La carretera austral, un must chaotique

Bariloche, 20 février 2005

En traversant le lac Buenos Aires (pour les Argentins), Général Carrera (pour les Chiliens), les Piche n’ont pas seulement franchi la frontière de l’Argentine vers le Chili mais aussi celle de deux régions radicalement opposées par leur climat et leur végétation.

Après des centaines et des centaines de kilomètres de pampa si rase que les propriétaires ne placent même plus de cloture, Rose et Raoul sont parvenus à la capitale de la cerise où l’on cultive également des framboises et des fraises (hummm), c’est dire le changement !

Ils ont poursuivi leur route vers le nord du Chili en remontant la moitié de la “carretera austral”, une piste de 1000 km qui traverse d’impénétrables forêts d’alerces (arbres millénaires au bois imputrécible), enjambe torrents sur torrents, franchit fleuves après fleuves, longe une multitude de lacs, s’approche de quelques glaciers, monte, descend, tourne, se retrécit avant de s’élargir à nouveau.

Commencée il y a vingt ans, la carretera austral n’est pas terminée.

On y croise de nombreuses équipes de travaux publics qui progressent avec difficulté dans ce milieu hostile. Dur, dur pour le dos des Piche car les petits bus qui, seuls, peuvent emprunter cette piste sont aussi fatiguants que leurs amortisseurs sont fatigués. Mais quel spectacle ! Quelles vues au détour de chaque virage !

Treize heures de chaos, treize heures de pur bonheur pour les yeux.

Courte traversée sur le Pacifique pour atteindre Chiloé, une île dure à vivre mais douce pour les Piche qui n’ont reçu qu’un peu de pluie sous un ciel presque toujours couvert alors qu’ici qu’il tombe 4 mètres d’eau par an !

Le vent, la pluie, le froid, les tempêtes ont fait des Chilotes des habitants endurcis. Les légendes et les traditions y sont vivaces.

Patrie de la pomme de terre, présente dans tous les plats, Chiloé produit également les centaines de milliers de tonnes de saumons exportés par le Chili. Véritable catastrophe écologique pour les innombrables baies fermées où sont établies les fermes d’élevage, l’industrie du saumon a également provoqué des bouleversements socio-économiques, les paysans et les pêcheurs délaissant leurs activités au profit des usines de traitement du saumon.

Rose et Raoul Piche ont eu la chance durant quatre jours d’être guidés dans leur découverte de Chiloé par Eugénia qui y est né et y a passé son enfance avant de devoir émigrer vers Paris à cause d’un général assassin.

Eugénia leur a raconté les arbres du Tepual (la forêt inextricable du parc national de Chiloé), les bateaux, la pêche, les légendes (ah! celle du Trauco qui engrosse les femmes de marins pendant leur absence assurant ainsi la paix des ménages car bien sûr le Trauco existe, alors que le voisin…), elle leur a fait goûter des baies et des plats locaux dont le “curanto” le plat chilote par excellence (une recette qui mélange allégrement, fruits de mer, pomme de terre, saucisse et porc), les “chorros zapatos” (énormes moules), elle leur a détaillé les maisons de bois aux façades colorées en tuiles d’alerces, les églises toutes de bois également, les maisons sur pilotis (”palafitos”) et Francisco Coloanne conteur de la Terre de feu dont Raoul s’échine à décripter les récits en castillan dans le texte.

Bref, Eugénia leur a fait revivre le Chiloé d’hier et découvrir avec quelque amertume celui d’aujourd’hui.

Un peu de bus, un peu de bateau vers le nord et les Piche se sont retrouvés… en Bavière.

Finies les forêts impénétrables. La région des lacs au dessus de Puerto Montt (Chili) colonisée par les Allemands au début du siècle est toute d’ordre, de propreté, de vertes prairies, de lacs, de vaches grasses, de caractères gothiques et de club “alemana” (avec en prime un superbe volcan au sommet enneigé).

Un peu de bus vers l’est et les Piche arrivent… en Suisse à Bariloche (Argentine).

Une ville créée par des colons suisses oû l’on trouve les meilleurs chocolats d’Amérique dans de spendides boutiques, des chalets de bois et de luxueuses villas perdues dans la verdure au bord du splendide lac Nahuel Huapi. Seules manquent les banques, les vraies, les suisses pur secret bancaire. Mais c’est bien dans leurs coffres que repose l’argent des riches propriétaires de Bariloche. Tout est en ordre !

Bientôt, les Piche monteront vers la route des vins pour déguster cabernet, malbec et autres cépages des vignobles français.

Très dépaysante l’Europe d’Amérique du sud sous le soleil de l’été austral…

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