Archive pour la catégorie ‘Défaut’

Le Brésil n’est pas le paradis

Jeudi 10 mars 2016

Opéra de Sâo Paulo, la foule en habits de soirée descend le grand escalier pour papoter un peu dans le grand hall après le spectacle.

- Combien tu vois de métis ou de noirs ? Demande Raoul à Rose.

- Heu, ben… Si là-bas, il y a une jeune femme métis. Autrement, ils sont tous blancs.

Les Piche traversent le boulevard en face de l’opéra. Là, au pied de la longue vitrine d’un grand magasin une quizaine de sans abris sont allongés sur des cartons. Comme à de nombreux endroits dans la ville.

- Combien tu vois de blancs parmi eux ? Demande Rose à Raoul.

- Heu, ben… Ah ! Si, il y a un blanc, répond Raoul.

A 50 mètres de distance, tout semble dit sur le niveau d’inégalité dans ce pays.

Certes, les Piche ne sont pas en voyage d’étude socio-économique au Brésil, néanmoins ils ont des yeux pour voir. Ils voient que dans les hôtels, le personnel de service le plus subalterne est toujours métis, que les gardiens des immeubles défendus par mille protections dans les quartiers riches sont toujours des métis, qu’à la télévision, sur O Globo la chaine la plus regardée, les journalistes sont tous blancs (”non, non corrige Rose, la présentatrice de la météo est métis”, exact), que sur la chaîne parlementaire les Piche n’ont vu débattre que des hommes blancs et très peu de femmes. Il faut savoir que sur les 204 millions de personnes qui peuplent le Brésil 43,1% sont métis, 7,6% noirs, 47,7 % blancs. il y a donc un peu moins de blancs que de métis et de noirs.

Les observations superficielles de Rose et de Raoul sont confortées par leurs lectures (leurs yeux leur servent aussi à cela ). Ils apprennent ainsi qu’au Brésil les 1% les plus riches gagnent 100 fois ce que gagnent les 10% les plus pauvres, que la tranche maxi de l’impôt sur le revenu est de 27% (40% en France), qu’il n’y a pas d’impôt sur les revenus financiers des personnes physiques, quasiment pas sur l’héritage, etc. Ce qui fait dire à certains que le Brésil est une sorte de paradis fiscal…

Directeur d’étude à l’institut de recherche économique appliquée (IPEA) de Brasilia, André Calixte explique les origines de ces inégalités : “Après l’abolition de l’esclavage, en 1888, le Brésil n’a pas eu de véritable réforme agraire. On a fossilisé les inégalités de richesses qui sont aussi des inégalités de genre et de race”. Du Piketty pur jus.

Certes Lula da Silva a sorti 25 millions de personnes de la misère mais depuis deux ans la situation s’est gravement détériorée. L’inflation est à 11%, le chômage en forte hausse, le PIB en chute de 3,5 % sans compter la crise politique qui agite le pays avec les scandales de corruption qui font les choux gras des journaux TV de O globo tous les soirs. Il n’est même pas certain que la présidente, Dilma Rouseff, puisse terminer son mandat.

Bref, le Brésil va très mal et même les PIche s’en rendent compte !

Déjà à Paraty, ils avaient été frappés de constater que les hélicoptères des riches de Sâo Paulo venus passer le week end dans ce petit paradis en bord de mer, rentraient un peu plus tôt en ville (Sâo Paulo compte 300 héliports contre “seulement” 60 à New York). Ah ! Ma bonne dame, il y a bien de la misère dans ce pays.

Lorsqu’ils voient ce qu’ils voient, qu’ils entendent ce qu’ils entendent, qu’ils lisent ce qu’ils lisent, les Piche sont bien contents d’être venus ici depuis un pays à la pointe du progrès social, de la lutte contre les inégalités et en croissance économique.

Il s’agit bien sûr de l’Uruguay d’où ils ont franchi la frontière vers le Brésil.

Honni soit qui mal y pense…

A bientôt

Du sexe des anges…

Vendredi 4 mars 2016

11 h du soir, les grilles des échopes sont cadenassées, les rideaux de fer baissés, les maisons à moitié finies succèdent à celles à moitié en ruine, des gens sont affalés sur le trottoir, la rue est à peine éclairée. Le bus file mais la vision reste la même. Les Piche sont ébahis devant une telle misère.

Après un long moment, ils parviennent au centre historique de Salvador.

Changement radical de décor.

Autour de Rose et de Raoul qui arrivent de l’aéroport en provenance de Brasilia une foule dense, des musiques qui s’entrechoquent, des vendeurs ambulants, des quémandeurs, des kiosques de boissons et de nourritures, des taxis, des policiers avec gilet pare-balle et pistolet au côté. Des projecteurs illuminent les superbes bâtiments alentour.

Avec leurs bagages sur le dos, les Piche ne se sentent pas vraiment dans la note. Une chose est sûre : ils ne sont plus à Brasilia ! Salvador Brasilia deux villes aux antipodes l’une de l’autre.

Très vite Rose et Raoul qui hésitent sur leur chemin sont entourés de conseillers-quémandeurs-emmerdeurs. Ils décident de ne pas poursuivre à pied vers leur hôtel pour ne pas être suivis dans les petites ruelles qu’ils doivent emprunter et sautent dans un taxi pour finir leur trajet.

Le premier contact avec Salavador est rude.

- “La première impression est toujours la bonne. Surtout quand elle est mauvaise”, rappelle Raoul à Rose qui espère bien que cette citation ne soit rien d’autre qu’un bon mot.

Après plusieurs jours, leur perception de la ville est plus contrastée. Clairement, Salvador ne ressemble à aucune autre ville du Brésil. Elle est débordante de vie. Dans tous ses excès. La musique omniprésente est forte, l’alcool y est fort, les voix et les personnalités y sont fortes. Première capitale du Brésil, principal lieu d’arrivée des millions d’esclaves venus d’Afrique, Salavador a conservé, perpétué, magnifié des pratiques, des arts et des croyances venues du Bénin et du Nigéria. Le Museu Afro Brasileiro en porte témoignage tout comme le musée du Bénin en plein Pelourinho, le lieu de vente des esclaves.

