Perte de repères

Dès les premières heures de leur voyage en Jordanie, Rose et Raoul Piche vont d’étonnements en étonnements. D’abord, il y a ce pépiniériste qui dépose ses milliers de pots en bordure du trottoir, le long d’une route fréquentée. Ni clôture, ni barrière. N’importe qui pourrait se servir en douce. Mais non, pas ici (sinon ce commerçant défendrait ses biens). Réflexion pernicieuse de Raoul, « pourtant, c’est plein d’arabes. Nous aurait-on menti ? ». Ensuite, plus loin, il y a cette jeune femme voilée, joliment vêtue, sac en bandoulière qui attend sur le bord de la route devenue déserte. « Qu’est-ce qu’elle fait là? s’interroge Raoul », « elle attend peut être tout simplement quelqu’un, avance Rose ». « Tu crois que c’est une pute ? », Rose s’étouffe « voilée !!? », « ben, ça n’empêche pas d’avoir de la religion !  Estime Raoul », qui se lance dans un long développement sur le thème « pute et soumise » qu’on épargnera au lecteur.

Au fil des heures, les Piche perdent leurs repères.

Arrivés au mont Nébo d’où on aperçoit, en principe, la mer Morte, Jérusalem, le mont des Oliviers, Jéricho etc. les Piche, eux, ne voient rien du tout. Un désert à leurs pieds et de la brume au loin. « C’est une arnaque ce mont Nébo », déclare tout de go Raoul prêt à en attribuer la responsabilité aux arabes du coin.

Tard, en fin de journée, Rose et Raoul veulent acheter des fruits. Tous les magasins sont fermés. Tous, sauf d’innombrables petites épiceries arabes. Normal. Ils entrent dans l’une d’elles et c’est là qu’un édifice de préjugés s’écroule. Au moment de payer, Raoul pose la question rituelle « combien doit-on ? » sensée préluder à une réponse majorée de 10 à 15%, l’épicier répond « cadeau », « c’est pour vous souhaiter la bienvenue en Jordanie ! », Raoul n’y comprends plus rien. Rose, elle, arbore une grand sourire.

A bientôt.

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