la puissance sera équivalente à celle de 18 centrales nucléaires. En outre, il régulera le Yang Tsé supprimant ses crues catastrophiques qui ont tué un million de personnes au XX ème siècle. Des morts que les média occidentaux oublient pour ne voir que le problème (réel) des personnes déplacées.

Au premier coup d’oeil le mur de béton de 2,3 km de long et de 185 mètres de haut n’impressionne guère les Piche. Il est vrai qu’ils l’observent à deux kilomètres de distance pour l’apercevoir dans sa totalité. Lorsqu’ils se trouvent dessus, un peu plus tard, la perception est tout autre ! La dimension colossale de l’ouvrage est saisissante.

En soirée, le bateau franchit les cinq immenses écluses qui “descendent” les navires de 110 m (encore un record du monde dont les Chinois tirent fierté) . Dans leur cabine, les Piche ont la sensation d’être dans un ascenseur. Un mur graisseux noir défile rapidement à quelques centimètres de la baie vitré.

A six heures du matin Rose réveille Raoul.

- Il faut partir, tout le monde est descendu .

- Mais je veux dormir jusqu’à huit heures !

- Je te dis qu’il n’y a plus personne, les femmes de ménage font les chambres.

Raoul jette un oeil dans la coursive, elle est encombrée de draps, les portes des cabines sont ouvertes.

- Ah! oui, tout le monde a quitté le navire. Sauf les rats. Il est temps d’y aller.

PS “Il est plus facile de déplacer un fleuve que de changer son caractère.” Proverbe chinois.

Emeï Shan, sacrée montagne sacrée

Vendredi 7 avril 2006

Emei, 7 avril 2006

Le visage grimaçant, la démarche pesante tels des cavaliers fourbus venant de traverser le Texas, les Piche peinent à monter les quelques marches qui les conduisent à leur chambre.

C’est que des marches ils viennent d’en voir comme jamais dans leur vie.

Et, s’ils n’ont pas traversé le Texas, ils viennent tout de même de descendre le Mont Emaï (Emaï Shan, 3100 m) par un chemin exclusivement constitué de marches. Des dizaines de milliers de marches, inégales en hauteur comme en largeur, ne permettant souvent de ne poser que le talon. 70 000 selon une estimation de Raoul qui recoupe d’autres sources. Il aura fallu 10 heures aux Piche, réparties en deux jours pour descendre ainsi 2600 mètres de dénivelé.

Site classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le mont Emaï est singulier à bien des égards.

Son climat de “pluie, de brume, de brouillard, d’humidité et d’un peu de soleil” n’est pas la moindre de ses caractéristiques. Autant dire qu’il faut un peu de chance pour profiter des vues extraordinaires qu’il recèle. Les Piche n’ont pas été trop mal servis. En dépit de brumes tenaces mais mouvantes, ils ont pu découvrir de fabuleux panoramas. D’autres n’ont pas eu cette chance.

Emaï Shan est formé d’aiguilles rocheuses recouvertes de cèdres, de pins, de rhododendrons, d’azalées, de fougères etc.

Sur ces élancements sont bâtis une douzaine de temples et de monastères reliés entre eux par un réseau de chemins formés de ces milliers de marches.

Jamais les Piche n’avaient vu un tel paysage avec des précipices vertigineux qui se perdent dans la brume et des pics si hauts qu’ils percent les nuages.

Après avoir gagné le sommet en bus, puis en téléphérique, Rose et Raoul ont entrepris de parcourir les 26 km de descente en début d’après midi. Après une heure sur des marches incroyablement pentues, ils croisent des jeunes chinois qui, eux, montent. Les jeunes filles essoufflées affichent un visage effaré, suppliant pour que le supplice cesse après le prochain virage. Cela fait rire Rose, ravie de descendre au lieu de monter. Mais après plusieurs heures de ce régime, elle ne rit plus pensant que trop c’est trop, même en descente ! Lorsqu’en fin d’après-midi, le tonnerre gronde, Rose et Raoul décident que le petit temple auquel ils arrivent fera une excellente halte pour la nuit.

Un moine leur attribue une chambre on ne peut plus rustique pour le prix d’un palace à Kunming.

Qu’importe, le havre leur paraît délicieux. Le lendemain, les deux pèlerins reprennent leur escalier de descente et plaignent de plus en plus les rares personnes qu’ils croisent à la montée.

A partir d’une certaine altitude, ils rencontrent les habitants naturels du lieu, des singes plutôt costauds, pas toujours sympathiques. Face à l’un d’eux qui montre les dents en grognant, les Piche appliquent la technique préconisée, montrer un caillou dans une main et un bâton dans l’autre. Message reçu. le primate s’éloigne dans la montagne.

Plus tard, ils croisent un autre animal qui serre les marches sur sa gauche tandis que Rose serre la droite, les deux échangent un regard lourd de méfiance réciproque.

Montagne sacrée du Bouddhisme, Emaï Shan se prête aux prières et aux voeux de toutes sortes. Raoul en formule deux.

