Archive pour la catégorie ‘Chili’

Histoire de cuivre et de dictature

Mercredi 21 février 2007

Chuquicamata, 21, février 2007

Rose plus petite qu'une roue de camion...

Rose et une roue de camion...

De là où Rose et Raoul Piche le voient, ce lieu ressemble à une arène ovale comme celle de Nîmes. Mais ses dimensions sont giantesques puisqu’elle mesure 5 km de long sur 3 km de large et que la “piste” se trouve 900 mètres en contrebas des plus hauts “gradins”.

La pièce qui se joue au fond de cet immense trou, 365 jours par an, 24h/24h, est toujours la même : une pelle mécanique géante arrache d’un seul coup de patte 120 tonnes de minerai de cuivre qu’elle s’empresse de déverser dans la benne d’un camion de taille démentielle.

Cette “arène” n’est autre que la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde et répond au doux nom de Chuquicamata.

Une fois lestés de 170 tonnes de chargement, les camions montent à une vitesse d’escargot la faible pente qui leur permet de sortir du trou, pente qui donne au lieu ses allures de gradins. Ensuite, les véhicules géants livrent le minerai à l’usine située sur la hauteur, laquelle le transforme en plaques de cuivre pur à 99,99 %, exportées dans le monde entier, remplissant ainsi les caisses de l’Etat chilien de milliards de dollars.

- Tu te rends compte que le Chili détient presque 40% des ressources mondiales de cuivre ? interroge Rose forte d’une fraîche érudition.

- Tu parles d’une chance ! A cause du cuivre, les Chiliens ont vécu le jour le plus noir de leur histoire, le 11 septembre…

- Non, l’interrompt Rose, le 11 septembre c’est New York, 2700 morts…

- Pas du tout, il y a eu beaucoup plus de disparus que cela, tous des Chiliens, après le 11 septembre 1973, date du coup d’Etat de Pinochet. Mais effectivement, les Etats-Unis étaient directement concernés par ce premier 11 septembre… comme acteur cette fois-ci. Sans leur volonté de conserver le contrôle du cuivre chilien, l’Histoire se serait écrite différemment.

Dissertant ainsi sur la marche du monde, perchés en haut de la mine de Chuquicamata, les Piche contemplent le ballet des hallucinants poids lourds tout en songeant que demain ils seront à Iquique au bord du Pacifique.

Là, ils vont compléter leur connaissance de l’histoire du Chili en apprenant que toute cette région englobant Chuquicamata appartenait auparavant à la Bolivie.

- Tu te rends compte de la chance qu’ont eu les Boliviens de se faire piquer ce trésor ! lance Rose, ironique. Ils ont échappé à 17 ans de dictature !

- Pas vraiment, relève Raoul. Les malheureux Boliviens ont eu la dictature sans avoir le cuivre.

Parce que pour fabriquer des dictateurs sous ces latitudes tout était bon, la banane, le bois, le latex, le gaz, le pétrole…

Qu’importe pourvu que cela se transforme en dollars.

- Mais ces temps sont révolus, non ? Bush qui débarque ce matin au Brésil est plutôt grognon. Tous les pays d’Amérique du sud sont dirigés par la gauche, sauf la Colombie et la Paraguay.

- Peut être…

Contrariétés et agacements en voyage

Samedi 5 mars 2005

Valparaiso, 2 mars 2005

Pour les Piche le voyage ce sont les rencontres, les découvertes, les imprévus mais aussi les petites contrariétés, les agacements.

Parmi eux :

- les réveils à 5h et demi du matin pour prendre le bus de 7h.

- Les voisins de chambre qui se lèvent à 5h et demi du matin pour prendre le bus de 7h le jour où les Piche ne le prennent pas.

- Les bébés qui pleurent et sont juste sur le siège de devant ou juste sur celui de derrière, alors que le voyage doit durer 11 heures (heureusement les bébés pleurent rarement 11 heures).

- Les bus complets qui obligent à passer deux jours dans un bourg sans intérêt.

