Une étrange ville champignon en pleine brousse
Samedi 12 mars 2011Le 4X4 quitte le « goudron » pour s’engager sur une piste de latérite rouge. Après quelques kilomètres de creux, de bosses et de poussière apparaissent les premières cases. Elles sembles neuves et vite faites avec leurs paillasses tressées en guise de mur au lieu du torchis habituel. Assez dispersées, elles deviennent plus denses en pénétrant dans ce qui commence à apparaître comme un village avec ses classiques cases rondes en terre mélangée avec de la paille. La foule aussi devient plus nombreuse. Les boutiques se multiplient avec une sur-représentation de « quincaillerie et divers ». La voie est étroite et des ruelles partent de droite et de gauche, le village prend une dimension surprenante. Une activité intense y règne. Partout, des hommes, assis, cassent des fragments de roche à la massette. D’autres s’affairent derrière des appareils étranges, des sortes de petits toboggans en bois de 3 mètres de long sur lesquels ils versent de la terre et de l’eau. Le 4X4 continue à s’enfoncer dans ce village qui commence à ressembler à une ville par son étendue. Une ville qui n’existait pas il y a 20 ans. Aujourd’hui 20 000 personnes vivent ici. Pourquoi ? Quel trésor viennent-elles y chercher ? Réponse : le même que celui de toutes les conquêtes de toutes les ruées : l’or.
Cette agglomération champignon du fin fond du Mali est la cousine de celles de Californie, du Brésil, de Guyanne française et de tous ces lieux improbables où l’on risque sa vie dans l’espoir de faire fortune grâce à quelques grammes de métal jaune.
A Bantakou, on creuse des puits verticaux de 10 à 15 m de profondeur pour extraire le minerai. Ces trous peu ou pas étayés sont des pièges mortels.
Le minerai est ensuite broyé de main d’homme puis tamisé jusqu’à obtenir une poudre aussi fine que de la farine. Elle est filtrée sur le toboggan qui comporte des paliers recouverts de morceaux de moquette. L’or, encore mélangé au fin résidu de terre, est piégé à ce niveau. Cette mixture placée dans des bâtes coniques, le travail des orpailleurs approche de son étape la plus excitante, la séparation définitive de l’or.
Un groupe se forme autour de celui qui manipule la bâtée, faisant tournoyer l’eau et le minerai qu’elle contient, laissant échapper par le bord supérieur, la part la plus légère pour ne garder que la plus lourde. Et là, au fond de la bâtée des minuscules paillettes jaunes apparaissent. Enfin, d’une main experte l’orpailleur dépose une goutte de mercure qui amalgame l’or pour permettre sa récupération finale.
Ce n’est pas le début de la fortune mais une étape vers la survie !
Comme dans tous les lieux similaires, une boutique plus riche que les autres annonce « achat d’or ».
C’est dans ce lieu que s’opère l’ultime alchimie, celle qui transforme l’or en bouts de papier avec des images dessus.
Plus loin, beaucoup plus loin à la city de Londres, à Wall Street, à Paris, dans ces gros bourgs aux cases verticales, sans prendre le moindre risque, des hommes réalisent la transmutation inverse : ils accumulent des richesses infinies en manipulant des morceaux de papier.
Mais lesquels enrichissent vraiment le monde ?