Le premier, dans la cabine du téléphérique alors qu’il a pour seule vision deux mètres de câbles se perdant dans le blanc des nuages, “au sommet, si on voit le soleil, je me convertis au Bouddhisme”. Parvenu au plus haut, le soleil se montre de manière très furtive. Trop pour mériter une conversion.

Second voeux : au moment de descendre, un vieux chinois très digne, au port altier se dirige vers Raoul et le salue chaleureusement dans un anglais parfait. La conversation s’engage avec lui et sa famille. Il s’agit de Chinois-américains de San Diego. Rose et Raoul apprennent que le vieux monsieur qui se déplace de façon alerte est âgé de ….95 ans !! Cela suscite l’enthousiasme de Raoul qui fait le serment devant cet homme de revenir au mont Emaï au même âge que lui, s’il est aussi en forme que lui.

Et ce voeux là, Raoul entend bien le tenir… si Bouddha le veut bien.

PS “Ne parlez jamais de vous, ni en bien car on ne vous croirait pas, ni en mal car on ne vous croirait que trop”. Confucius.

“Il faut se méfier de la première impression, c’est souvent la bonne”.

Mardi 4 avril 2006

Chengdu, 4 avril 2006

Après un mois et demi en Chine, les Piche recensent ce qui les a surpris de prime abord.

A tout seigneur tout honneur, le crachat vient en tête de liste.

Pas le petit crachat du joueur du PSG sur la pelouse du stade de France. Non ! Il est question, ici, du crachat qui provient d’un raclement sonore au plus profond des bronches pour monter en un grondement impétueux avant de se terminer en une puissante expectoration. Un exercice que le Chinois moyen peut renouveler plusieurs fois en quelques minutes où qu’il se trouve, dans un bus, un train, un restaurant, sur un trottoir, un vélo, etc.

Le pouvoir a tenté d’enrayer cette pratique, avec un certain succès paraît-il à Pékin et Shanghai. Ailleurs, c’est l’échec total. La conséquence étant que les Chinois sont largement atteints par le “ganmào” une sorte de bronchite chronique. Raoul qui aime “faire comme les Romains, chez les Romains” a du recourir aux antibiotiques pour se débarrasser d’une bronchite tenace, affection qui l’épargne en général. Le “ganmào” ?

Dans un registre voisin, en quelque sorte, les Piche ont découvert une autre spécificité, les wc publics à la chinoise. Ils sont composés d’une rigole qui court tout au long de l’édicule avec quelques cloisons très basses, sans porte. Des wc souvent rebutants mais avec beaucoup de chaleur humaine…

On avait annoncé aux Piche, les Chinois individualistes et peu sympathiques avec les étrangers. Individualistes, ils le sont indubitablement, en revanche, les Piche les trouvent accueillants, aimables, serviables et ils parviennent toujours à obtenir le renseignement ou l’aide qu’ils cherchent.

Dans les restaurants, il n’est pas rare qu’ils soient cordialement invités à goûter aux plats des convives présents à leur table, pour le plaisir manifeste de leur faire découvrir certains mets.

La variété de l’habillement qui va jusqu’à une élégance certaine pour les femmes, dans les grandes villes, a également frappé Rose et Raoul. Rose qui ne cesse de louer l’amour des Chinois pour les plantes ornementales très présentes dans les rues des grandes villes comme dans les bâtiments publics.

Les magnifiques bonsaïs sont fréquents, tout comme les massifs de fleurs. Le savoir faire chinois dans ce domaine est immense. Si l’on ajoute à cela l’omniprésence des légumes dans les préparations culinaires, force est de constater que les Chinois sont plus amoureux de la nature qu’on ne le dit..

Et si l’environnement a été saccagé pour cause de développement industriel, il est permis d’espérer que le fond “végétal” chinois reprendra le dessus.

Le dernier plan quinquennal qui vient d’être présenté en mars dernier ne consacre-t-il pas une large part au “développement durable” ? Comme le dit Thierry, voyageur devant l’éternel et ami des bêtes “un peuple qui se nourrit de chiens au lieu de les gaver de Canigou est forcément plus proche de la nature que nous”.

Les Chinois aiment le jeu. Il est partout, dans les parcs publics, les rues, devant les magasins, dans les trains, les bateaux. Jeux de cartes, chinoises ou occidentales, de dames, de dominos.

Dans les parcs les joueurs côtoient les pratiquants du Tai Chi, le plus souvent des femmes ou des personnes âgés. Ces derniers offrent aux Piche un spectacle gracieux parfois comique tel ce très vieux monsieur de Kunming dont les gestes se limitaient à un mouvement plongeant des mains d’une amplitude ne dépassant pas 10 centimètres, accompli avec conviction et persévérance.

Dans cette même ville de 4 millions d’habitants, puis plus tard à Chengdu (même taille), les Piche ont été surpris par le faible niveau sonore de la circulation, pourtant importante à certaines heures. Explication : la totalité des scooters et des mobylettes sont électriques. 100% silencieux !