- Les interpellations directes en anglais (Raoul dans son castillan le plus pur (!!), “pourquoi me parlez vous en anglais, je n’ai pas dit un mot !”  et, horreur, s’entendre répondre “parce que vous avez l’air américain” !)

- Les fausses informations qui conduisent les Piche à pédaler 15 km sur du gravier avec des vélos de 50 kg sans dérailleur, contre un vent fort et à franchir deux fois la frontière Argentine-Chili pour découvrir que le bureau qu’on leur a indiqué pour prendre leurs billets de bateau est fermé… et qu’il suffit de se présenter à l’embarquement le jour du départ.

- Le catamaran d’Aisen à Chiloé en panne pour une semaine. précisément la semaine où les Piche devaient le prendre (ce n’est pas le même qu’au paragraphe précédent, les Piche prennent beaucoup le bateau… Enfin lorsque les bateaux veulent bien des Piche)

- La panne du ferry qui devait remplacer le catamaran en panne (pour le savoir les Piche ont dû parcourir 400 Km de piste en 13 heures puis attendre deux jours le remplaçant du remplaçant du catamaran. Pas marrant.)

- Les viandes grillées argentines. Excellentes la première semaine, savoureuses la seconde, délicieuses la troisième, succulentes la quatrième brusquement inappétissantes la cinquième. Vive les lasagnes !!

- Les pays sans réelle tradition culinaire. “Autrement dit tous, sauf ceux d’Asie et d’Europe, précise Raoul” qui inclut froidement leMaghreb, le Liban et le Mexique dans l’Europe.

- Les pays colonisés par le Nescafé en poudre alors qu’ils sont producteurs ou voisins de pays producteurs de café.

- Les chiens errants qui aboient la nuit

- Les chiens des propriétaires des auberges où logent les Piche. Un chien finit toujours par aboyer. De préférence en pleine nuit.

- Les coqs qui se prennent pour Caruso avant le lever du soleil.

- Les chauffards. Autrement dit, pratiquement tous les conducteurs d’Amérique latine, à l’exception notable, pour les Piche, des chauffeurs de bus longue distance en Argentine, au Chili, au Brésil et au Mexique.

- La télévision et la musique dans les restaurants, les cafés et les autobus (au Chili une loi affichée partout précise que si un seul passager s’oppose à la diffusion de musique celle-ci doit cesser).

- L’affichage ostensible des croyances religieuses dans les bus, les taxis, les auberges, les restaurants… Les personnes qui s’en remettent à Dieu pour accomplir leur métier inquiètent les Piche. Ils préfèrent celles qui comptent sur leur professionnalisme (les petites croix le long des routes sur les lieux des accidents montrent d’ailleurs que la première méthode manque d’efficacité…)

- Les WC qui ne ferment pas. En Argentine le bas des portes des wc publics est noirci par les semelles de ceux qui tentent de s’opposer aux intrus.

-  Les cybercafés qui mettent dix minutes pour ne pas parvenir à afficher un e-mail

- Le soleil lorsqu’il brûle la peau (au sud du Chili la couche d’ozone est devenue si mince que des indicateurs d’indice UV, lorsqu’ils sont au rouge, informent les passants qu’ils vont griller en dix minutes).

Heureusement tous ces agacements ne sont que des agacements.

Ils seraient vite oubliés si Raoul n’en gardait une trace sur son petit carnet. Ils ne pèsent guère au regard des plaisirs du voyage.

D’autant moins en Argentine ou tout s’efface devant la gentillesse et les sourires des Argentins (”et s’ils ne sont pas sympas c’est que ce sont des Chiliens” ajoute méchamment Rose).

“Ne te prive pas d’être heureux”, Pablo Neruda

Vendredi 4 mars 2005

Valparaiso, 4 mars 2005

A Valparaiso, les Piche ont rendu visite à Pablo Neruda.

“La Sebastiana”, sa maison, offre depuis le bureau, le salon et le lit (!!) une vue panoramique sur la ville, sa baie et les navires au mouillage.

