Archive pour la catégorie ‘Australie’

Soirée à l’opéra de Sydney

Vendredi 12 mars 2010

Soirée à l’opéra de Sydney pour les Piche qui viennent assister à la Traviata. Rose et Raoul garent leur voiture dans l’immense parking en sous-sol. C’est le moment choisi par Rose pour être prise d’une irrépressible envie. « Peux pas attendre » et de résoudre le problème entre deux portières ouvertes. La trace du forfait dévale le long de la pente, six étages plus bas.

En montant les marches du superbe bâtiment, Raoul réalise qu’il a oublié de mettre des chaussettes. Il espère que ses homologues masculins, blaser bleu, boutons dorés, chaussures noires immaculées qui se dirigent vers l’entrée ne vont pas trop le remarquer. En approchant des portes, la densité de tailleurs Chanel, sacs Hermès, talons aiguilles Prada, montres et bijoux 24 carats augmente. Rose, très digne dans son ensemble Kiabi-à-petit-prix, chaussures chinoises de Shenzen, montre Casio « water resist 15m » escalade les marches feignant d’ignorer les minuscules trous de cigarettes qui donnent un certain genre à son chemisier.

Raoul s’avance vers la caisse. Pour sortir la carte de crédit de sa poche ventrale, il déboutonne son pantalon et se déculotte presque. L’efficacité du kangourou, l’élégance en moins.

La soirée chic des Piche commence au Top !!!

Dans l’attente de l’ouverture de la salle, Rose et Raoul se retrouvent au foyer de l’opéra avec le Tout Sydney. Le lieu est sublime. En arc de cercle, totalement vitré, façon château de porte-conteneurs, il offre une vue unique sur la baie de Sydney à la nuit tombante. Un yacht à moteur de 25 mètres passe en toute discrétion, largement illuminé. Derrière lui, un voilier de type America Cup remonte au vent sous le fameux pont de la rade. Cap direct sur le foyer de l’opéra. A l’opposé, une réplique de vieux gréement, toutes voiles dehors, promène son lot de touristes. Dans le foyer, les bouchons de champagne sautent en rafales comme s’ils voulaient défendre le bâtiment contre les assauts des navires qui font route vers lui.

Une sonnerie discrète accompagnée d’un appel invite les spectateurs à gagner leurs places. Le spectacle est prévu à 19h 30. A 19h 30′ 01 ”, les lumières baissent, mille cinq cents personnes s’enfoncent dans un silence total, une larme de violon à peine perceptible s’élève de la fosse d’orchestre, le rideau se lève.

Très vite Violetta se révèle une cantatrice hors pair et c’est tant mieux car elle « tire » la Traviata de bout en bout. Alfredo, le ténor est un peu faible mais il se rattrape dans le 3 ème acte. Le père d’Alfredo est presque parfait. Au final, la troupe tient ses promesses et Rose apprécie la performance. Si ses habits ne sont pas les plus beaux, ni ses bijoux les plus brillants, en revanche elle partage avec peu de spectateurs présents le privilège de connaître le livret par coeur. « La Traviata », elle la fréquente depuis l’âge de 14 ans. Les débats sur la qualité des ténors agrémentaient les repas familiaux du dimanche.

Le rideau affalé, les Piche regagnent le parking. Hélas, dans l’urgence de l’arrivée ils n’ont pas noté l’emplacement de leur voiture. Ce parking « d’une conception totalement novatrice, unique au monde » est formé de deux pentes hélicoïdales emboîtées. Les Piche parcourent deux fois les six étages avant de comprendre qu’ils sont sur la mauvaise pente. Au sens propre. Ils finissent par retouver leur bien.

Dans la voiture qui les ramène vers leur banlieue sydnéenne, Rose n’en finit pas de commenter le jeu des artistes.

Elle est heureuse. Raoul aussi.

A bientôt.

Le monde entier s’est donné rendez-vous en Australie

Mercredi 10 mars 2010

En toute subjectivité, les Piche trouvent les Australiens chaleureux, aimables, affables, accueillants, bref tout à fait fréquentables. Ils sont décontractés et peu formalistes. Même dans les centre-ville les plus huppés la diversité vestimentaire est totale. Costumes cravates, shorts, mini jupes demi-prudes à pas prudes du tout, décolletés généreux, jupes droites et strictes, chaussures de ville, tongues, talons hauts et fins, pieds nus, tout est possible, tout est accepté, tout se côtoie en harmonie. Est-ce parce qu’on est en Océanie ? Nombreux sont les corps lourdement tatoués, enlaidissant des individus qui n’en ont pas forcément besoin.