L’omniprésence du téléphone mobile à la ville comme à la campagne est également remarquable. Sur un chemin autour de Yangshuo, les Piche n’ont-ils pas vu une paysanne marchant avec sa bêche sur l’épaule tout en conversant au téléphone. Les Chinois semblent tous équipés de cet appareil qu’ils utilisent en tous lieux et à tout moment, en parlant encore plus fort qu’à l’ordinaire, c’est-à-dire vraiment très très fort.

Autre pratique chinoise qui saute aux yeux : les affiches. Elles sont partout. Géantes dans les grandes villes, plus réduites ailleurs, elles sont légions où que l’on se trouve. Les ateliers pour les fabriquer sont simples : un local de trois mètres de large, 5 de profondeur, un ordinateur et un gigantesque traceur de la profondeur du local.

“Quand le bâtiment va tout va”, alors la Chine va. Des bâtiments poussent comme des champignons dans les grandes agglomérations comme dans les moins grandes et même dans les villages. Les immeubles flambants neufs, apparemment terminés mais encore libres de tout occupant sont innombrables.

Les chantiers routiers et autoroutiers sont visibles partout y compris dans les régions montagneuses difficiles. Bref, la Chine apparaît aux Piche comme une immense zone de travaux.

Parmi leurs premières impressions, les Piche ne pouvaient pas ne pas qualifier le physique des Chinois qui ne sont décidément pas “tous pareils”.

Raoul :

- Je trouve que la plupart des Chinoises ont un corps particulièrement bien fait même si elles sont le plus souvent de petites taille. Comment trouves-tu les Chinois, demande-t-il à Rose ?

- Ce ne sont pas les types d’hommes que j’aime. Remarque, même en occident, il y en a très peu qui soient à mon goût.

Du coup Raoul se sent l’égal de Robert Redford et d’Harrison Ford, lui que Rose a choisi parmi des millions ! Subitement, il n’a plus que faire des Chinois et des Chinoises. Diablesse de Rose…

PS “Les personnes insignifiantes aiment que leur actes soient bruyants”. Proverbe chinois.

Chien bouillu chien foutu !

Lundi 20 mars 2006

Cheng Yang, 20 mars 2006

- Qu’est-ce qu’ils nettoient dans la rivière, là-bas, au pied du pont ?

- On dirait des bêtes !

- Je me demande si ce ne sont pas des chiens.

Poussés par la curiosité les Piche avancent sur le splendide “Pont de la pluie et du vent” de Cheng Yang pour en avoir le coeur net. Plutôt retourné, en réalité, le coeur de Rose lorsqu’elle découvre qu’effectivement les deux jeunes Chinois raclent consciencieusement la peau de chiens morts raides comme du bois. Raoul, lui, dégaine son appareil photo. Pendant un moment les Piche suivent les opérations : nettoyage, vidage, récupération des boyaux, découpage.

- Finalement je fais pareil après une partie de pêche sous-marine, déclare Raoul.

- Mais il n’y a pas de poisson domestique ! On ne caresse pas les poissons, ils ne font pas les yeux doux aux hommes et ne se frottent pas à eux avec contentement.

- Oui, mais ils ne mordent pas non plus et ne transmettent pas la rage, contre argumente Raoul avec mauvaise foi.

Quelques jours plus tard les Piche retrouveront un chien entier et quelques morceaux (dont les têtes) d’autres canidés sur un étal du marché de Zhao Xing.

Ce met ne semble donc pas être exceptionnel dans la région agricole du Guizhou.

Hormis son marché à chien, Zhao Xing est un superbe village paysan aux maisons de bois, avec de multiples ponts couverts, des chemins pavés de galets arrangés en formes géométriques, de très grandes “tours du tambour” (lieux de réunions et de fêtes), des mini-théatres et il y règne une grande activité. Aucun touriste, ni Chinois, ni occidental en cette saison.

Quelques jours plus tard le décor change pour les Piche qui se retrouvent à Kunming, grande métropole régionale du Yunnan.

D’immenses avenues, très larges, traversent la ville bordées des commerces les plus modernes sis aux pieds de buildings de verre et de béton. Dans quelques rues ont été conservées, in-extremis, de vieilles et belles demeures mais leur survie semble problématique. Certaines sont déjà cernées par des immeubles dix fois plus hauts qu’elles. Ailleurs, des murs interminables ont été édifiés pour cacher les quartiers les plus misérables aux yeux des touristes. Car Kunming est une ville qui attire les touristes chinois en grand nombre, pour son climat doux et ensoleillé et pour la fameuse “forêt de pierres” de Shilin à 130 kilomètres de là.

C’est à Shilin que les Piche découvrent le tourisme de masse chinois. Des dizaines et des dizaines de tribus d’une cinquantaine de personnes suivent des guides brandissant de petits drapeaux de couleur. Ils évoluent ainsi, groupés, sur les chemins étroits qui sillonnent le site. Aller à contre-courant de ces hordes pacifiques est mission impossible. Les Piche en sont quitte pour s’éloigner des sentiers battus.