Une demeure de rêve pour amoureux de la mer et des voyages.

Claire (merci Claire !) a adressé aux Piche un poème de Pablo Neruda qui leur parle tellement que, depuis Valparaiso, ils souhaitent aujourd’hui le partager avec tous.

Le voici en français et en espagnol :

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés.
Vis maintenant!
Risque-toi aujourd’hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d’être heureux!

Pablo Neruda

Muere lentamente quien no viaja, quien no lee,
quien no oye música,
quien no encuentra gracia en sí mismo.
Muere lentamente
quien destruye su amor própio,
quien no se deja ayudar.
Muere lentamente
quien se transforma en esclavo del hábito
repitiendo todos los días los mismos trayectos,
quien no cambia de marca,
no se atreve a cambiar el color de su  vestimenta
o bien no conversa con quien no conoce.
Muere lentamente
quien evita una pasión y su remolino de emociones,
justamente éstas que regresan el brillo a los ojos
y  restauran los corazones destrozados.
Muere lentamente
quien no gira el volante cuando está infeliz con su trabajo, o su amor,
quien no arriesga lo cierto ni lo incierto para ir atrás de un sueño
quien no se permite, ni siquiera una vez en su vida,
huir de los consejos sensatos…
¡ Vive hoy !
¡ Arriesga hoy !
¡ Hazlo hoy !

¡ No te dejes morir lentamente !

¡ No te impidas ser feliz !

La carretera austral, un must chaotique

Dimanche 20 février 2005

Bariloche, 20 février 2005

En traversant le lac Buenos Aires (pour les Argentins), Général Carrera (pour les Chiliens), les Piche n’ont pas seulement franchi la frontière de l’Argentine vers le Chili mais aussi celle de deux régions radicalement opposées par leur climat et leur végétation.

Après des centaines et des centaines de kilomètres de pampa si rase que les propriétaires ne placent même plus de cloture, Rose et Raoul sont parvenus à la capitale de la cerise où l’on cultive également des framboises et des fraises (hummm), c’est dire le changement !

Ils ont poursuivi leur route vers le nord du Chili en remontant la moitié de la “carretera austral”, une piste de 1000 km qui traverse d’impénétrables forêts d’alerces (arbres millénaires au bois imputrécible), enjambe torrents sur torrents, franchit fleuves après fleuves, longe une multitude de lacs, s’approche de quelques glaciers, monte, descend, tourne, se retrécit avant de s’élargir à nouveau.

Commencée il y a vingt ans, la carretera austral n’est pas terminée.

On y croise de nombreuses équipes de travaux publics qui progressent avec difficulté dans ce milieu hostile. Dur, dur pour le dos des Piche car les petits bus qui, seuls, peuvent emprunter cette piste sont aussi fatiguants que leurs amortisseurs sont fatigués. Mais quel spectacle ! Quelles vues au détour de chaque virage !

Treize heures de chaos, treize heures de pur bonheur pour les yeux.

Courte traversée sur le Pacifique pour atteindre Chiloé, une île dure à vivre mais douce pour les Piche qui n’ont reçu qu’un peu de pluie sous un ciel presque toujours couvert alors qu’ici qu’il tombe 4 mètres d’eau par an !

Le vent, la pluie, le froid, les tempêtes ont fait des Chilotes des habitants endurcis. Les légendes et les traditions y sont vivaces.

Patrie de la pomme de terre, présente dans tous les plats, Chiloé produit également les centaines de milliers de tonnes de saumons exportés par le Chili. Véritable catastrophe écologique pour les innombrables baies fermées où sont établies les fermes d’élevage, l’industrie du saumon a également provoqué des bouleversements socio-économiques, les paysans et les pêcheurs délaissant leurs activités au profit des usines de traitement du saumon.

Rose et Raoul Piche ont eu la chance durant quatre jours d’être guidés dans leur découverte de Chiloé par Eugénia qui y est né et y a passé son enfance avant de devoir émigrer vers Paris à cause d’un général assassin.

