Archive pour la catégorie ‘Argentine 2016’

Destins croisés

Dimanche 24 janvier 2016

- Hola ! jeune homme, viens voir là. Comment t’appelles-tu ?

- Ernesto, Monsieur.

- Tu habites par ici ?

- Oui, à quatre rues de là.

- Tu aimes la musique ?

- Oui, mais je préfère la lecture et le sport

- Très bien, très bien. Continue et tu réussiras.

- Et vous, Monsieur, comment vous appelez-vous ?

- Manuel, mon garçon.

- Vous aimez beaucoup la musique, j’imagine ?

- C’est ma vie.

- Merci, au revoir Monsieur.

- Adieu petit.

Le vieil homme et le jeune homme se quittent sur cet adieu, réciproquement impressionnés par la force qui émane de l’un et de l’autre.

Nous sommes en 1946 dans la bourgade d’Alta Gracia, perdue au centre de l’Argentine. La famille d’Ernesto s’est installée ici parce qu’il souffre d’asthme. Manuel y est venu pour la tranquillité du lieu. Il mourra dans son lit quelques mois après cette rencontre. Ernesto, 21 ans plus tard, d’une rafale de mitraillette.

Tout deux connaîtront une célébrité mondiale. Manuel de Falla pour ses compositions musicales, Ernesto Guevarra pour sa luttre contre l’oppression des peuples.

Cette rencontre n’a jamais eu lieu mais elle aurait pu. Elle a été imaginée par Raoul Piche après la visite à Alta Gracia des maisons musées de Manuel de Falla et d’Ernesto Guevarra et constaté qu’ils y vécurent durant quelques années au même moment à quelques rues de distance.

A bientôt

Rencontres du troisième type

Samedi 23 janvier 2016

Modeste par l’altitude, le mont Uritorco est pourtant de première importance pour l’humanité.

C’est là, à une centaine de kilomètres au nord de Cordoba que viennent régulièrement nous rendre visite des extraterrestres.

De nombreux témoignages en font foi.

Le premier remonte à 1935. Plus récemment, en 1986, Gabriel et Esperanza Gomez ont vu un vaisseau spatial si grand qu’il illuminait tout le paysage environnant. Le lendemain, le sol était brûlé sur 122 m de long et 64 m de large à l’endroit de l’”atterrissage”. Quelques années plus tard ce sont 300 personnes qui ont vu un vaisseau ayant laissé également une grande marque roussie. Rebelotte en 1991.

Chaque année, 100 000 personnes grimpent sur les flancs du mont Uritorco dans l’espoir d’une rencontre du troisième type.

Les Piche ne pouvaient pas manquer un tel rendez-vous. Ils se sont donc rendus au “centre d’information sur les OVNI” de Capilla del Monte, la commune au pied du mont. Tous les documents et les témoignages sur les événements y sont rassemblés.

Parmi les théories émises pour justifier ces phénomènes, Rose déclare à Raoul que sa préférence va nettement vers celle-ci :

Les extraterrestres visitent le mont Uritorco parce que le chevalier de Perceval y aurait apporté le saint Graal et la croix des Templiers à la fin du XII ème siècle pour les poser à côté du sceptre, réalisé 8000 ans auparavant par Vatan chef des Comechingones, la tribu indienne qui peuplait la région.

Inquiet, Raoul demande à Rose pourquoi cette explication retient sa faveur.

- J’aime bien cette explication car elle montre à quel point les gens qui croient à ces fadaises d’extraterrestres ont l’esprit dérangé. Pour écrire des trucs pareils il faut vraiment être “azimuté” (une expression chère à Rose pour qualifier quelqu’un qui a perdu le nord).

Raoul est rassuré mais de retour à Cordoba la rationalité des Piche est à nouveau mise à l’épreuve.

A la foire artisanale du quartier bobo de Güemes des vendeurs proposent des pyramides censées concentrer l’orgone, cette énergie chère à Wilhem Reich que la physique ignore. Elle transforme “l’énergie négative en énergie positive, purifie les émotions et protège des mauvaises radiations”.

Face au regard plus que dubitatif de Rose, Raoul propose une alternative (c’est le cas de le dire, on va comprendre…).

- Pour obtenir le même résultat, il suffit de mettre les doigts dans une prise de courant qui passe 50 fois par seconde du positif au négatif (60 aux Etats Unis !) pour vivre des émotions fortes qui irradient joyeusement tout le corps au point de le faire se trémousser. Et, avec un peu de chance on peut, en prime, voir des éléphants roses venus de la planète Edé F.

Le manque de spiritualité et de sens poétique des Piche est consternant.

A bientôt

L’herbe roussie sur le lieu de l’”atterrissage”

La zone d’”atterrissage” vue de plus loin

La presse s’est emparé du sujet

Quand on vous dit que c’est lumineux !!!

Les Piche ont effectivement rencontré un extraterrestre à côté de sa soucoupe volante en plein centre ville de Capilla del Monte

La mairie lui paye le stationnement pour service rendu à l’économie de la ville. Des centaines de milliers de visiteurs chaque année.

Il a accepté de poser pour notre caméra. Oui, il a une apparence humaine mais il ne faut pas s’y fier…

Un bien bel engin. Pas aussi grand que dans les descriptions des témoins ? Et alors ? Incroyants !

Le mont Uritorco est en arrière plan

Raoul Piche découvrant le Saint Graal.