En parlant avec les Australiens, les Piche découvrent que, contrairement aux Américains, ils voyagent et connaissent le monde. Rares sont les interlocuteurs des Piche qui ne leur parlent pas de leurs voyages en Europe. Nombreux sont également ceux qui précisent appartenir à une seconde génération d’immigrés voire qu’ils ont immigré eux-mêmes dans leur jeunesse. Ainsi, Rose et Raoul ont parlé avec des fils et filles (ou des natifs) d’Angleterre, d’Allemagne, d’Italie, du Portugal, du Danemark, de Pologne, de Suisse, d’Irlande, de Malaisie, de Thaïlande, d’Inde, du Pakistan, de France (de Montpellier !!). Bref, le monde entier semble s’être donné rendez-vous en Australie et fort heureux de s’y trouver. Pas l’once d’une nostalgie du pays d’origine dans les propos tenus aux Piche.

Si les Français ont la réputation (fausse évidemment…) de travailler peu, les Australiens les suivent de près. A 17h30, tout ferme et les villes se transforment en villes mortes. En revanche, le week end, tout le monde dehors ! Aires de pique-nique, campings, plages se remplissent.

Oui, le surf est vraiment le sport aquatique le plus populaire et de loin. Et pas seulement auprès des jeunes, les papys continuent longtemps eux aussi à glisser sur les vagues.

La réputation mondiale de courses au large telles que Sydney-Hobart ou Sydney-Southport ainsi que les exploits des régatiers australiens laissaient croire à Raoul que la voile était largement pratiquée ici. Faux. Certes, on voit des voiliers dans des mouillages sur des fleuves ou dans de rares petits ports de plaisance mais en faible nombre. L’inexistence quasi totale d’abris naturels le long des milliers de kilomètres de la côte australienne peut expliquer cela.

Plutôt sportifs, les Australiens souffrent cependant du mal des pays riches : obésité et surcharge pondérale gagnent les plus jeunes qui (hasard?) se retrouvent à consommer les Mac’ Cochonneries de la célèbre enseigne jaune et rouge. Une fois au moins, les Piche ont vu un restau de mal-bouffe-rapide annoncer la couleur : il s’appelait « Burp » !

Vengeance d’un corps naturellement mince ou sincère désolation, Rose ne cesse de s’affliger de voir autant de jeunes filles difformes continuer à s’empiffrer de graisse et de sucre dans les boutiques de gavage rapide. Une campagne nationale, assez peu visible, tente d’alerter sur ce sujet, manifestement sans grand succès.

Quant aux Aborigènes ce sont les grands absents. Sauf à Alice Springs et dans les expositions à vocations culturelles. La repentance vis à vis des Aborigènes est constante dans les musées et de nombreux témoignages audio-visuels, sans concession, d’Aborigènes de plus de 60 ans, montrent que les discriminations ne datent pas de l’arrivée de Cook mais se sont poursuivies jusque dans les années 60. Depuis les années 90, la situation plus complexe échappe aux investigations superficielles des Piche. Toutefois, une citation relevée au musée d’art moderne de Brisbane laisse entrevoir l’ampleur du qui pro quo : « Il n’existe pas une « vraie » Australie attendant d’être découverte. L’identité nationale est une invention ». Le pays de « personne » comme aimaient à le désigner les premiers colons ne l’était peut-être pas vraiment. Comme ailleurs « la terre sans peuple », pour un peuple sans terre…

Parfois, les belles formules servent à cacher des actions qui le sont moins.

A bientôt.

Alerte tsunami

Lundi 1 mars 2010

Dimanche 28 février 2010, Gold Coast (sud Brisbane), Australie : alerte tsunami ! Bigre, les images de Phuket et d’Indonésie viennent immédiatement à l’esprit des Piche paisiblement installés dans un camping en bord de plage sur la Gold Coast (sud Brisbane), Australie.

Il est 7h00, « la » vague est annoncée entre 8h30 et 9h00. Rose et Raoul déménagent pour se rendre dans la charmante bourgade voisine de Surfers Paradise et sa forêt d’immeubles de 30 à 60 étages, bâtie le long d’une interminable plage de sable. Là, les Piche trouvent un petit raidillon que la vague devrait avoir du mal à franchir. Lifeguard, policiers, agents de sécurité, hélicoptères, bateaux tout est mis en oeuvre pour empêcher les gens d’aller sur la plage, voire pour les faire sortir de l’eau lorsqu’ils y sont. Au grand dam d’un petit groupe de surfers qui comptait bien chevaucher la vague de leur (courte?) vie.