Eugénia leur a raconté les arbres du Tepual (la forêt inextricable du parc national de Chiloé), les bateaux, la pêche, les légendes (ah! celle du Trauco qui engrosse les femmes de marins pendant leur absence assurant ainsi la paix des ménages car bien sûr le Trauco existe, alors que le voisin…), elle leur a fait goûter des baies et des plats locaux dont le “curanto” le plat chilote par excellence (une recette qui mélange allégrement, fruits de mer, pomme de terre, saucisse et porc), les “chorros zapatos” (énormes moules), elle leur a détaillé les maisons de bois aux façades colorées en tuiles d’alerces, les églises toutes de bois également, les maisons sur pilotis (”palafitos”) et Francisco Coloanne conteur de la Terre de feu dont Raoul s’échine à décripter les récits en castillan dans le texte.

Bref, Eugénia leur a fait revivre le Chiloé d’hier et découvrir avec quelque amertume celui d’aujourd’hui.

Un peu de bus, un peu de bateau vers le nord et les Piche se sont retrouvés… en Bavière.

Finies les forêts impénétrables. La région des lacs au dessus de Puerto Montt (Chili) colonisée par les Allemands au début du siècle est toute d’ordre, de propreté, de vertes prairies, de lacs, de vaches grasses, de caractères gothiques et de club “alemana” (avec en prime un superbe volcan au sommet enneigé).

Un peu de bus vers l’est et les Piche arrivent… en Suisse à Bariloche (Argentine).

Une ville créée par des colons suisses oû l’on trouve les meilleurs chocolats d’Amérique dans de spendides boutiques, des chalets de bois et de luxueuses villas perdues dans la verdure au bord du splendide lac Nahuel Huapi. Seules manquent les banques, les vraies, les suisses pur secret bancaire. Mais c’est bien dans leurs coffres que repose l’argent des riches propriétaires de Bariloche. Tout est en ordre !

Bientôt, les Piche monteront vers la route des vins pour déguster cabernet, malbec et autres cépages des vignobles français.

Très dépaysante l’Europe d’Amérique du sud sous le soleil de l’été austral…

Pelle et pioche sont nécessaires pour préparer un bon Curanto

Dimanche 13 février 2005

Chonchi, île de Chiloé 13 février 2005

- Prendre une pelle, une pioche et un terrain herbeux plat
- Creuser un trou évasé d’un mètre cinquante de diamètre et de cinquante centimètres de profondeur
- Tapisser le trou de galets ronds
- Disposer sur les galets suffisamment de bois pour obtenir un épais lit de braises
- Faire un feu d’enfer
- Retirer les braises lorsque les pierres sont brûlantes
- Verser 30 Kg de grosses moules sur les pierres et placer dessus du porc fumé, des saucisses, des pommes de terre
- Couvrir le tout de feuilles de nalcas (à défaut n’importe quelle feuille d’un mètre dix de long et de quatre vingt centimètres de large ayant de la saveur conviendra)
- Déposer sur les feuilles de nalcas (ou équivalent) les galettes de milcao que vous aurez préparées à l’avance (pommes de terre crues, râpées, pressées, mélangées avec des pommes de terres cuites, de la graisse de porc et des fritons)
- Couvrir le tout de feuilles de nalcas (ou équivalent)
- Disposer une seconde couche de galettes de milcao
- Couvrir le tout de feuilles de nalcas (ou équivalent)
- Couvrir ces feuilles avec les plaques d’herbes et de terre qui ont été enlevées lors de la création du trou afin de bien étouffer l’ensemble
- Laisser mijoter une heure et demie
Enlevez les différentes couches et servez pêle-mêle dans chaque assiette moules, porc fumé, saucisses, milcao, pommes de terre aux nombreux amis venus déguster sur le gazon de votre jardin un excellent “curanto”, le plat emblématique de l’île de Chiloé.
Un recette toute simple dont les Piche ont suivi l’exécution du début à la fin lors de la fête villageoise de Chonchi. Ils ont partagé ce curanto avec une centaine de convives et ont beaucoup aimé.