Ils retrouvent la même foule, 400 kilomètres plus loin, à Lijiang, village aux rues pavées et aux maisons traditionnelles d’une beauté si exceptionnelle qu’il a été classé au patrimoine mondial de l’humanité.

La qualité photogénique de Lijiang fait penser à Venise bien que ces lieux soient radicalement différents. Tout est si beau à Lijiang que même le tourisme massif n’est pas parvenu à l’enlaidir ! L’entrelacement des ruelles, uniquement parcourues par des piétons est tellement tortueux que les Piche s’y perdent sans cesse, non sans délice.

Hier, au milieu de la nuit un touriste occidental a du appeler son hôtel qu’il ne parvenait pas à retrouver après 3 heures de vaines recherches. Il y a aussi d’excellentes tavernes et de très bons vins à Lijiang…

PS : “Pour bien faire mille jours ne sont pas suffisants. Pour faire mal, un jour suffit amplement”. Proverbe chinois.

A chacun son ornière et sauve qui peut !

Dimanche 19 mars 2006

Cheng Yang, 19 mars 2006

“Il est un peu destroy le bus”, remarque Rose en contemplant l’engin campagnard que Rose et Raoul Piche doivent emprunter pour aller de Longsheng à Sanjiang. A l’heure dite, chargé d’oeufs, de sacs d’engrais et d’un bric à brac agricole que chaque passager emporte avec lui, le bus s’ébranle.

La route est chaotique, anciennement asphaltée elle comprend de nombreux nids de poule. L’asphalte disparaît bientôt. Petit à petit des ornières apparaissent, la route devient piste boueuse. Le bus met ses roues dans les traces existantes.

Ce n’est plus une route, c’est du tout terrain.

Le bus part en glissade de droite et de gauche en fonction de l’épaisseur de la boue. Mille fois il est sur le point de ne pouvoir continuer, mille fois il passe, au pas, mais il passe. De temps à autres, il escalade un rempart de boue et prend un angle de gite qui arrache des exclamations à Rose. Raoul la rassure “tant que nous ne sommes pas au-dessus d’une déclivité le bus ne risque pas de verser”. A peine a-t-il dit cela que l’engin franchit un passage en surplomb qui découvre, aux yeux horrifiés de Raoul, un bâti de béton portant une forêt de tiges d’acier pointées vers le haut tel un piège à tigre. “Si on verse, on s’empale” , pense-t-il.

Ca passe.

Une belle vallée se découvre sur la droite, très en contrebas. “Une glissade de trop et hop, le dernier plongeon !” . A intervalles presque réguliers le bus des Piche se retrouve face à des camions ou à des bus embourbés restreignant le passage. Il faut les savantes manœuvres du chauffeur pour résoudre le problème. Souvent, il doit créer une nouvelle voie dans les massifs de boue fraîche. A plusieurs reprises, cela nécessite une étude du terrain et des grandes discussions avec le chauffeur “d’en face”, ce qui permet à Raoul de quitter son siège pour aller photographier la scène.

Le bus peine de plus en plus à gravir les raidillons et leurs ornières maintenant profondes de 60 cm. L’odeur caractéristique d’un embrayage qui chauffe laisse à penser que la partie n’est pas gagnée. Bingo ! Le bus s’arrête, le chauffeur ouvre le capot du moteur fumant. Il bricole et repart.

Un peu plus loin les roues patinent, impossible de continuer. Le chauffeur se saisit d’une bêche, dégage la boue agglomérée devant le véhicule et réussit à débloquer la situation. 500 mètres de gagnés. Et ça recommence. Un coup de bêche, nouveau départ. Plus loin l’embrayage fume à nouveau. Arrêt. Caresses au moteur dans le sens du poil, ça repart.

Finalement, la piste disparaît pour laisser la place à un vaste terrain vague très large où la règle semble être “à chacun son ornière et sauve qui peut”. Les “embourbés” sont de plus en plus nombreux et les Piche commencent à penser que leur chauffeur est plutôt meilleur que les autres. Un artiste du volant. Du coup, ils lui pardonnent de les avoir arnaqués au départ de 30 yuans.

La “piste” constitue une attraction pour les villageois qui se massent à ses abords pour suivre les enlisements, les glissades, les manoeuvres. Ce sont les jeux du cirque. Finalement, tel Spartacus, le chauffeur du bus “830″ sort vainqueur du combat après 5 heures d’efforts et 66 km parcourus. Les Piche, qui depuis un moment font corps avec lui, sont également très fiers d’appartenir à l’équipe gagnante. Celle qui ne finira ni empalée dans un piège à tigre, ni écrabouillée au fond d’une vallée mais qui passera la nuit dans un lit douillet d’une maison de bois à Cheng Yang, rêvant de TGV et d’autoroute à quatre voies.

PS “Ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt”. Proverbe chinois.