Les Piche s’installent au premier niveau d’un édifice des lifeguards dont le béton leur semble de bonne qualité. Le public s’amasse. Les yeux scrutent la mer. Les journalistes TV se font filmer face au large pour commenter le vide de l’océan. La pièce peut commencer. Mais la vedette se fait attendre. Sans doute épuisée par sa longue traversée depuis le Chili, elle a choisi de se reposer en route. Elle n’arrivera jamais sur la Gold Coast (sud Brisbane), Australie.

Rose et Raoul ont une pensée pour les Chiliens sans savoir, pour l’heure, les dégâts qu’ils ont pu subir mais certains qu’ils en ont assez que la plaque machin glisse sous la plaque truc en provoquant régulièrement des catastrophes chez eux.

A bientôt

Supplice de Tentale

Jeudi 25 février 2010

Pour les Piche l’Australie s’apparente au supplice de Tentale : ils auraient envie de profiter de certains lieux à portée de main mais ils le peuvent pas. Surtout après avoir quitté l’Outback et être parvenus dans le Queensland. La couleur passe du rouge au vert. De la végétation partout. Donc de l’eau. Beaucoup d’eau qui tombe du ciel. Rose et Raoul voulaient aller dans une petite bourgade dénommée Karumba à « Aligator point » dans la péninsule de Carpentrie sur la mer d’Arafura (ces noms à eux seuls ne sont-ils pas une invitation au voyage ?). Les personnes auxquelles ils parlent de leur projet les regardent bizarrement. Ils leur suggèrent « de vérifier si la route est ouverte », « mais c’est une grande route ! » s’insurge Raoul, « avec la pluie elle pourrait être fermée ». Bingo ! Si les Piche s’étaient engagés sans vérifier, ils auraient dû faire demi tour après 290 km (soit près de 600 km aller-retour pour rien), l’eau passait par dessus un pont. Merci du conseil !

La chaleur humide devient étouffante. Qu’à cela ne tienne, les voyageurs mettent cap sur Townsville où ils comptent bien piquer une tête dans l’océan. Ils trouvent une ville agréable, des plages immenses et … l’interdiction absolue de se baigner pour cause de méduses mortelles (Chironex ou méduse-boite), voire demi-mortelles (Irukandji et Portuguese man of war), de crocodiles de mer (très vifs, très voraces), le moindre mal étant les requins (repus ?). Sur trois km de plage le long de l’esplanade du centre de Townsville seul un petit carré de 50 m sur 50 m, protégé par des filets forme une pataugeoire pour les plus motivés. Visitant le centre d’étude de la grande barrière de corail, les Piche demandent jusqu’où il faut descendre vers le sud pour échapper aux bébêtes gélatineuses qui en veulent à leur retraite heureuse. « Au sud de Rockhampton vous pourrez vous baigner, ils n’y a plus de « stinger » (méduses boites) et vous n’auriez vraiment pas de chance si vous rencontriez une Irukandji ». Sous un véritable déluge, les Piche descendent « au sud de Rockhampton » à plusieurs centaines de km de Townsville. Ils arrivent à la ville de 1770 (seventeen seventy) ainsi dénommée car James Cook a débarqué là, cette année là. Direction la plage. Une pancarte y attend Rose et Raoul : « ATTENTON ! Requins, méduses tueuses, poissons scorpions, forts courants ! » Quel accueil. Les Piche n’en demandaient pas tant. Bon, allez, encore un peu de déluge, encore un peu de sud, encore un peu de centaines de km et ce sera Fraser Island, une île de sable de 100 km de long sur 20 de large, classée au patrimoine mondial. Parvenus avec un bus-camion 4×4 sur l’immense plage qui court tout au long de l’île, le guide chauffeur des Piche les prévient « n’envisagez pas un instant de vous baigner dans la mer, les courants y sont forts et les requins très présents ». Yeahh ! Par chance, Fraser Island dispose de lacs d’eau douce, cristallins et chauds comme lots de consolation. Une autre vedette de Fraser Island est le dingo, chien sauvage, mangeur de petits enfants (si, si l’histoire est vraie. Une mère a été condamnée pour l’assassinat de son bébé alors qu’il avait simplement servi de petit déjeuner à un dingo) mais bon, les Piche ne sont plus des gamins. Effectivement, ils verront un dingo, sorte de loup au corps svelte qui a tenté de barrer la route au 4×4. Il s’est fait mitrailler… de photos puis a regagné la forêt.