Dow Chimical, Dupont, Summit agro, Stinger, Gaucho… Les Argentins ont la main verte

Lundi 18 janvier 2016

Que l’élevage argentin produise la viande la plus suave et goûteuse du monde, les Piche le savaient. Que les Argentins en consomment 8 fois plus par tête que les Etatsuniens, pourtant carnivores patentés, prêts à tout pour défendre leur beefstaek, les Piche s’en doutaient un peu. Au restaurant une tranche de faux filet de moins de 400 g ça n’existe pas.

Mais, en plus, les Piche découvrent que les Argentins ont la main verte.

Sur les 700 km qui séparent Buenos Aires de Cordoba, l’essentiel du paysage est formé de champs d’un vert absolu qui s’étendent à perte de vue. En revanche, Rose et Raoul n’ont pas bien compris les panneaux accrochés aux clôtures : Dow Chimical, Stinger, Dupont, Summit agro, Gaucho, Adama “simply groth together”, Systema full agro, Sinsem NS 5258, Pampero uso intensivo, Nidera (semillas, agrochimicas, fertilizantes), Polaverich inoculando liquido para maïz…  Sans doute des supporters des paysans.

C’est probablement avec leur aide que les Argentins sont devenus les deuxièmes producteurs mondiaux de soja et de maïs. Très forts !

De l’agriculture à la culture il n’y a qu’un pas que les Piche ont franchi le jour de leur arrivée à Cordoba en entrant dans le café “La real”. Dans cette salle rétro résonnaient les voix de Brel, Montand, Aznavour…

La culture comme l’agriculture s’exportent. Aussi naturelles l’une que l’autre ?

Conquête d’espace vital dans la carlingue d’un avion

Mercredi 13 janvier 2016

Tout voyage lointain commence par le partage de l’espace restreint d’une carlingue d’avion entre plusieurs centaines de personnes.
Un monde en réduction.
Pour les Piche allant vers Buenos Aires ce sont 13h30 à passer dans ce petit monde. Pour les autres aussi. Les instincts vitaux s’éveillent. Chacun lorgne sur les sièges vides qui lui permettra de s’allonger un peu. Raoul observe des prises de position stratégiques dans l’allée centrale forte de 4 sièges côte à côte. 4 sièges libres, c’est un lit, un château, un rêve. 3 sièges libres, c’est un peu de confort. 2 sièges, c’est un mauvais HLM, beaucoup préfèrent encore l’inconfort de leur siège unique qui ne doit rien à personne.
Avant le décollage, Rose quitte Raoul pour tenter sa chance ailleurs. Raoul se retrouve à une extrémité d’une rangée de 4, une femme à l’autre extrémité. Elle jette des coups d’oeil sur les deux sièges qui les séparent. Raoul fait de même. Derrière Raoul, un homme seul a pris position espérant conquérir les 4 sièges de sa rangée.
Décollage. Altitude de croisière. Première tentative de conquête territoriale. L’homme seul voit arriver une femme avec un bébé (l’horreur absolue, le bébé voyageur), elle vient nicher sur sa rangée. Tête du futur colon qui tente une opération de résistance déjouée par une autorité supérieure, celle de l’hôtesse de l’air. Il part à la recherche d’un nouveau territoire mais ne le trouve pas et revient chez lui.
Après le repas la très très longue nuit commence. C’est là que tout se joue.
Raoul croit à sa chance pour posséder trois sièges. Las, à son retour des toilettes, il trouve la femme d’extrême droite (hum !) couchée là où il croyait si bien s’étendre. Tant pis. Il regarde un film. Au mot fin, il tombe de sommeil. La femme s’est relevée, assise sur son siège. Raoul s’allonge. Plus tard il se relève et elle se couche. Finalement, tout au long de la nuit, ces deux-la vont partager leur territoire par périodes successives en bonne entente. Rose a moins de chance. Son voisin de rangée ne lui cèdera pas un pouce de terrain.
Derrière Raoul, pour des raisons mystérieuses, au milieu de la nuit , la femme s’exilera avec son bébé vers son siège d’origine. L’homme, enfin seul, restera allongé dans son château jusqu’au bout.
Dans la rangée côté hublot, à la hauteur de Rose, une femme visiblement adepte de la chirurgie esthétique portant moult bagouses grosses comme des balles de ping pong est nerveuse. Elle n’aime pas l’avion. Elle n’a pas confiance. Peut-être se demande-t-elle comme Jean Yanne “pourquoi n’a-t-on pas pensé à faire le fuselage des avions dans le même métal que les boîtes noires ?”. Raoul est tenté de la rassurer en lui faisant remarquer qu’elle peut faire plus confiance au pilote qu’à son chirurgien car dans l’hypothèse d’une erreur, le premier est bien plus sévèrement puni que le second. Mais réalisant qu’ils sont dans un avion de la Lufthansa, Raoul se ravise. Il pense que les passagers de la filiale Germanwing de la Lufthansa qui ont terminé leur voyage et leur vie sur les contreforts des Alpes françaises n’auraient pas apprécié le manque de rigueur de son raisonnement.
Du coup Raoul se sent coupable et un peu nerveux à son tour.
Lors du choc plutôt doux du train d’atterrissage sur la piste de Buenos Aires, la femme pousse un grand soupir de soulagement. Le pilote tenait à sa vie autant qu’à celle de ses passagers. Mais comment le savoir tant que les roues n’ont pas touché le sol.
Le monde en réduction d’un vol en avion ressemble décidément au monde réel. Désir de conquête, résistance, coopération, danger, incertitude, confiance, défiance ne s’y retrouvent-ils pas ?
A bientôt