Des femmes dures à la tâche

Jeudi 16 mars 2006

Pingan, 16 mars 2006

- Elle est aussi âgée que moi, je ne vais pas lui faire porter ma valise jusqu’au village, là-haut !

En dépit de l’empressement de la vieille dame, en réalité beaucoup plus âgée que Rose, celle-ci s’obstine à tirer son sac-à-dos-valise-à-roulette sur le chemin qui grimpe vers Ping An, village de la minorité Dong perché au sommet des collines. La pente est si raide qu’après dix minutes le sentier devient escalier. Alors, Rose jette l’éponge. Elle abandonne son bagage à la vieille dame, tout sourire, qui avait suivi, se doutant qu’au début des marches elle aurait ses chances. Cette dernière, place le sac dans la hotte qu’elle porte sur son dos.

Dix minutes plus tard, le village Dong apparaît dans toute sa splendeur. Les grandes maisons de bois sombre, aux proportions harmonieuses, aux fines tuiles arrondies et aux toits à pentes multiples s’étagent sur le flanc de la colline. Ni voiture, ni vélo tant les allées qui font office de rues sont pentues et étroites. Lorsque deux personnes se croisent l’une s’efface pour laisser le passage. A chaque croisement les Piche se fendent d’un sonore “Ni Rao” (bonjour) et reçoivent en retour le même salut souvent accompagné d’un sourire amical.

Les deux seuls moyens de transport sont le balancier de bambou sur l’épaule pour les marchandises et… la chaise à porteur pour les riches touristes chinois. Les femmes vêtues d’habits traditionnels, jupe noire et corsage fuschia ornés de broderies portent, en guise de coiffe, des serviettes de bain aux teintes vives, nouées en turban.

L’hôtel où sont conduits les Piche est une construction en bois, inachevée, bâtie sur le modèle des maisons traditionnelles. L’hôtesse leur vante “l’eau chaude 24h/24h”. Elle est en dessous de la vérité. La douche ne comporte que le robinet d’eau chaude ou plus exactement d’eau bouillante. Inutilisable sous peine de graves blessures. Seule solution, remplir un seau, ajouter de l’eau froide du lavabo (qui, lui, n’a pas de robinet d’eau chaude) et verser le tout sur le corps.

Les Piche sont séduits par ce village entouré de cultures de riz en terrasses qui dessinent le relief en élégantes courbes de niveaux. De Ping An, Rose et Raoul gagnent le village de Zhuang en une heure de ballade à travers les rizières. Mêmes constructions, même beauté, mais très pauvre.

Les vieilles femmes portent gravés dans leur corps les efforts d’une vie de travail de la terre : le dos bloqué à 90º, elles marchent, pliées en deux, dans leurs vêtements noirs, le regard fixé vers le sol.

- Regarde un peu comment elle va devenir à cause de toi, la vieille dame à laquelle tu as donné ta valise à porter ! Lance Raoul, cynique, à Rose.

Rose se tait. Au jour du départ, la même porteuse est à la porte de l’hôtel pour prendre à nouveau le bagage. Elle est accompagnée d’autre femme qui demande le sien à Raoul.

- Alors, Mossieur le moraliste, lance Rose à Raoul. Tu vas lui refuser les 10 yuans qui lui permettront de vivre trois jours sous prétexte que cela lui évitera des problèmes de dos, plus tard ? A son tour, Raoul reste muet, place lui-même son sac sur le dos de la femme et entame la descente le corps allégé mais l’esprit alourdi.

PS “Mieux vaut essuyer la larme du paysan que d’obtenir cent sourires du ministre”, proverbe chinois.

Faux et usage de faux !

Mercredi 15 mars 2006

Yangshuo, 15 mars 2006

- Non, il est faux ce billet, je n’en veux pas !

Interloqué, Raoul récupère des mains du patron de l’hôtel son billet de 100 yuans et lui en tend un autre.

Circonspect, le patron examine la coupure. Même refus.

Troisième billet.Troisième refus. Raoul qui commence à s’inquiéter, semble percevoir dans l’oeil du tenancier un doute sur son honnêteté.

Pour en avoir le coeur net, Raoul Piche se rends à la Bank of China de Yangshuo. Tous faux. Tous confisqués. En deux minutes, il se voit dépossédé de 300 yuans (30 euros, un mois de salaire d’un paysan chinois). Pour ce prix, le banquier lui montre les imperfections des contrefaçons.

Un anglais, présent dans la banque, s’intéresse à la scène. Habitué du pays, il doute que ces faux proviennent du change opéré précédemment par les Piche auprès de la banque nationale chinoise. “Vous n’auriez pas laissé de l’argent en caution quelque part ?”. Interrogation pertinente. Ces trois billets ont été récupéré par Raoul lors du retour des bicyclettes louées la veille. Arnaque classique semble-t-il. Bien que l’origine en soit parfaitement établie, impossible d’obtenir réparation. Cette leçon vaut bien 300 yuans sans doute.