A force de mettre du sud dans le sud, le temps devient moins étouffant, la pluie moins forte et le paradis plus proche. A Noosa, station on ne peut plus balnéaire, la mer est claire, les gens se baignent un peu partout. Les Piche en font autant dans une eau à 24° et si Raoul aperçoit bien deux ou trois méduses mortes sur la plage c’est parce qu’il cherche la petite bête. Un « lifeguard » lui a assuré qu’ici il n’y avait pas de méduses-boites.

Vidange de la voiture suivi d’un avertissement du garagiste : « attention, vos pneus avant sont usés jusqu’à la toile côté intérieur, c’est un défaut de parallélisme ». Changement immédiat des pneus, correction du parallélisme et peur rétrospective.

Finalement, pour les Piche le danger n’était pas dans la mer mais sur la route. Comme ils ne le savaient pas, au lieu d’affronter les méduses ils ont affrontés les km. Les Piche sont parfois un peu koalas.

A bientôt.

Traversée de l’Outback

Lundi 22 février 2010

Temps fort du périple australien des Piche, la traversée de l’outback depuis Port Augusta dans l’Etat d’Australie du sud, à Conclurry dans l’Etat des territoires du nord, soit environ 4000 km de « désert ». Désert entre guillemets car la végétation y est constante sous forme de buissons, d’arbustes, parfois même d’arbres, voire de touffes d’herbe clairsemées sur un sol rouge. Hormis la couleur, cela évoque plus la pampa argentine, avec des plantes plus hautes, que les déserts de Tar, de Gobi ou le Sahara. Les animaux n’y sont pas rares même si ceux vus par Rose et Raoul Piche étaient plutôt à l’état de squelettes en bord de route après collision avec des véhicules et nettoyage par des oiseaux charognards. La route est un excellent garde manger. La route, parlons en. Il s’agit banalement d’une double voie pas très large, aux allures de bonne départementale. La vitesse autorisée est de 110 km/h ce dont ne se privent pas les Road Train, ces camions de 53 mètres de long, trois énormes remorques attelées et … 66 roues ! Rose et Raoul qui conduisent alternativement une heure chacun pour des étapes de 600 km à 700 km croisent en moyenne un de ces engins à chaque fois qu’ils tiennent le volant. Les voitures sont aussi peu fréquentes donnant aux Piche l’illusion d’être seuls au monde, les rois du macadam. Bien sûr, ils ont stocké une tonne d’eau, de la nourriture pour quinze jours et gavé le réservoir d’essence pour aller facilement d’une pompe à l’autre (distantes de plusieurs centaines de kilomètres) sans anxiété de la panne sèche.

Température extérieure 40° à l’ombre. Ici un panneau publicitaire annonce un établissement installé 480 km plus loin, là un de ces bars station-service que snobent les kangourous. Si désert il y a, il est surtout humain. Sur une surface plusieurs fois grande comme la France on ne compte guère plus de 40 000 habitants.

Finalement, au bout de la route d’étranges apparitions. Coober Peddy d’abord. La ville des mines d’opale (80% de la production mondiale). Une cité troglodyte. La plupart des mineurs ont creusé leur maison sous terre ce qui leur procure une température constante de 24 degrés toute l’année. Les hôtels s’y sont mis aussi et même les campings (on peut planter sa tente sous terre) !

Les Piche ont visité deux mines dont l’exploitation est toujours très artisanale. Rose a gratté une montagne de cailloux pour trouver des opales. Les mineurs ne parlent jamais de leurs découvertes. Personne ne saura donc ce qu’elle a trouvé mais si vous passez à la maison…

Seconde apparition au bout de la route : Ayers Rock. Etonnant rocher rouge de 360 mètres de haut, jailli d’un désert plat à l’infini. Aussi emblématique de l’Australie que les koalas ou les kangourous, maintes fois vu en photo, il fait partie de ces visions qui ne déçoivent pas lorsqu’on les découvre « pour de vrai ». Notamment au coucher du soleil. Les Monts Olga, un peu plus loin, aux formes plus variées, permettent d’explorer des canyons qui donnent une assez bonne idée de l’exploration martienne…

A Alice Springs, capitale de l’Outback, les Piche découvrent la triste situation d’une partie de la population aborigène. Petits groupes installés un peu partout sur les gazons, sur les bancs, ce sont de véritables miséreux dans un état de santé visiblement déplorable. L’interdiction de la consommation d’alcool hors des lieux privés, la vente d’essence « non sniffable » (textuellement écrit sur les pompes), la multiplicité des administrations d’assistance laisse à penser que l’Etat australien n’a pas réussi à donner à tous une place digne dans ce pays. Cela en dépit d’efforts apparemment considérables depuis une vingtaine d’années. L’autre vision de la présence aborigène sont les galeries d’art qui vendent les oeuvres abstraites très remarquables d’artistes du fin fond du bush.