Pour ce qui est de l’art, les Piche sont preneurs mais pour les croyances ils ne sont pas clients. Le rabatteur qui voulait leur vendre une séance de Candomblé (hystérie collective mettant en jeu les Orixas des esprits qui, que …) s’est fait renvoyer dans ses buts.

Les Piche qui ne sont pas non plus trop clients de la religion dominante ont tout de même visité quelques unes des 365 églises (oui, oui, une par jour) que compte la ville. La plus célèbre, igreja Sâo Francisco, est aussi la plus laide intérieurement. Des boursoufflures dorées du sol au plafond, pas un centimètre carré sans sa feuille d’or ! Toutefois, cette visite a permis aux Piche de trancher une question qui les taraude depuis des années (et ils ne sont pas les seuls) : quel est le sexe des anges ? La réponse est là, à Salvador de Bahia, sur les murs de cette église. Les sculputres des anges ont toutes un sexe bien visible et il est masculin. Dans les autres églises un élégant drapé cache la chose. Cette stupéfiante découverte conduit Rose à un début d’induction mêlant église, anges masculins, petits garçons, tribunaux… qui, pour Raoul, manque un peu de rigueur.

A l’extérieur de ce nid à richesses ostentatoires, des pauvres attendent les visiteurs sur le parvis. Plus que des pauvres. Des êtres détruits par le crack et l’alcool qui tentent de trouver pour trois sous de survie. Les Piche ne cesseront de les croiser dans les rues du centre historique, tentant leur chance auprès de la moindre personne passant à portée de main. Un bus specialisé, très équipé, porte écrit sur son flanc “Le crack peut être vaincu”. A l’instant où Raoul photographie ce bus, un de ces pauvre hère passe dans le champ comme pour démentir le slogan volontariste.

Le coeur de Salvador avec ses maisons des XVIII et XIX siècles est magnifique, c’est lui et ceux qui animent ces quartiers, sans y habiter, qui drainent des millions de touristes chaque année.

Pour Rose et Raoul, le séjour prend une autre saveur. Venus à Salvador il y a trente deux ans en voilier depuis la France, ils sont là en pélerinage. Ils traquent les lieux qui ont compté à cette époque.

Pour eux ce modeste restaurant derrière l’ascenceur Lacerda, c’est le fameux “restau des putes”, leur cantine d’alors ! La fontaine qui offre généreusement et gratuitement de l’eau de source à Itaparica, l’île en face de Salvador, continue son office (depuis 1848 !). Elle leur servait à faire les pleins du bateau. De l’eau de source ! Un vrai bonheur. En revanche, la pléïade de voiliers qui mouillaient à l’abri de l’île n’y sont plus. Une modeste marina a poussé là.

Rose et Raoul ont tout de même rencontré un de ces fous de la mer qui vit encore sur son voilier. Ils ont eu des tas de choses à se dire autour d’un verre de caipirinha (alcool de canne à sucre, sucre de canne, citrons verts, glaçons, LA boisson d’ici). Les uns et les autres ont retrouvé le réflexe qui consiste, avant de s’asseoir, à regarder sous la table s’il y a quelques bouteilles de bière. L’habitude veut que pour éviter toute contestation, les consommateurs placent là les bouteilles au fur et à mesure qu’ils les vident. L’addition sera pour vous s’il en reste d’avant votre arrivée.

Signe du ciel (humm, humm), une pluie diluvienne s’abat ce matin sur la ville. Il y a trente deux ans c’était le moment pour la famille Piche de monter sur le pont pour prendre une douche d’eau douce et fraîche. Aujourd’hui, c’est celui de rester cloîtré dans une chambre d’hôtel. Heureusement, avec vue sur la baie “de tous les saints”  (”Bahia de todos os santos”).Tout de même.

A bientôt

PS Les Piche profitent de ce texte pour adresser un salut amical à ceux avec qui ils ont partagé de si bons moments, ici, dans la baie de Salvador, il y a trois décennies. Salut donc à Héphaïstos, Nuage, Dulcimer, Galopin, Chiloé, Maïo, Carpe Diem, Algorithme…

Alerte

Mardi 1 mars 2016

5h10 du matin. Les occupants des 15 étages de l’hôtel Dos Americas de Brasilia sont tous réveillés. Le hurlement des sirènes alerte incendie ne leur laisse aucune chance de poursuivre leur nuit.

En moins de temps qu’il n’en faut pour enflammer une botte de paille, Rose est habillée, sac sur l’épaule prête à quitter sa chambre. Impressionné par cette rapidité, Raoul qui traînait un peu se presse à son tour. Bien sûr, les ascenceurs sont hors service. Par chance, la veille, les Piche ont quitté une chambre au 10 ème pour une autre au 4 ème. Six étages de moins à descendre. Ils rejoignent la foule des clients à l’extérieur de l’hôtel. Ni flamme, ni fumée mais au rez de chaussée une employée qui farfouille dans une armoire électronique. Pour Raoul, furax, la cause est entendue, il s’agit d’une fausse alerte. La suite lui donnera raison.

Fort de leur précédente expérience ratée de piétons brasilianesques, les Piche prennent désormais assez souvent le taxi lorsque les distances s’allongent. Ils notent qu’à chaque fois, le taxi part dans la direction opposée à la destination, effectue un tour de pâté d’immeubles, emprunte une ou deux bretelles de voie rapide pour prendre le bon cap, file bon train avant de sortir par une nouvelle bretelle qui le conduit à la rue finale.

Raoul fait remarquer à Rose que ces trajectoires tarabiscotées ressemblent fort à celles d’un avion en approche d’un aéroport pour atterissage.