Honteux et confus, Raoul jura, mais un peu tard qu’on ne l’y reprendrait plus.

Pour les Piche, Yangshuo fut une étape à la fois agréable et difficile.

Difficile à cause de la pluie, du froid et de l’humidité. Alors que deux jours auparavant, Rose arpentait les rues de Canton en chemisette à la recherche d’un beau scorpion frais, la voici tout à coup grelottante, sous son parapluie, en dépit de cinq couches de polaires et autres Goretex.

Agréable, parce que le paysage de Yangshuo est fabuleux. Yangshuo, c’est la baie d’Halong (confer “Indochine”, le film avec Catherine Deneuve) dont la mer aurait été remplacée par des rizières, des rivières et, entre les deux, par des chemins. Pédaler au milieu de ce paysage est un plaisir dont les Piche ne se sont pas privé.

Ils ont même embarqué à bord d’un bateau pour une vision à partir du fleuve Li. Hélas, ce jour là, la brume était tenace. Au détour d’un méandre, des touristes chinois ont sorti des billets de 20 yuans pour comparer le paysage imprimé sur la coupure avec celui qui se présentait à leurs yeux. C’était le même. L’un des plus beau paysage karstique de Chine. A un détail près, seuls les premiers monts étaient visibles, l’arrière plan, très net sur les billets, disparaissait dans la brume.

“Encore un faux, lacha Raoul, amer”.

PS “L’homme sage apprend de ses erreurs. L’homme plus sage apprend des erreurs des autres.” Proverbe chinois.

L’art de parler chinois aux chinois

Vendredi 10 mars 2006

Canton, 10 mars 2006

Lorsqu’à Macao Raoul a aligné deux mots de mandarin pour acheter une bouteille d’eau, son interlocuteur chinois a paru ravi et surpris. Moins que Raoul d’être compris ! Encouragé, le vendeur s’est mis à débiter un flot de paroles qui, pour Raoul, étaient du chinois et le restait. D’autant que son vocabulaire, très limité, se concentre sur les nombres, les heures, les jours.Dans le bus qui conduit les Piche de Macao à Canton, Raoul jubile parce qu’il vient de saisir trois mots dans le feuilleton diffusé sur le moniteur TV : 18,19 et 20 ! 18, 19, 20 se rapportant à quoi, ça il l’ignore.

Rose lui fait remarquer qu’il sera difficile de conduire une conversation à coups de chiffres et d’heures.

- 4, 7, 8. 12 h 15, 20 h 30 !

- Peut-être avec des joueurs de loto ? suggère Raoul.

Pour les Piche, Canton constitue le véritable début du voyage en Chine continentale. Fini l’anglais de Hong-Kong, encore assez largement parlé à Macao. Il faut pouvoir communiquer en chinois dans diverses situations. Pour cela les Piche recourent à divers artifices. En arrivant à Canton (Guangzhou) ils se font conduire en taxi à leur hôtel en montrant, sur un plan, le nom de la rue écrit en chinois. Lorsqu’ils prennent le métro dans Canton ils apprennent à lire le nom des stations en caractères chinois en usant de moyens mnémotechniques.

Pour eux, le nom de la station proche de leur hôtel s’écrit de la façon suivante : des siamois et un sextant. Celle où ils se rendent ensuite c’est : “un diplômé anglais (le truc plat sur la tête), un carré ouvert en bas, un carré fermé”.

Le nom des villes est indispensable pour prendre les bus et lire les panneaux d’affichage (les heures s’affichent comme en occident).

Ainsi, les Piche savent parfaitement identifier les noms de Guangzhou (Canton) = la lettre grecque gamma, trois petits bonhommes ; Guilin = une danseuse, un sapin, deux danseuses ; Yangshuo = la lettre grecque béta, une armoire, un sapin, une petite armoire ; etc.

Chaque jour leur vocabulaire s’enrichit. Pour ne pas commettre d’impair mieux vaut reconnaître les symboles “homme” et “femme” sur les portes des toilettes. Pour “femme” Rose a trouvé une symbolique… inavouable et pour “homme”, Raoul voit un homme qui court avec en guise de tête, une fenêtre !

A l’oral les choses sont plus compliquées surtout lorsque leur interlocuteur s’escrime à indiquer un prix en anglais avec un accent tellement incompréhensible que Raoul ne saisit pas ce chinois là. Mais l’infranchissable c’est WindowsXP dans les cyber cafés. Si les pictogrammes sont les mêmes que dans les versions occidentales, cela se gâte franchement avec les menus déroulants.

Mais le pire du pire, c’est la propension qu’ont les PC Chinois (pas LE PC chinois, rien de politique dans cette remarque) à transformer les caractères accentués français en caractères chinois. On taira les ruses employées pour tourner cette difficulté. Elles ne fonctionnent pas toujours et Raoul n’est pas loin de penser “après tout, pourquoi ne pas envoyer des textes avec des caractères chinois en laissant à chacun le soin d’en interpréter la poésie”.