Mais l’habitant omniprésent du coeur de l’Australie est de petite taille. Il a des ailes, vole par dizaines autour du visage, fait « bzzzzzzzz » dans les yeux et les oreilles : sa majesté la mouche ! La densité est telle que l’on doit porter une voilette dès qu’on se promène dans la nature. Par chance, Dieu dans son infinie bonté, a programmé les mouches pour qu’elles s’endorment au coucher du soleil. Le répit, enfin ! Juste le temps aux moustiques d’affûter leurs aiguillons et de passer à l’attaque.

Rose et Raoul commencent à comprendre pourquoi dans ce pays sans eau, à la température torride, peuplé de mouches et de moustiques aussi peu d’humains ont choisi de vivre.

Pas folles les guêpes !

A bientôt

Faut pas prendre les kangourous pour des idiots

Mercredi 17 février 2010

Sur la Stuart Highway, la route goudronnée à deux voies qui relie Adélaïde à Darwin en passant par Alice Springs (3000 km) les seuls signes de présence humaine sont les bars station-service installés tous les 300 à 400 km. Tenus par de fortes personnalités, il faut en avoir pour vivre aussi loin de tout, ces établissements sont souvent hauts en couleur et reçoivent des visiteurs qui ne le sont pas moins. Témoin la scène suivante :

De passage dans un de ces lieux à 350 km de Ayers Rock, les Piche, stupéfaits, voient entrer un kangourou qui commande un demi bien frais.

Le barman le sert, assez surpris quand même…

- Combien je vous dois, demande le kangourou très aimablement.

- Euh ! Ben, ça vous fera 20 dollars tout juste…

Le kangourou cherche dans sa poche (ben oui, quoi ! C’est un kangourou…) et tend le billet de 20 dollars au barman. Pendant qu’il boit, le barman, interloqué, ne le quitte pas des yeux.

Au bout d’un moment, il remarque :

- On ne voit pas souvent de kangourous dans ce bar, d’habitude…

Et le kangourou lui répond :

- Pour vous parler franchement, à 20 dollars le demi, ça n’a rien de surprenant !

La vérité est que Raoul a cru bon de raconter cette histoire dans un de ces bars parce qu’il était tapissé de maximes, de proverbes et de récits amusants. La tenancière l’a écouté avec attention puis avec un regard froid lui a déclaré, « vous trouvez ça drôle ? ». « Heu ! Oui » a piteusement répondu Raoul en se dirigeant vers la sortie. Là, son regard s’est porté sur le tarif des consommations :

- Bière 20 $

La réalité tutoie parfois la fiction.

A bientôt.

Bestiaire australien

Mercredi 17 février 2010

Les grosses branches de l’eucalyptus rouge grincent dans le vent comme les membrures d’un voilier dans la houle. Un oiseau émet un ronflement grave et régulier évoquant une bouée sifflante, un autre chante joliment tandis qu’un groupe jacasse sans grâce. Tout à coup, des hurlements saccadés allant crescendo en force et en hauteur s’élèvent au loin aussi effroyables que ceux d’un singe hurleur. La forêt du Mount Remarkable au nord d’Adélaïde offre la symphonie sonore d’une forêt tropicale qu’elle n’est pas.

Au détour d’un chemin une rivière coule faiblement. Surpris en train de boire par les pas des deux promeneurs, une maman wallaby et son petit s’enfuient par bonds successifs, agiles et gracieux. Ils s’immobilisent à une distance raisonnable des gêneurs et les contemplent bien dressés sur leurs pattes arrières, assis sur leur queue, les « mains » repliées à hauteur de la poitrine, la tête droite, l’allure fière. Au premier geste des intrus, ils bondissent à nouveau à travers bois. Finalement, le petit regagne la poche ventrale protectrice de sa mère et c’est ainsi, ne faisant plus qu’un, qu’ils disparaissent en bondissant avec légèreté, sans bruit.

Deux cents mètres plus loin, quatre émeus passent par là d’un pas tranquille.

