Emeï Shan, sacrée montagne sacrée

Emei, 7 avril 2006

Le visage grimaçant, la démarche pesante tels des cavaliers fourbus venant de traverser le Texas, les Piche peinent à monter les quelques marches qui les conduisent à leur chambre.

C’est que des marches ils viennent d’en voir comme jamais dans leur vie.

Et, s’ils n’ont pas traversé le Texas, ils viennent tout de même de descendre le Mont Emaï (Emaï Shan, 3100 m) par un chemin exclusivement constitué de marches. Des dizaines de milliers de marches, inégales en hauteur comme en largeur, ne permettant souvent de ne poser que le talon. 70 000 selon une estimation de Raoul qui recoupe d’autres sources. Il aura fallu 10 heures aux Piche, réparties en deux jours pour descendre ainsi 2600 mètres de dénivelé.

Site classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le mont Emaï est singulier à bien des égards.

Son climat de “pluie, de brume, de brouillard, d’humidité et d’un peu de soleil” n’est pas la moindre de ses caractéristiques. Autant dire qu’il faut un peu de chance pour profiter des vues extraordinaires qu’il recèle. Les Piche n’ont pas été trop mal servis. En dépit de brumes tenaces mais mouvantes, ils ont pu découvrir de fabuleux panoramas. D’autres n’ont pas eu cette chance.

Emaï Shan est formé d’aiguilles rocheuses recouvertes de cèdres, de pins, de rhododendrons, d’azalées, de fougères etc.

Sur ces élancements sont bâtis une douzaine de temples et de monastères reliés entre eux par un réseau de chemins formés de ces milliers de marches.

Jamais les Piche n’avaient vu un tel paysage avec des précipices vertigineux qui se perdent dans la brume et des pics si hauts qu’ils percent les nuages.

Après avoir gagné le sommet en bus, puis en téléphérique, Rose et Raoul ont entrepris de parcourir les 26 km de descente en début d’après midi. Après une heure sur des marches incroyablement pentues, ils croisent des jeunes chinois qui, eux, montent. Les jeunes filles essoufflées affichent un visage effaré, suppliant pour que le supplice cesse après le prochain virage. Cela fait rire Rose, ravie de descendre au lieu de monter. Mais après plusieurs heures de ce régime, elle ne rit plus pensant que trop c’est trop, même en descente ! Lorsqu’en fin d’après-midi, le tonnerre gronde, Rose et Raoul décident que le petit temple auquel ils arrivent fera une excellente halte pour la nuit.

Un moine leur attribue une chambre on ne peut plus rustique pour le prix d’un palace à Kunming.

Qu’importe, le havre leur paraît délicieux. Le lendemain, les deux pèlerins reprennent leur escalier de descente et plaignent de plus en plus les rares personnes qu’ils croisent à la montée.

A partir d’une certaine altitude, ils rencontrent les habitants naturels du lieu, des singes plutôt costauds, pas toujours sympathiques. Face à l’un d’eux qui montre les dents en grognant, les Piche appliquent la technique préconisée, montrer un caillou dans une main et un bâton dans l’autre. Message reçu. le primate s’éloigne dans la montagne.

Plus tard, ils croisent un autre animal qui serre les marches sur sa gauche tandis que Rose serre la droite, les deux échangent un regard lourd de méfiance réciproque.

Montagne sacrée du Bouddhisme, Emaï Shan se prête aux prières et aux voeux de toutes sortes. Raoul en formule deux.

Le premier, dans la cabine du téléphérique alors qu’il a pour seule vision deux mètres de câbles se perdant dans le blanc des nuages, “au sommet, si on voit le soleil, je me convertis au Bouddhisme”. Parvenu au plus haut, le soleil se montre de manière très furtive. Trop pour mériter une conversion.

Second voeux : au moment de descendre, un vieux chinois très digne, au port altier se dirige vers Raoul et le salue chaleureusement dans un anglais parfait. La conversation s’engage avec lui et sa famille. Il s’agit de Chinois-américains de San Diego. Rose et Raoul apprennent que le vieux monsieur qui se déplace de façon alerte est âgé de ….95 ans !! Cela suscite l’enthousiasme de Raoul qui fait le serment devant cet homme de revenir au mont Emaï au même âge que lui, s’il est aussi en forme que lui.

Et ce voeux là, Raoul entend bien le tenir… si Bouddha le veut bien.

PS “Ne parlez jamais de vous, ni en bien car on ne vous croirait pas, ni en mal car on ne vous croirait que trop”. Confucius.

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