- Pas étonnant, réplique Rose. Tu as vu le plan de la ville ? C’est exactement celui d’un avion. L’Eixo Rodoviario (l’axe est-ouest), c’est le fuselage, l’Eixo Monumental (l’axe nord-sud) les ailes. Un avion de 12 km sur 12…

- Je trouve que cela ressemble plutôt à un colibri, façon lignes de Nasca, répond Raoul.

- Si tu veux. On peut tout imaginer à Brasilia : les arches du pont JK forment un parfait monstre du Loch Ness ; la pente qui entoure le dôme du musée national est évidemment un anneau de Saturne ; la pyramide du théâtre national une rampe de skate board ; le dôme de l’asssemblée nationale une parabole TV. etc.

Effectivement, il y a de la magie dans cette ville pour qui veut bien se laisser porter par son imagination.

Il arrive aussi que le hasard en rajoute un peu dans le merveilleux. Tel cette répétition d’une pièce de Haydn par un orchestre de musique classique dans l’église Dom Bosco baignée par la féérique lumière bleue de ses 80 vitraux lorsque Rose et Raoul la visitent. Une harmonie parfaite entre musique et architecture.

De quoi faire oublier la stridence d’une sirène d’alarme incendie.

A bientôt

Brasilia, la vie malgré tout

Samedi 27 février 2016

La plupart des métropoles cherchent comment sortir la voiture de la ville. Il y a 50 ans, Oscar Niemeyer, l’urbaniste Lucio Costa et le paysagiste Burle Marx ont trouvé, eux, en concevant  Brasilia, comment sortir le piéton de la ville ! Pour cela, ils ont créé des espaces verts tellement immenses qu’ils ne peuvent pas être parcourus à pied. D’autant moins qu’ils sont transpercés par d’innombrables voies de circulation.

Les Piche ont fait l’angoissante expérience de cet étrange urbanisme.

Au sortir du Congrès National (les deux paraboles et les tours jumelles connues du monde entier), ils se mettent en route, à pied, vers le pont JK, assez éloigné, un ouvrage remarquable. Ils suivent un trottoir qui longe une avenue bordée d’un côté par le palais de la présidence de la république et de l’autre par une vaste place. Puis les bâtiments disparaissent et seul subsiste un vaste espace boisé. Le trottoir devient piste cyclable puis chemin puis sentier puis plus rien. Pas un être humain visible, uniquement la verdure, les voies rapides, les voitures. Pour continuer leur chemin les Piche devraient traverser  une double voie qui fusionne avec une triple voie puis au-delà du terre plein central, à nouveau une triple voie et une double voie. Soit 10 voies de circulation à franchir au milieu d’un flot ininterrompu de véhicules. Du suicide ! Ils renoncent donc, changent de cap, marchent dans l’herbe et tentent de trouver leur salut à un feu de circulation, espérant qu’un taxi s’immobilisera là et qu’ils pourront s’y engouffrer. Pari gagné ! Ouf, une taxiteuse sera leur sauveur.

Heureusement, Brasilia ce sont aussi et surtout des créations architecturales hors du commun. Elles n’ont pas pris une ride, ni ne se sont démodées. Géniales elles étaient, géniales elles sont restées.

Trois d’entre-elles ont particulièrement subjuguées les Piche : le palais Itamaraty, siège du ministère des affaires étrangères, l’église Don Bosco et la cathédrale. Ces deux dernières, belles de l’extérieur, le sont mille fois plus encore vues de l’intérieur grâce aux extraordinaires vitraux qui inondent cet intérieur d’une lumière bleu océan.

De même, le palais Itamaraty, avec ses vastes salles de 2000 m2 sans pilier de soutien, agrandies encore par un étonnant jeu de miroirs noirs et par leurs ouvertures totales sur l’extérieur est  bien plus étonnant de l’intérieur que de l’extérieur.

Les jours passants, Rose et Raoul ont fini par trouver, ici une marchande de plats familliaux à savourer assis sur un banc, à l’ombre des arbres, là un café avec des chaises à l’extérieur et un chanteur qui accroît le plaisir de déguster une caipirinha. A Brasilia, par endroits, entre les blocs des immeubles ministériels, l’herbe folle a poussé, la vie aussi.

A bientôt

Au nord de Rio, la Suisse

Jeudi 25 février 2016

Rose le croyait plus simple. En fait, Raoul est un peu snob. Prétextant qu’à Rio de Janeiro la chaleur est étouffante il décide d’aller dans les montagnes du nord de la ville à l’instar de l’empereur du Brésil cent cinquante ans avant lui. Cap donc vers Petropolis où Pedro II construisit son palais pour vivre au frais.

Raoul se rue au dit palais. Mais il est un peu déconfit lorsqu’un gardien lui intime d’enfiler des patins pour ne pas abimer le parquet. Raoul passe donc une heure à astiquer les sols du palais de Pedro II. Quel manque de chic !

Le lendemain, il poursuit sa tournée impériale à Teresopolis (ville de l’impératrice Tereza). Là, sa lubie est d’aller voir le “Dedo de Deus” (le doigt de Dieu) ce qui lui attire les moqueries de Rose. Le doigt de Dieu est un étroit pic rocheux vertical, très allongé qui pointe vers le ciel à 1700 m d’altitude. Raoul découvre que la rando qui permet de le découvrir est formée d’une montée non-stop d’une heure, sur une pente super raide. Il souffle, transpire tant et si bien que, parvenu au sommet où se découvre le majestueux pic, Rose ne peux s’empêcher de lâcher à Raoul : “Tu le vois le doigt ? Ce n’est pas le doigt de Dieu, c’est le doigt que Dieu te fait !”.

Petropolis, Teresopolis puis Nova Friburgo autant de villégiatures des riches Cariocas qui se sont emparés des maisons des Suisses (surtout) et des Allemands chargés de coloniser la région au XIX ème siècle parce que le climat y est proche de celui de leurs pays d’origine.