Permettre l’observation d’animaux peu courants dans leur cadre naturel est un des grands charmes de l’Australie.

Parfois, le spectacle est moins réjouissant.

En plein outback, près des Kings canyon, les Piche préparent leur campement pour la nuit, en pleine nature, à la lumière de leurs torches, quand soudain, à deux mètres de Rose, Raoul aperçoit un joli petit serpent dans le rayon de sa lampe. Noir, avec des anneaux clairs, il rampe lentement pour s’installer sous le tronc mort tout près de la voiture. Raoul se demande s’il fait partie de ceux aperçus l’après-midi même sur un poster intitulé « Serpents dangereux d’Australie » tous plus mortels les uns que les autres. Dans le doute il le surveille très très très attentivement. Le reptile finit par s’éloigner dans les herbes alentours on ne peut plus calmement. La force tranquille… Deux jours plus tard, au vivarium d’Alice Springs les Piche le reconnaissent. Il n’est pas indiqué s’il est dangereux mais son nom n’incite pas à la sympathie : « Desert death adder ». Dans cette appellation il y a un mot de trop !

Dans ce même lieu, Rose et Raoul en apprennent plus sur un autre reptile qui, lui, a toute leur affection. Il s’agit d’une variété de lézard ressemblant étrangement à un diplodocus modèle réduit. Au cours des milliers de kilomètres parcourus dans l’outback, ils en ont vu des quantités, traversant la route brûlante d’un pas de sénateur, indifférents au monde qui les entoure. Le cou dressé, la tête haute, leur longue queue épaisse bien alignée avec le corps, il ne manquent pas d’élégance. En voiture, on les évite aisément. Les terribles « Road Train », ces immenses camions qui roulent de jour comme de nuit n’ont pas la même retenue. Au petit matin, les oiseaux de proie se délectent.

Diplodocus en réduction, kangourous, vaches, renards, etc. tous sont victimes des monstres mécaniques. A Coober Pedy, un homme recueille les bébés kangourous orphelins de ces massacres routiers. Il les nourrit au biberon puis, lorsqu’il sont sauvés, il les confie à des rangers qui les préparent pour les réintroduire dans la nature (loin des routes !). Rose s’est vu confier l’un d’eux, placé dans un linge en forme de poche ventrale qu’elle a tenu contre elle. Son instinct kangourouesque est remarquable, le petit n’arrêtait pas de la léchouiller. Il ne voulait plus la quitter, elle non plus. Hélas, les kangourous ne sont pas autorisés dans les restaurants. Dans les bars de l’outback si. Mais cela est une autre histoire. Tiens, pourquoi pas la prochaine !

A bientôt.

Languedoc Roussillon en Australie ?

Mardi 2 février 2010

Après avoir parcouru 17000 km depuis la France puis 3000 depuis Sydney, les Piche se sont retrouvés ce matin dans le paysage situé derrière chez eux : le cordon lagunaire de la Grande Motte à Carnon. Mais à l’Australienne, c’est-à-dire sur 300 km de long ! Superbe ! (Coorong national park).

Ce paysage n’est pas le seul qui leur en rappelle d’autres. La veille ils ont longé sur des centaines de km des forêts de pins plantées de main d’homme pour l’industrie du bois. Le Jura en plus vaste. Quant au paysage le plus souvent traversé, celui d’étendues d’herbes rases et sèches, peuplé de moutons et de vaches très à l’aise dans des hectares à n’en plus finir, il semble aussi désolé et monotone que les hauts plateaux du Massif Central. L’immensité en plus.

Avec le vent, les vagues, les rochers, les marées et l’odeur des algues, la côte sud du Victoria, c’est la Bretagne à perte de vue. Puis, une fois les rochers disparus, la plage et les dunes, seules face à la mer sauvage et ce sont les Landes sur des milliers de km.

Partis à l’intérieur des terres, Rose et Raoul ont randonné durant 5h dans les Grampians pour atteindre un magnifique point de vue sur un massif rocheux, The Pinnacle, que l’on appelle le Pic Saint Loup dans l’Hérault. Bien sûr, ici, plus haut, plus abrupt, plus, plus.

Encore quelques km et ils sont parvenus à la péninsule de Fleurieu, riche en vignobles, grâce au climat méditerranéen qui y règne. Les Piche se retrouvent en Languedoc Roussillon !

Même Sydney avec ses faux airs de San Francisco, et Melbourne qui rappelle Barcelone avec sa vie culturelle et artistique intense, sa jeunesse, ses bars à tapas ont des airs d’ailleurs.

