Bestiaire australien

Les grosses branches de l’eucalyptus rouge grincent dans le vent comme les membrures d’un voilier dans la houle. Un oiseau émet un ronflement grave et régulier évoquant une bouée sifflante, un autre chante joliment tandis qu’un groupe jacasse sans grâce. Tout à coup, des hurlements saccadés allant crescendo en force et en hauteur s’élèvent au loin aussi effroyables que ceux d’un singe hurleur. La forêt du Mount Remarkable au nord d’Adélaïde offre la symphonie sonore d’une forêt tropicale qu’elle n’est pas.

Au détour d’un chemin une rivière coule faiblement. Surpris en train de boire par les pas des deux promeneurs, une maman wallaby et son petit s’enfuient par bonds successifs, agiles et gracieux. Ils s’immobilisent à une distance raisonnable des gêneurs et les contemplent bien dressés sur leurs pattes arrières, assis sur leur queue, les « mains » repliées à hauteur de la poitrine, la tête droite, l’allure fière. Au premier geste des intrus, ils bondissent à nouveau à travers bois. Finalement, le petit regagne la poche ventrale protectrice de sa mère et c’est ainsi, ne faisant plus qu’un, qu’ils disparaissent en bondissant avec légèreté, sans bruit.

Deux cents mètres plus loin, quatre émeus passent par là d’un pas tranquille.

Permettre l’observation d’animaux peu courants dans leur cadre naturel est un des grands charmes de l’Australie.

Parfois, le spectacle est moins réjouissant.

En plein outback, près des Kings canyon, les Piche préparent leur campement pour la nuit, en pleine nature, à la lumière de leurs torches, quand soudain, à deux mètres de Rose, Raoul aperçoit un joli petit serpent dans le rayon de sa lampe. Noir, avec des anneaux clairs, il rampe lentement pour s’installer sous le tronc mort tout près de la voiture. Raoul se demande s’il fait partie de ceux aperçus l’après-midi même sur un poster intitulé « Serpents dangereux d’Australie » tous plus mortels les uns que les autres. Dans le doute il le surveille très très très attentivement. Le reptile finit par s’éloigner dans les herbes alentours on ne peut plus calmement. La force tranquille… Deux jours plus tard, au vivarium d’Alice Springs les Piche le reconnaissent. Il n’est pas indiqué s’il est dangereux mais son nom n’incite pas à la sympathie : « Desert death adder ». Dans cette appellation il y a un mot de trop !

Dans ce même lieu, Rose et Raoul en apprennent plus sur un autre reptile qui, lui, a toute leur affection. Il s’agit d’une variété de lézard ressemblant étrangement à un diplodocus modèle réduit. Au cours des milliers de kilomètres parcourus dans l’outback, ils en ont vu des quantités, traversant la route brûlante d’un pas de sénateur, indifférents au monde qui les entoure. Le cou dressé, la tête haute, leur longue queue épaisse bien alignée avec le corps, il ne manquent pas d’élégance. En voiture, on les évite aisément. Les terribles « Road Train », ces immenses camions qui roulent de jour comme de nuit n’ont pas la même retenue. Au petit matin, les oiseaux de proie se délectent.

Diplodocus en réduction, kangourous, vaches, renards, etc. tous sont victimes des monstres mécaniques. A Coober Pedy, un homme recueille les bébés kangourous orphelins de ces massacres routiers. Il les nourrit au biberon puis, lorsqu’il sont sauvés, il les confie à des rangers qui les préparent pour les réintroduire dans la nature (loin des routes !). Rose s’est vu confier l’un d’eux, placé dans un linge en forme de poche ventrale qu’elle a tenu contre elle. Son instinct kangourouesque est remarquable, le petit n’arrêtait pas de la léchouiller. Il ne voulait plus la quitter, elle non plus. Hélas, les kangourous ne sont pas autorisés dans les restaurants. Dans les bars de l’outback si. Mais cela est une autre histoire. Tiens, pourquoi pas la prochaine !

A bientôt.

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