Un siècle plus tard, les maisons et les châlets d’inspiration helvète abondent encore dans les magnifiques montagnes de cette contrée. Les vaches aussi.

Les Piche visiteront même “La crèmerie”, encore dénommée “La ferme de Genève” (en français dans le texte) qui produit crottin, pyramide, boursin, brique etc. Ils caressent les chèvres en train de manger de fins bambous, en suivant les explications du créateur de l’exploitation, un solide vieillard de plus de 85 ans. Il leur raconte notamment, comment sa grand-mère genevoise lui a transmis les recettes des fondues.

Quant aux yeux bleus, fréquents ici, dans un pays pourtant si métissé, il ne sont pas rares.  Influence germanique plutôt que suisse ?

A l’apéritif, les Piche se voient servir des saucisses grillées là où d’autres proposent des cacahuètes. Il n’y a pas que des bienfaits à la colonisation…

A bientôt

Rose “the girl from Ipanema”

Dimanche 21 février 2016

Raoul la croyait plus simple. En fait, Rose est un peu snob. Pour laver son linge, elle l’amène à Copacabana. Elle le met dans le tambour de la machine et part se faire rouler dans les déferlantes qui explosent tout au long de la plage. Cela juste en face du “Copacabana Palace”. A 14 h 30 elle quitte l’endroit et met le cap sur Ipanema où elle devient “the girl from Ipanema”. Ces détails de la vie quotidienne prendront un relief particulier le lendemain, à la lecture des journaux comme on le verra plus loin.

Depuis quelques jours, les Piche parcourent Rio dans tous les sens. Ils y voient le pire comme le meilleur.

Ici d’interminables banlieues aux sites industriels en ruines, là de superbes maisons coloniales, défigurées au rez de chaussée par des commerces bas de gamme, ailleurs des quartiers huppés et au-dessus d’eux, très au-dessus, des favelas construites sur des pentes si raides qu’elles semblent attendre le premier orage pour partir en glissade. Dans le centre historique, le quartier des bureaux grouille de monde dans des rues étroites à l’heure du déjeuner.

La beauté de Rio de Janeiro tient au site extraordinaire dans lequel la ville est construite. C’est du sommet du Corcovado que l’on s’en rend compte, la vue est à couper le souffle. Un spectcle unique. Paradoxalement, le second lieu qui montre toute la beauté du site de Rio ne se trouve pas à Rio mais à Niteroï de l’autre côté de la baie de Guanabara. A Niteroï, l’alignement est parfait : l’étonnant musée d’art contemporain conçu par Oscar Niemeyer posé sur une pointe rocheuse fait face au pain de sucre, au Corcovado, à la baie et à la ville de Rio.

Autre coup de coeur des Piche, le sublime “Museu d’amanha” (”Musée de demain”) qui vient d’ouvrir ses portes. Un extraordinaire bâtiment futuriste sensé représenter un Churinga aborigène (les plus motivés chercheront ce qu’est un Churinga !)

Bref, Rose et Raoul trouvent Rio de Janeiro variée au possible, passionante mais difficile.

La sécurité  pour les visiteurs étrangers ?

-  Un Allemand a été tué il y a un an.

- Un professeur péruvien, lundi dernier. Il était sorti promener son chien à 15h dans un quartier plutôt chic. “Le chien a été retouvé vivant”, précise le journal.

- Une touriste argentine, le mercredi suivant. A Copacabana, face au “Copacabana Palace”, exactement là où Rose se faisait rouler dans les vagues, 12 heures plus tôt.

A bientôt

PS : Rose tient à préciser que se baigner à Copacabana à 2 h de l’après-midi, ce n’est pas du tout pareil que d’y boire des bières à 2 heures du matin avec des copines. C’est toute la différence entre la prudence et l’imprudence. Elle reproche à Raoul de faire des rapprochements injustifiés pour dramatiser le récit. Raoul, estime, lui, qu’il est normal de “faire saigner la tomate”.  Chacun appréciera.

Le risque zéro n’existe pas. Le Zica si.

Mardi 16 février 2016

- Tu as vu que l’épidémie de Zica s’étend au Brésil. Exactement dans les régions où tu m’amènes.

- Humm

- Tu te souviens du tremblement de terre au Costa Rica ?

- Humm

- Et de notre hôtel qui s’est écroulé à Buenos Aires ?

- Humm

- Et de l’incendie à Mexico ?

- Humm

- Et de l’alerte Tsunami en Australie ?

- Humm

- Et de la révolution, place Tahir au Caire ?

- Humm

- Raoul parfois je me demande si tu ne me portes pas la poisse.

- Mais qu’est-ce que tu racontes. Tu as vu les informations ? Un orage de la force d’un ouragan s’est abattu sur Porto Alegre…

- Et alors ?

- Alors, cela s’est produit juste le jour où nous avons quitté cette ville ! Au contraire, je crois que je te porte chance.

-  Demain tu as prévu que nous prenions un bus pour Trindade. Il a tué 15 touristes, il y a 5 mois et deux de plus il y a deux mois. Tu es bien sûr de nous porter chance ?

- Mais oui, tout va bien se passer. Tout de même, tu as pris le répulsif à moustique ?

- Pour aider la chance ? Oui je l’ai pris.

A bientôt

PS : Aux dernières nouvelles, les Piche sont revenus intacts de Trindad, où ils ont découvert Cachadaçao une des plus belles plages du Brésil. Ca valait la peine de prendre le risque, non ?

La plage idylique existe

Dimanche 14 février 2016

La plage idylique existe.

Elle se trouve au creux d’une large baie, entourée de montagnes boisées, terminée à ses extrémités par de gros rochers lisses et ronds qui forment une piscine naturelle. L’eau fraîche d’une cascade finit son cours en serpentant au milieu du sable blanc où elle creuse son lit avant de rejoindre la mer.