Et que dire de tous ces villages bâtis sur le modèle des westerns : une rue centrale avec de chaque côté les commerces essentiels, le pub et l’hôtel des voyageurs (souvent bâtiment historique, c’est-à-dire datant de1880).

Alors l’Australie ? Simplement ce que l’on voit ailleurs en plus haut, en plus grand ? Eh! Bien, non ! En réalité aucune des comparaisons précédentes ne vaut. Elle s’imposent superficiellement, au premier coup d’oeil mais s’estompent puis s’effacent avec une observation plus fine, avec le temps, avec la marche, avec l’air humé à pleins poumons. Le voyage a appris depuis longtemps à Rose et à Raoul que rien n’est identique à rien. Le Détroit de Bas n’est pas la Bretagne, pas plus que la lagune de Coorong n’est la Camargue ou la péninsule de Fleurieu le Languedoc Roussillon. . Toutes ces régions sont belles mais aucune ne se résume à l’autre. Pour le percevoir, il faut prendre le temps. C’est ce que s’efforcent de faire les Piche.

A Bientôt

PS L’Australie ce sont aussi les animaux. Hier petite journée pour Rose et Raoul. Ils ont successivement vu des émeus, quatre kangourous au bord de la route, un serpent trop lent pour la traverser (à moins qu’il ait regardé à gauche alors qu’il faut regarder à droite, puisque les voitures roulent à gauche… bref trop compliqué pour une cervelle de reptile. Il en est mort), une armée de mérinos, de taureaux bons pour le concours agricole, de vaches, de perroquets verts, rouges, blancs et bien sûr des mouches, des mouches, des mouches…

Le koala, l’idiot du village

Jeudi 28 janvier 2010

En bordure du chemin conduisant au Cap Otway, première rencontre avec des koalas paresseusement vautrés dans des branches d’arbres.

- Ils sont laids, déclare Rose après les avoir longuement observés.

- Et en plus ils ont l’air idiots. Tu as vu ce regard ? Ces yeux torves, totalement inexpressifs ?

- Ca se confirme. Ecoute ce qui est écrit dans le Lonely Planet, c’est tordant !

« En visitant un parc naturel ou un zoo, vous remarquerez sans doute le regard absent des koalas, comme s’il leur manquait une case, ce qui n’est pas loin de la vérité. Il y a plusieurs années, des biologistes ont affirmé que les koalas sont les seules créatures vivantes dont le cerveau ne remplit pas la boite crânienne. Il aurait la taille d’une noix racornie flottant au milieu d’un liquide cervical (…). Cerveau mou ou tête vide il ne fait aucun doute que le koala n’est pas l’Einstein du règne animal (…). Mais étant donné qu’ils vivent dans les arbres où les prédateurs sont peu nombreux, ils peuvent toutefois s’en sortir sans avoir à réfléchir trop. »

- Et c’est ce demeuré que les Australiens ont choisi comme emblème national !

- Je ne voudrais pas médire, mais ce ne serait pas un signe ?

- Tu as raison. La taille du cerveau de l’animal fétiche national en dit long sur l’intelligence d’un peuple. Ils ont le koala, nous le coq. C’est super fortiche le cerveau d’un coq ! Nous sommes vachement futés. La preuve, notre conversation. Elle passerait largement au-dessus de la tête d’un koala.

Pour voir des photos cliquez ici

In Australia, left is right !

Mercredi 20 janvier 2010

Après une bonne nuit de sommeil, le cerveau du Piche mâle est comme remis à zéro. Reset. Il repart sur ses fondamentaux. Il roule à droite. Gênant dans un pays où à une écrasante (c’est le cas de le dire) majorité, les automobilistes roulent à gauche. Oh ! Cela ne dure que quelques secondes, le cerveau du Piche femelle ayant une meilleure sauvegarde (encore le cas de le dire…) elle sursaute « Nooonnn ! A gauche ! » Et Raoul de serrer à gauche. Tel est le rituel du matin.

Le réseau routier australien est parfois bizarre. Sur une autoroute on peut traverser les voies opposées pour gagner une aire de repos. De là, après une bonne halte, rien n’empêche physiquement de s’engager à contre-sens. Sauf, peut-être, les énormes panneaux sur fond rouge où sont écrits en gros, en très gros « Go back » « Wrong Way » « No entry ». Même ramolli le cerveau Piche devinerait qu’en s’engageant par là il prendrait plus sûrement le chemin du paradis que celui de Melbourne.