Cela pourrait conduire à lecture suivante : “Nous sommes all(petite porte avec un sapin)s manger dans un restaurant tr(montagne de perles)s pris(petite porte avec un sapin). Les g(pagode, armoire à tiroir)teaux pris au dessert sont excellents bien qu’un peu trop sucr(petite porte avec un sapin)s.

A bient(épis de maïs, petit bonhomme bras écartés)t.

PS : “Si vous ne voulez pas qu’on le sache, mieux vaut encore ne pas le faire”, proverbe chinois.

“Vous reprendrez bien un peu de scorpion ?”

Jeudi 9 mars 2006

Canton, 9 mars 2006

“A Canton tout se mange, sauf les avions et les bateaux” dit le proverbe.

C’est vrai. Ce matin, Mme Piche s’est rendue au marché. Elle a d’abord dédaigné les milliers de scorpions grouillants sur une pièce de tissu posée à même le trottoir. Trop petits. Elle s’est ensuite dirigée vers les hippocampes séchés. Les grands, longs, lui plaisaient lorsque son regard s’est porté sur une bassine de mouches vertes de belle taille qui l’ont encore plus séduite.

A côté une autre bassine remplie à ras bords de blattes de moyenne grosseur l’ont laissée de marbre, surtout à 10 yuans la livre. Tout augmente. Les grosses souris séchées ne lui disaient rien non plus. Mme Piche est ainsi, elle a ses préférences. Par contre, elle a fort apprécié le fagot de serpents séchés qui pourrait aisément lui faire plusieurs jours. Ici des tortues vivantes approchant le kilo retiennent son attention.

Oh! surprise, juste à côté d’elles, de gros et magnifiques scorpions noirs très vivaces l’attirent bien plus que les misérables insectes vus à l’entrée du marché. Percevant son intérêt, le marchand en saisit deux par la queue et les soulève sous son nez. Rose Piche apprécie.

Ah! mais voilà qu’un étal de scolopendres propose de belles bêtes, le corps bordé d’une myriade de pattes, qui se tortillent vigoureusement en grimpant les unes sur les autres. Un met de choix. Devant tant de beaux produits, Rose hésite, elle n’arrive pas à se déterminer. Raoul pressentant que cela va se terminer au restaurant, prend les devants.

- Si nous allions déjeuner chez Hong Xing ?

- Oui, pourquoi pas, il est tard et je n’ai pas trop envie de cuisiner.

Au restaurant, Raoul a l’impression de se retrouver au marché ici aussi les produits sont de première fraîcheur et pour cause : tous sont vivants et choisis par les convives dans leurs viviers. Les serpents se dressent, glissant les uns sur les autres, des dizaines d’espèces de poissons disposent chacune de leurs bacs, pareillement pour la multitude de coquillages, depuis les petits couteaux (moitié en taille des méditerranéens) jusqu’aux énormes abalones en passant par les crabes et les langoustes.

Raoul opte pour ce qui lui semble être une bouillabaisse parce que sur la photo du menu il aperçoit de belles têtes au doux regard de pagre rose.

Mauvaise pioche. Il s’agit d’une soupe de têtes de poissons, uniquement de têtes. Après la peau craquante de poisson à Hong Kong, la soupe de tête de poisson à Canton ! Raoul fulmine. “Tant de bonnes choses et je choisis un truc où finalement il n’y a rien à manger”!

Pendant ce temps, Rose se régale d’un délicieux plat de crevettes grillées.

Mauvais joueur, Raoul lance à Rose :

- Au fait, ce superbe chat blanc avec ses yeux d’un bleu incroyable que l’on a vu au marché tu ne crois pas qu’on pourrait l’acheter ?

- Tu as deviné qu’il me plaisait.

- Il doit être craquant… en ragoût .

- Salaud !

PS  Proverbe Bouddhiste “Si on regarde dans la bonne direction, on n’a qu’à continuer à avancer”.

Le règne du luxe

Samedi 4 mars 2006

Hong Kong, 4 mars 2006

Rose palpe délicatement les pétales de l’orchidée et s”exclame “c’est incroyable, elles sont vraies !”

- Et alors ? pourquoi tu trouves cela incroyable ?, s’étonne Raoul pataud.

- Tu en as déjà vu des orchidées le long des trottoirs dans des jarres municipales ?

- On voit bien des géraniums et des pensées chez nous.

- C’est ça, c’est ça. Toi et les fleurs …

Parmi les étrangetés de Hong Kong, Raoul est plus fort pour ce qui concerne la nourriture. Ainsi, il a trouvé moyen de se régaler avec un plat de peau de poisson craquante (garantie sans arrête ni chair de poisson, la peau, uniquement la peau). Quant au jus d’oranges pressées dégusté sur la petite île de Peng Chau, il tire son originalité de ses fruits venus de Californie. La mondialisation au fond des verres.

Dans un autre registre une spécialité plus locale fascine Raoul, il s’agit des échafaudages de bambous qui s’élèvent sur plusieurs dizaines d’étages le long des façades de béton. Un matériau léger, rigide et résistant issu de la technologie de la nature.