La brise qui se lève à midi ajoute à la fraîcheur de l’ombre des arbres qui bordent le haut de la plage. Sous cet ombrage une modeste paillote propose trois tables et quelques chaises et sert des boissons locales. Une noix de coco décapitée avec une paille plantée à l’intérieur et l’on déguste le jus de fruit le plus naturel du monde.

L’eau douce de la cascade, captée par un petit tuyau, tombe en douche pour rincer les rares baigneurs.

La mer est animée de rouleaux complaisants qui s’achèvent sur l’estran en le zébrant des lignes blanches de leur déferlement.

Pas de construction, pas de route d’accès, seulement un chemin escarpé et glissant, mal commode. Le modeste prix à payer pour découvrir ce lieu.

Oui, les Piche ont passé une excellente journée. Merci.

A bientôt

Serra Verde Express, un Express pas trop pressé

Samedi 13 février 2016

Il y a très peu de trains au Brésil. Aussi, les Piche ne veulent pas rater l’occasion d’en emprunter un : le Serra Verde Express, 64 km à travers des montagnes couvertes d’une forêt tropicale, à franchir des viaducs, des tunnels, à longer des lacs, des cascades, etc.

Le mot “Express” est sans doute excessif.

A 8h pile, le train s’ébranle, la précision d’un TGV. Sur les 5 premiers mètres la même vitesse que le TGV. Au-delà, Le Serra Verde Express marque sa différence. Les Piche s’en rendent compte lorsqu’ils voient les cyclistes dépasser le train.

- C’est parce que nous sommes en ville, sentence Raoul. Après il va accélérer.

Pas du tout. Sorti de la ville, à la première côte, il ralentit ! Un coureur à pied le dépasserait. Mais de coureur à pied il n’y a point, car le passage de la voie au milieu de la forêt est si étroit que les branches fouettent les fenêtres des wagons. Raoul doit tenir fermement son appareil photo pour ne pas se le faire arracher par l’agresseur végétal.

Au détour d’un virage, les Piche découvrent un panorama grandiose. Un précipice sur leur gauche (normal, c’est dans l’air du temps…), au loin une vallée encadrée de hauts sommets couverts de forêts avec ici et là des cascades inatteignables.

Les heures passent, le spectacle est permanent.

Bien que sa vitesse ne le laisse guère supposer, le train descend de 900 m au niveau de la mer. Conséquence, la température, elle, monte, monte, monte. Après 4h de parcours à la fabuleuse moyenne de 16 km/h, le train arrive enfin à destination. Les Piche sont ravis mais ils sont cueillis par une chaleur épouvantable car à la perte d’altitude s’ajoute les caprices d’El Nino capable de faire monter la température à 38° voire 40°. Or ces jours-ci El Nino pique sa crise.

Après une rapide visite du bourg où ils se trouvent, Il ne reste plus aux Piche qu’à envisager le retour.

Ils bénissent cette femme qui la veille leur a conseillé de ne pas prendre le train pour revenir car “au retour le train va moins vite” ! Les Piche doutent que cela soit possible mais ils n’ont pas envie de le vérifier. Ils prennent donc un bus qui les ramène à leur point de départ dans le quart du temps pris par l’”Express”.

Plus performant, le bus, sans aucun doute mais bien moins spectaculaire.

A bientôt

Drôle de carnaval

Mercredi 10 février 2016

Les Piche sont dans un de ces fameux bus longs de Curitiba lorsque, à l’arrêt de l’hôpital Nostra Senhora de la Piedad, une femme et un homme montent à bord. Rose sursaute et alerte Raoul :

- Mon dieu (elle qui n’en a pas), quelle horreur ! Tu as vu cette femme ? Elle a le visage tout sanguinolant, comme écorché vif ! C’est fou, on ne quitte pas l’hôpital dans cet état, on y entre plutôt.

- Tu as remarqué, lui répond Raoul, son compagnon est dans le même état. En plus ils rigolent tous les deux !!

- Ce n’est pas possible c’est du faux. Mais bien sûr ! Nous sommes au second jour du carnaval. Incroyable tout de même comme déguisement.

Une demi-heure plus tard, Rose et Raoul arrivent à la grande rue piétonnière du centre ville et là, le choc. Le spectacle qu’ils ont sous les yeux serait inimaginable en France. La foule est constituée de personnes aux visages et aux corps éclatés, meurtris, couverts de sang. Plus gore, tu meurs… Certains portent des armes factices (mal imitées) et pour que nul ne se méprenne, un homme tout de noir vétu brandit la grande faux.

Les grimages et les déguisements sont si réalistes qu’ils en sont insupportables. Seuls quelques participants ont pris le parti d’une recherche esthéthique plutôt que choquante. Finalement, les Piche découvrent que le thème du jour est les “zombis”. Pour Rose et Raoul c’est plutôt “Bataclan”.

La veille, le défilé auquel ils avaient assisté était nettement plus pépère. Parmi les groupes, deux ont particulièrement retenus leur attention. Celui de la CGT locale qui chantait et dansait pour dénoncer le “massacre du 27 avril” date d’une manifestation durement réprimée par la police. La même police chargée de protéger le défilé. (précisons que le “massacre” du 27 avril n’avait fait ni mort ni blessé).

Et puis il y a eu un groupe très coloré, très gai, très vivant, le plus applaudi de tous, uniquement composé de papys et de mamys !

Cela a ragaillardi les Piche auxquels les jeunes cèdent systématiquement les places réservées aux vieux dans les fameux autobus longs de la ville.

A bientôt

Les Piche au régime brésilien : 15 fruits au petit déjeuner

Jeudi 4 février 2016

Pour le dépaysement, le Brésil ce n’est évidemment pas l’Afrique, ni l’Asie ni même l’Amérique centrale. Néanmoins, pour les Piche les motifs de surprise ne manquent pas.

Le premier qui les met en joie dès le matin, est le petit déjeuner brésilien. Le mot “petit” ne convenant pas du tout.