A plusieurs reprises on a dit aux Piche de ne pas rouler la nuit à cause des kangourous qui peuvent d’un bond jaillir devant la voiture sans que le conducteur ait le temps de réagir, provoquant d’énormes dégâts. Raoul se demandait si le conseil valait pour les autoroutes. Il a eu la réponse sur la highway 31 entre Canberra et Melbourne. C’était en pleine journée, donc pas de danger, mais

le kangourou à moitié coupé en deux qu’il a croisé sur le bord de la route avait visiblement rencontré un obstacle roulant à grande vitesse ! Enfin, pas si grand que cela, puisque les autoroutes sont limitées à 110 km/h (ce qui est tout de même beaucoup pour la rencontre d’un bolide de 1,5 t et d’un « rou » de 100 kg). Les Australiens respectent très scrupuleusement les limitations de vitesse y compris les 50 km/h dans les traversées de villages.

C’est pourquoi, finalement, les Piche se sentent plutôt en sécurité sur la route. Surtout après que Rose, une fois le petit déjeuner pris, ait poussé son cri du matin « Nooonnn, A gauche! »

PS. On roule assez lentement sur les routes australiennes et sur le réseau internet aussi. Les Piche ont jusqu’à présent eu des connexions qui rappellent le bon vieux temps des modems 56 kbits/s. Aussi risquent-ils d’être très avares sur l’envoi de photos.

Zen les Australiens…

Samedi 16 janvier 2010

La femme assise maintient une main levée durant de longues minutes au-dessus de la tête de l’homme assis face à elle. Celui-ci expérimente la « vraie lumière » Sukia Mahikari dans un stand au marché de Tomerong village de nouvelle Galle du sud, Australie. C’est gratuit. La lumière gratuite, en soi, c’est une bonne affaire. Sur un autre stand, une jeune femme se fait tirer les cartes pour 40 $ la demi-heure. Une lumière à un tarif nettement moins concurrentiel. Plus loin encore, on propose aux Piche une initiation aux « Zen healing therapies » (10 mn, 10 $) avec au menu, au choix : Reiki, Foot detox, Shiatsu, méditation etc. On leur offre également de tout savoir sur le Feng Shui. Beaucoup d’autres stands, plus matérialistes, vendent des fruits et légumes bio.

Mais c’est finalement au dernier stand que les Piche nouent conversation parce qu’ils ne comprennent pas quelle rédemption est présentée ici. A leurs questions, une femme leur explique, dans un français parfait, sa présence sur le marché. Une décharge de produits hyper toxiques doit ouvrir prochainement à la sortie du village. Cette femme, avec d’autres habitants luttent pour l’empêcher.

Reflexion de Raoul: « Je me demande si tout ces gens avec leurs médecines parallèles et leur spiritualité orientale n’émettent pas de mauvaises vibrations. Pour réussir à attirer un truc aussi pourri dans un lieu si idyllique, il faut dégager une sacrée dose de « mauvaises énergies ! ».

« Avec tes vibrations et tes énergies tu pourrais tenir un stand toi aussi, ça reste dans la note », lui répond Rose tout en croquant dans un bon brugnon bio.

Sydney, kangourous

Lundi 11 janvier 2010

La voiture des Piche avance paisiblement sous un soleil de plomb.

- Elle marche la clim ?

- Regarde le thermomètre tu verras bien !

- 36°C

- Alors, elle marche. Dehors il fait 42°C

Le lendemain, à 180 km de là, les Piche partent pour une petite promenade avec des amis.

- Tu veux ton pull ?

- Avec plaisir. 14°C en chemisette, avec la brise, ça fait friquet.

Vingt sept degrés d’écart de température en un jour, les débuts climatiques australiens des Piche sont rudes !

Heureusement, leurs débuts gastronomiques sont plus enthousiasmants. La soupe de queue de kangourou mitonnée durant des heures par leur ami Jean Pierre est un vrai délice. Le steak de kangourou au goût marqué, régale également Rose et Raoul. Quant au suprême de foie de volaille préparé par Biddy (l’épouse de Jean Pierre) il confine au péché. Tout comme ses confitures de cumquat , d’orange séville et de citron. Après avoir été choyé par leurs hôtes, les Piche prennent la route. Leur découverte de l’Australie au volant de leur grosse Ford Falcon rouge vif commence vraiment, en toute discrétion.

Pour voir quelques photos envoyées par Rose et Raoul, cliquez sur ce lien.

Pour voir le blog des Piche cliquez sur : http:\www.raoulpiche.fr