Le taxi et la route africaine

Pour se déplacer de ville en ville, Rose et Raoul Piche qui voyagent désormais avec Chantal et Patrice empruntent des taxis collectifs 504 Peugeot break. Il s’agit d’un objet roulant à 8 places avec le chauffeur. Il part lorsqu’il est plein. Pour ne pas attendre des heures au soleil trois passagers complémentaires, le petit groupe de quatre paie pour sept afin de partir sans tarder.

Première prise de contact avec l’engin, l’ouverture des portières. L’usage de la poignée externe est tentant. Ce n’est généralement pas le bon choix. Mieux vaut passer la main à l’intérieur, saisir la ficelle qui sort de la garniture de la portière et tirer un coup sec. La portière ne s’ouvre pas. Mais ce geste a pour effet de faire se précipiter le chauffeur sur la même ficelle qu’il tire d’un coup sec. La portière s’ouvre…

Second contact, les fenêtres. Capitales les fenêtres lorsque la température extérieure oscille entre 32°C et 41°C. Pour les ouvrir ou les fermer la manivelle n’est pas la règle. Parfois un moignon d’axe indique l’emplacement d’une manivelle absente. Le recours au chauffeur est alors indispensable, il se saisit de la vitre et par une savante manipulation oscillatoire du verre, l’ouvre ou la ferme. Il arrive qu’une manivelle baladeuse s’emboîtant sur le moignon soit prêtée par le chauffeur (rare). Un jour, Raoul s’inquiète : ni axe, ni manivelle, la fenêtre fermée, semble électrique. Catastrophe ! Un examen détaillé du tableau de bord ne révèle aucun interrupteur en état de marche. Sollicité, le chauffeur se saisit d’un groupe de 5 fils aux extrémités dénudées qui sortent d’une aération. Il joint le marron, le bleu, le jaune-vert avec le rouge et, miracle, la fenêtre descend.

Le haillon duement fermé sur le coffre à bagage par une ficelle d’emballage, le véhicule est prêt à partir.

Clé de contact ou contact avec des fils dénudés sous le volant, le moteur démarre. Enfin, pas toujours.

Parfois la 504 est astucieusement garée sur une légère pente et c’est grâce à la gravité terrestre que, inch Allah ! le moteur démarre. Mais si Allah n’inche pas, alors Rose, Chantal, Patrice et Raoul se substituent à lui et poussent l’engin jusqu’à ce que démarrage s’ensuive.

Premiers roulements de roue, les regards se portent sur la route. Mais entre eux (les regards) et elle (la route) s’interpose un pare-brise étoilé. Les lignes de cassures longues, systématiques et nombreuses prouvent que le verre brisé peut rester brisé longtemps sans inconvénient. Il n’y a aucune filiale de Carglass en Afrique.

L’oscillation du volant, les vibrations de la caisse indiquent aux passagers que l’engin roule. En toute sécurité. En effet, les voitures ne roulent jamais vite. Par prudence ? Plutôt grâce aux nids de poule qui parsèment les routes et font office de ralentisseurs en série. Si d’aventure la route est bonne, c’est la mécanique des 504 Peugeot break qui protège les voyageurs. Avec la meilleure volonté du monde, elle ne permet guère de dépasser le 70 km/h. Il arrive que le propriétaire du taxi pousse la sécurité à l’extrême. L’un d’eux n’a-t-il pas équipé son engin de quatre pneus neige à la grande surprise des Piche ! La météo ne prévoyait guère de chute intense pour ce jour là, plutôt un beau soleil avec 36°C. Mais sait-on jamais !

Rose et Raoul ont rapidement compris qu’il y avait une question à ne jamais poser au départ d’un voyage « vers quelle heure va-t-on arriver ? ». La réponse, toujours évasive, se conclut systématiquement par un fataliste « Inch Allah » ! Mais comme il a été dit précédemment Allah n’inche pas toujours. Ainsi, à Dakar, des Français de rencontre ont expliqué aux Piche qu’Allah avait bu inopinément la totalité du réservoir, provoquant une panne de leur taxi. Puis, facétieux en diable (si l’on ose dire, parlant de la concurrence…) Allah a fait exploser un pneu. Cela sur 3 km de trajet.

Côté Piche, Allah a cessé de vouloir sur un long trajet entre Tambacouda et la frontière malienne. Différentiel du pont arrière cassé. La panne est intervenue à … 1 km d’une station de taxi collectif. En un quart d’heure les Piche et leurs amis avaient un taxi de remplacement et le taxiteur avait un mécano sous sa voiture clé de 17 en main.

La mécanique est un art africain.

Le nombre de poids lourds immobilisés le long des routes est incalculable. Pour eux Allah inche rarement. Mais les mécaniciens africains sont des dieux, des vrais, capables de tomber un moteur diesel de 380 CV sur le macadam et de refaire le vilebrequin. Cela peut durer 15 jours mais le semi-remorque repart toujours.

Sur les pistes de latérite le dépassement des camions conduit à traverser un nuage de poussière rouge qui contribue au joli teint hâlé des voyageurs. En absence de camion sur la tôle ondulée, la poussière vient de l’intérieur, elle décolle des sièges, s’envole et retombe sur les passagers. Bref, elle est toujours présente.

Comme pour faire tenir les morceaux ensemble, les pare-brise étoilés portent de nombreuses vignettes. Les apercevant, Rose demande à Raoul : « tu crois que c’est le contrôle technique ? »

Les Africains ont aussi beaucoup d’humour. Sous le soleil c’est contagieux.

A bientôt (enfin… Inch Allah!)

PS Si les Piche sont moins prolixes, c’est parce que leur emploi du temps est chargé et les connexions internet pas faciles.

Photos de la route africaine…

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