Il s’agit d’un hallucinant buffet qui offre une myriade de fruits frais, de jus de fruits, de yaourts aux fruits mais aussi des variétés de pains, de gâteaux et comme si cela ne suffisait pas du jambon, du fromage, de l’omelette, des saucisses, etc… sans oublier le café brésilien. A volonté. Et de la volonté, Rose et Raoul n’en manquent pas.

Puisqu’on est dans le registre alimentaire, restons-y.

Depuis Porto Alegre, les Piche sont fanas des restaurants “au kilo”. Autrement dit, des restaurants qui proposent de copieux buffets et où l’on paye en fonction du poids de ce que l’on a mis dans son assiette. Il est ainsi possible de déjeuner (plus rarement de dîner) très correctement pour 5  à 7 euros seulement.

Autre fonction essentielle du quotidien des Piche voyageurs, les déplacements.

Rose et Raoul aiment se déplacer avec les bus de ville et non pas en taxi. Pas toujours facile de s’y retrouver mais c’est un jeu agréable parce qu’il conduit fréquemment à se tourner vers les indigènes, unanimement serviables et coopératifs. A Curitiba le système de bus est de renommée mondiale. A juste titre. Le réseau a été créé dans les années 70 lorsqu’un nouveau maire à voulu inverser la tendance urbanistique de l’époque qui consistait à ouvrir les villes aux voitures comme à Los Angeles.

Faute de moyens pour doter la ville d’un métro ou de lignes de tramways, il a “inventé” un métro de surface à base de bus de très grande capacité conçus spécialement à sa demande par Volvo. Ces long bus, articulés par deux soufflets, emportent plus de 200 passagers. Ils s’arrêtent à des quais d’embarquement abrités, en forme de gros tubes qui sont au même niveau que le plancher du bus. L’embarquement et le débarquement sont donc aisés et rapides. Des élévateurs permettent aux personnes handicapées d’accéder au quai et ensuite d’entrer dans le bus sans nécessiter d’aide. Des voies sont réservées à ces bus qui passent toutes les 5 minutes. A Curitiba, deux millions de personnes prennent le bus chaque jour.

Ce n’est pas la seule particularité de cette ville étonnante pour ceux qui ont en tête l’image des mégalopoles brésiliennes agitées, stressantes, criminalisées et criblées de pauvreté. Curitiba est une ville plutôt paisible pour comporter 1,8 million d’habitants. Le niveau de vie y est élevé et les préoccupations sociales et de “bien vivre” y sont manifestes. Le fameux maire a multiplié les places, a planté des millions d’arbres, ouvert des rues piétonnes, organisé le ramassage des déchets. Bref, il a fait d’un univers de béton quelque chose de vivable. Il a constamment été réélu…

La culture y tient une place importante.

Les Piche se sont rués sur le joyau de la ville : le musée d’art contemporain Oscar Niemeyer. Un bâtiment de béton et de verre en forme d’oeil dans le style années 60 du maître. Superbe, avec de nombreuses expositions dont certaines éblouissantes quasi au sens propre. Raoul a pris des photos qu’il montrera peut-être un jour.

Dernier agrément de Curitiba que les Piche apprécient au plus au point, la ville se situe à 930 mètres d’altitude, la température y est donc moins chaude qu’ailleurs. De toute façon, de ce côté-là les choses se sont bien arrangées pour Rose et Raoul. Depuis qu’ils ont grillé sur une plage de Florianopolis le temps s’est mis au gris et à la pluie. Du coup, de rouge façon homard thermidor, ils évoluent gentiment vers un joli brun gâteau sec.

A bientôt

“Les Bidochons en vacances”

Dimanche 31 janvier 2016

En franchissant la frontière du Brésil, pour les Piche tout a changé.

D’abord, ils sont devenus Uruguayens. Dès qu’ils parlent, on leur renvoie un “ah! vous êtes Uruguayens !” qui les ravit. Cela leur laisse à penser que leur espagnol, qu’ils utilisent à la place du brésilien, n’est pas si mauvais. Le brésilien, cette langue si chantante, est précisément le deuxième grand changement. Face aux difficultés des Piche pour échanger dans cet idome, Rose a posé un diagnostic sans appel “lorsqu’ils (les Brésiliens) parlent, je comprends la musique mais pas les paroles”. En habillant leur  vocabulaire espagnol de “ou”, “oum”, “oïs” les Piche parviennent à se faire comprendre mais le plus souvent ils ne comprennent pas les réponses à leurs questions.

Le troisième changement, ce sont les vacances. C’est le plein été et les Brésiliens sont sur les plages. Notamment à Florianopolis. Sable blanc, fin, eau turquoise et chaude, parasols, marchands ambulants, familles… Les Piche qui se sont joints à eux ne sont plus les Piche en voyage mais “Les Bidochons en vacances” ! Repliés sous leur minuscule parasol, ils essayent de ne pas virer au rouge façon homard thermidor.

Raoul a l’impression de revenir 60 ans en arrière à Carnon plage, à une différence près qui, encore une fois, change tout : les culs ! Ici les culs sont nus ou quasiment, tant les strings des dames et des demoiselles ne cachent rien de leur anatomie.

Raoul s’adapte. Sans difficulté.

A bientôt

PS : Les Piche ont échoué ils sont rouge thermidor

Les Uruguayens, drôles de citoyens ?

Mardi 26 janvier 2016

A Montevideo, les Piche sont perplexes. Que penseraient les Français, si :

- Pour se conformer au principe de séparation des églises et de l’Etat, on changeait les appellations des jours fériés nationaux issus des fêtes catholiques et qu’on les remplace par ” le jour de la famille” pour Noël, ” La semaine du tourisme ” pour la semaine de Pâques, “la journée des plages” pour l’Ascencion.

- On accueillait des réfugiés syriens en leur attribuant une aide égale à 2 fois le revenu minimum.