Très couleur locale également, les sampans habités du port d’Aberdeen à l’instar des péniches parisiennes.

Depuis cinq jours qu’ils découvrent Hong Kong, les Piche ne cessent de s’interroger sur le nombre incroyablement élevé des boutiques de luxe et sur la qualité de leurs agencements. Elles donnent le sentiment que les coeurs commerciaux de villes comme San Francisco ou Paris relèvent du commerce de sous-préfecture. Une première réponse à leur interrogation leur a été donnée à Kowloon lorsqu’ils ont constaté que les passerelles de débarquement des grands bateaux de croisière débouchaient directement dans la galerie marchande “Harbour city” forte de 700 de ces boutiques. La seconde réponse est venue de la lecture du “South China Morning Post”, elle leur a révélé que Hong Kong était la première destination de shoping des riches chinois continentaux lesquels se comptent désormais par millions.

Heureusement, il est facile d’échapper à cet univers d’acier brossé, de verre, de marbre et d’argent. Ce dont les Piche ne se privent pas. A une demi heure des grattes ciel par bateau, ils ont pu gagner des petites îles avec des villages aux ruelles étroites, des terrasses de café, des plages désertes, des maisons d’un seul étage et même des fermes biologiques.

Pour les Hong Kongais qui souhaitent un dépaysement plus total, la compagnie maritime “Star Pisces” propose des croisières de deux jours en direction de… nulle part ! Le navire met cap au large vers la haute mer puis il fait demi tour. Durant ce temps, les voyageurs vivent en un lieu extraordinaire pour eux. Un lieu totalement plat.

PS “Frappe ta tête contre une cruche. Si tu obtiens un son creux n’en déduit pas que c’est forcément la cruche qui est vide”. Proverbe chinois.

Hong Kong, objet urbain non identifié !

Mercredi 1 mars 2006

Hong Kong, 1 mars 2006

Dés leurs premiers pas sur cet étrange territoire, Hong Kong apparaît à Rose et Raoul Piche comme un Objet Urbain Non Identifié (OUNI).

Des forêts de crayons sont plantés dans le sol, en dégradé, du bas jusqu’au sommet des collines. ce sont les habitations des Hong Kongais. Des immeubles étroits de 30 à 40 étages aussi serrés les uns contre les autres que des voyageurs dans le métro aux heures de pointe. Aucune fioriture architecturale. La répétition du motif des fenêtres constitue la seule animation de ces surfaces lancées vers le ciel.

Au coeur de la ville, sur l’île même de Hong Kong, dans le quartier des affaires, les crayons sont de verre et de miroir immaculés. Un rappel du quartier de la Défense à Paris mais cent fois plus étendu, allongé en bordure de la mer de Chine. Les Chinois ayant toutes les audaces, à la nuit tombée, ces édifices portent les éclairages les plus variés en genre et en couleur transformant la façade maritime de la cité en spectacle kitch extraordinaire.

Rose et Raoul ont trouvé refuge dans une pension de famille sise au 14ème étage d’un immeuble du centre ville. Leur chambre est à l’image du territoire, on y trouve tout, agencé de façon parfaite en un espace minimal. Dans neuf petits mètres carrés, ils disposent de deux lits, d’un placard, d’un lavabo, d’une douche, d’un WC, de la télévision et de l’air conditionné. Le tout propre et entretenu. Une propreté helvétique qu’ils retrouvent dans les rues, les transports, les restaurants, les commerces.

Rien de vraiment surprenant au vu du luxe affiché au coeur de la ville. Les boutiques des marques les plus prestigieuses pullulent ainsi que les immenses galeries commerciales haut de gamme. Il est vrai que les Hong Kongais ont un look CSP Plus, voire CSP Plus Plus qui donne à Rose et Raoul Piche avec leurs petits sacs à dos et leur accoutrement Kiabi-habille-à-petit-prix un sentiment CSP Minus. Sur les passages piétons ils affrontent bravement les Mercédès, Lexus et contournent dédaigneusement les Rolls et autres Ferrari. Du moins lorsqu’ils marchent au même niveau que ces bolides car le plus souvent les piétons disposent de leurs propres voies, à hauteur d’un étage, qui courent d’un bâtiment à l’autre en les traversant.

Pour aller de Kowloon à l’île de Hong Kong, les deux moitiés de la ville de Hong Kong séparées par un bras de mer, Rose et Raoul Piche empruntent au choix le bateau, le métro, le bus, le taxi. Sans doute existe-t-il aussi une liaison par hélicoptère ou par OVNI qu’ils n’ont pas encore trouvée mais cela ne les surprendrait pas, tant ils sont acquis à l’idée qu’à Hong Kong rien n’est comme nulle par ailleurs.

PS “Le matin pluie et boue, le soir vent et poussière, demain chaud, voilà comme on voyage, même sans sortir de chez soi.” Proverbe chinois.