- On vendait le canabis en pharmacie et on autorisait des clubs d’amateurs à en cultiver pour leur consommation personnelle. Histoire de couper l’herbe (hi, hi) sous le pied des trafiquants et de réduire la criminalité.

- Un juge refusait la diffusion des portraits de braqueurs pris par les caméras de surveillance d’une banque au nom de la présomption d’innocence. Et aussi pour ne pas violer le loi sur la protection des mineurs “au cas où les personnes filmées se révèleraient être des mineurs”.

- On choisissait comme capitale une ville avec des dizaines de km de plages depuis le centre jusqu’à la périphérie, longés par une superbe et interminable promenade piétonière.

Les Piche s’interrogent, mais pas les Uruguayens pour lesquels tout cela est réalité chez eux.

A Bientôt

PS Bien sûr ceci n’a aucun rapport avec cela mais les Piche notent que l’Uruguay a un des plus haut niveau d’instruction des pays d’Amérique latine.

Destins croisés

Dimanche 24 janvier 2016

- Hola ! jeune homme, viens voir là. Comment t’appelles-tu ?

- Ernesto, Monsieur.

- Tu habites par ici ?

- Oui, à quatre rues de là.

- Tu aimes la musique ?

- Oui, mais je préfère la lecture et le sport

- Très bien, très bien. Continue et tu réussiras.

- Et vous, Monsieur, comment vous appelez-vous ?

- Manuel, mon garçon.

- Vous aimez beaucoup la musique, j’imagine ?

- C’est ma vie.

- Merci, au revoir Monsieur.

- Adieu petit.

Le vieil homme et le jeune homme se quittent sur cet adieu, réciproquement impressionnés par la force qui émane de l’un et de l’autre.

Nous sommes en 1946 dans la bourgade d’Alta Gracia, perdue au centre de l’Argentine. La famille d’Ernesto s’est installée ici parce qu’il souffre d’asthme. Manuel y est venu pour la tranquillité du lieu. Il mourra dans son lit quelques mois après cette rencontre. Ernesto, 21 ans plus tard, d’une rafale de mitraillette.

Tout deux connaîtront une célébrité mondiale. Manuel de Falla pour ses compositions musicales, Ernesto Guevarra pour sa luttre contre l’oppression des peuples.

Cette rencontre n’a jamais eu lieu mais elle aurait pu. Elle a été imaginée par Raoul Piche après la visite à Alta Gracia des maisons musées de Manuel de Falla et d’Ernesto Guevarra et constaté qu’ils y vécurent durant quelques années au même moment à quelques rues de distance.

A bientôt

Rencontres du troisième type

Samedi 23 janvier 2016

Modeste par l’altitude, le mont Uritorco est pourtant de première importance pour l’humanité.

C’est là, à une centaine de kilomètres au nord de Cordoba que viennent régulièrement nous rendre visite des extraterrestres.

De nombreux témoignages en font foi.

Le premier remonte à 1935. Plus récemment, en 1986, Gabriel et Esperanza Gomez ont vu un vaisseau spatial si grand qu’il illuminait tout le paysage environnant. Le lendemain, le sol était brûlé sur 122 m de long et 64 m de large à l’endroit de l’”atterrissage”. Quelques années plus tard ce sont 300 personnes qui ont vu un vaisseau ayant laissé également une grande marque roussie. Rebelotte en 1991.

Chaque année, 100 000 personnes grimpent sur les flancs du mont Uritorco dans l’espoir d’une rencontre du troisième type.

Les Piche ne pouvaient pas manquer un tel rendez-vous. Ils se sont donc rendus au “centre d’information sur les OVNI” de Capilla del Monte, la commune au pied du mont. Tous les documents et les témoignages sur les événements y sont rassemblés.

Parmi les théories émises pour justifier ces phénomènes, Rose déclare à Raoul que sa préférence va nettement vers celle-ci :

Les extraterrestres visitent le mont Uritorco parce que le chevalier de Perceval y aurait apporté le saint Graal et la croix des Templiers à la fin du XII ème siècle pour les poser à côté du sceptre, réalisé 8000 ans auparavant par Vatan chef des Comechingones, la tribu indienne qui peuplait la région.

Inquiet, Raoul demande à Rose pourquoi cette explication retient sa faveur.

- J’aime bien cette explication car elle montre à quel point les gens qui croient à ces fadaises d’extraterrestres ont l’esprit dérangé. Pour écrire des trucs pareils il faut vraiment être “azimuté” (une expression chère à Rose pour qualifier quelqu’un qui a perdu le nord).

Raoul est rassuré mais de retour à Cordoba la rationalité des Piche est à nouveau mise à l’épreuve.

A la foire artisanale du quartier bobo de Güemes des vendeurs proposent des pyramides censées concentrer l’orgone, cette énergie chère à Wilhem Reich que la physique ignore. Elle transforme “l’énergie négative en énergie positive, purifie les émotions et protège des mauvaises radiations”.

Face au regard plus que dubitatif de Rose, Raoul propose une alternative (c’est le cas de le dire, on va comprendre…).

- Pour obtenir le même résultat, il suffit de mettre les doigts dans une prise de courant qui passe 50 fois par seconde du positif au négatif (60 aux Etats Unis !) pour vivre des émotions fortes qui irradient joyeusement tout le corps au point de le faire se trémousser. Et, avec un peu de chance on peut, en prime, voir des éléphants roses venus de la planète Edé F.

Le manque de spiritualité et de sens poétique des Piche est consternant.

A bientôt

L’herbe roussie sur le lieu de l’”atterrissage”

La zone d’”atterrissage” vue de plus loin

La presse s’est emparé du sujet

Quand on vous dit que c’est lumineux !!!

Les Piche ont effectivement rencontré un extraterrestre à côté de sa soucoupe volante en plein centre ville de Capilla del Monte

La mairie lui paye le stationnement pour service rendu à l’économie de la ville. Des centaines de milliers de visiteurs chaque année.

Il a accepté de poser pour notre caméra. Oui, il a une apparence humaine mais il ne faut pas s’y fier…

Un bien bel engin. Pas aussi grand que dans les descriptions des témoins ? Et alors ? Incroyants !

Le mont Uritorco est en arrière plan

Raoul Piche découvrant le Saint Graal.

Dow Chimical, Dupont, Summit agro, Stinger, Gaucho… Les Argentins ont la main verte

Lundi 18 janvier 2016

Que l’élevage argentin produise la viande la plus suave et goûteuse du monde, les Piche le savaient. Que les Argentins en consomment 8 fois plus par tête que les Etatsuniens, pourtant carnivores patentés, prêts à tout pour défendre leur beefstaek, les Piche s’en doutaient un peu. Au restaurant une tranche de faux filet de moins de 400 g ça n’existe pas.

Mais, en plus, les Piche découvrent que les Argentins ont la main verte.

Sur les 700 km qui séparent Buenos Aires de Cordoba, l’essentiel du paysage est formé de champs d’un vert absolu qui s’étendent à perte de vue. En revanche, Rose et Raoul n’ont pas bien compris les panneaux accrochés aux clôtures : Dow Chimical, Stinger, Dupont, Summit agro, Gaucho, Adama “simply groth together”, Systema full agro, Sinsem NS 5258, Pampero uso intensivo, Nidera (semillas, agrochimicas, fertilizantes), Polaverich inoculando liquido para maïz…  Sans doute des supporters des paysans.

C’est probablement avec leur aide que les Argentins sont devenus les deuxièmes producteurs mondiaux de soja et de maïs. Très forts !

De l’agriculture à la culture il n’y a qu’un pas que les Piche ont franchi le jour de leur arrivée à Cordoba en entrant dans le café “La real”. Dans cette salle rétro résonnaient les voix de Brel, Montand, Aznavour…

La culture comme l’agriculture s’exportent. Aussi naturelles l’une que l’autre ?

Conquête d’espace vital dans la carlingue d’un avion

Mercredi 13 janvier 2016

Tout voyage lointain commence par le partage de l’espace restreint d’une carlingue d’avion entre plusieurs centaines de personnes.
Un monde en réduction.
Pour les Piche allant vers Buenos Aires ce sont 13h30 à passer dans ce petit monde. Pour les autres aussi. Les instincts vitaux s’éveillent. Chacun lorgne sur les sièges vides qui lui permettra de s’allonger un peu. Raoul observe des prises de position stratégiques dans l’allée centrale forte de 4 sièges côte à côte. 4 sièges libres, c’est un lit, un château, un rêve. 3 sièges libres, c’est un peu de confort. 2 sièges, c’est un mauvais HLM, beaucoup préfèrent encore l’inconfort de leur siège unique qui ne doit rien à personne.
Avant le décollage, Rose quitte Raoul pour tenter sa chance ailleurs. Raoul se retrouve à une extrémité d’une rangée de 4, une femme à l’autre extrémité. Elle jette des coups d’oeil sur les deux sièges qui les séparent. Raoul fait de même. Derrière Raoul, un homme seul a pris position espérant conquérir les 4 sièges de sa rangée.
Décollage. Altitude de croisière. Première tentative de conquête territoriale. L’homme seul voit arriver une femme avec un bébé (l’horreur absolue, le bébé voyageur), elle vient nicher sur sa rangée. Tête du futur colon qui tente une opération de résistance déjouée par une autorité supérieure, celle de l’hôtesse de l’air. Il part à la recherche d’un nouveau territoire mais ne le trouve pas et revient chez lui.
Après le repas la très très longue nuit commence. C’est là que tout se joue.
Raoul croit à sa chance pour posséder trois sièges. Las, à son retour des toilettes, il trouve la femme d’extrême droite (hum !) couchée là où il croyait si bien s’étendre. Tant pis. Il regarde un film. Au mot fin, il tombe de sommeil. La femme s’est relevée, assise sur son siège. Raoul s’allonge. Plus tard il se relève et elle se couche. Finalement, tout au long de la nuit, ces deux-la vont partager leur territoire par périodes successives en bonne entente. Rose a moins de chance. Son voisin de rangée ne lui cèdera pas un pouce de terrain.
Derrière Raoul, pour des raisons mystérieuses, au milieu de la nuit , la femme s’exilera avec son bébé vers son siège d’origine. L’homme, enfin seul, restera allongé dans son château jusqu’au bout.
Dans la rangée côté hublot, à la hauteur de Rose, une femme visiblement adepte de la chirurgie esthétique portant moult bagouses grosses comme des balles de ping pong est nerveuse. Elle n’aime pas l’avion. Elle n’a pas confiance. Peut-être se demande-t-elle comme Jean Yanne “pourquoi n’a-t-on pas pensé à faire le fuselage des avions dans le même métal que les boîtes noires ?”. Raoul est tenté de la rassurer en lui faisant remarquer qu’elle peut faire plus confiance au pilote qu’à son chirurgien car dans l’hypothèse d’une erreur, le premier est bien plus sévèrement puni que le second. Mais réalisant qu’ils sont dans un avion de la Lufthansa, Raoul se ravise. Il pense que les passagers de la filiale Germanwing de la Lufthansa qui ont terminé leur voyage et leur vie sur les contreforts des Alpes françaises n’auraient pas apprécié le manque de rigueur de son raisonnement.
Du coup Raoul se sent coupable et un peu nerveux à son tour.
Lors du choc plutôt doux du train d’atterrissage sur la piste de Buenos Aires, la femme pousse un grand soupir de soulagement. Le pilote tenait à sa vie autant qu’à celle de ses passagers. Mais comment le savoir tant que les roues n’ont pas touché le sol.
Le monde en réduction d’un vol en avion ressemble décidément au monde réel. Désir de conquête, résistance, coopération, danger, incertitude, confiance, défiance ne s’y retrouvent-ils pas ?
A bientôt