Un sourire généreux vaut mille mots d’accueil

Lopburi, 31 janvier 2002.

Rose tient un cahier de vie comme elle en a demandé à ses élèves pendant des années. Elle y inscrit où elle va, ce qu’elle voit et colle une grande variété de documents relatifs aux lieux visités. Par exemple, elle a scotché une feuille d’or que le vent avait arrachée à un bouddha, dans un temple de Lopburi, dont elle a suivi le vol plané pendant cinq bonnes minutes.

Raoul, lui, note des observations éparses et pour le moins hétéroclites avec parfois les réflexions qu’elles lui inspirent.

Au détour des pages de son carnet on peut lire :

- « Lu dans le “Bangkok Post” cette prévision météo pour la journée du 30 janvier 2002, “froid 23°” ! »

- « Vu un plongeur avec une cloche à plongée sur le Chao Praya pour caréner sa barque. Une cloche à plongée !  »

- « Nous passons nos nuits dans des chambres avec des salles de bain qui ont toujours des problèmes de plomberie et nos journées dans des palais et des temples dégoulinants d’or et de matériaux précieux. Contraste. »

- « ”Le rire est le propre de l’homme”, certes. Mais celui qui rit, rit pour lui, c’est un plaisir individuel, presque égoïste, alors que le sourire est un cadeau offert à celui auquel on l’adresse. Les Thaïs sont souriants. Un sourire généreux, franc qui vaut mille mots d’accueil. A leur contact, on apprend à sourire avant de parler. »

- « Même si l’on ne connaît que trois mots de thaï, les Thaïs se mettent en quatre pour aider ceux qui s’efforcent de leur parler dans leur langue, aussi pauvre que soit leur vocabulaire ».

- « Les singes qui ont envahi Lopburi, c’est la version simiesque des “oiseaux ” d’Hitchcock. Ils sont partout : sur les fils électriques et téléphoniques, sur les trottoirs parmi la foule, sur les stores des magasins et autour des temples où les moines ont pris l’habitude de leur offrir de la nourriture. Rose a hurlé “aiiiiieee” lorsqu’un singe lui a tiré les cheveux alors qu’elle marchait paisiblement devant un magasin. Le petit singe était perché sur le store en façade du magasin. »

- « Au marché de nuit d’Ayutthaya, côté marchands musulmans, vu les premiers tee shirt avec, au dos, l’image du ground zéro et le texte “USA under attack : 11 september 2001″ et, sur le devant l’effigie de Ben Laden. Nous sommes quatre mois après le 11 septembre 2001, verra-t-on cela en Europe ? »

- « Tiens, un troupeau de buffles qui traverse l’autoroute ! »

- « Le marché flottant de Domoen Saduak s’est transformé en marché d’artisanat pour les touristes. La manie du petit cadeau que l’on ramène de voyage pour la famille et les amis est un véritable fléau. Les touristes achètent mais pas trop cher (il en faut pour tous) donc ils achètent des m….. conçues pour cet usage par les artisans locaux. Du coup, la production artisanale de m….. supplante toute autre activité dans des lieux où, avant, existaient d’authentiques échanges entre gens du pays. Le tourisme de masse détruit ce qu’il veut admirer. Faut-il arrêter de voyager ? ou faire du tourisme autrement ? »

- « Les architectures Kmer et Thaï de l’époque Ayuttahya sont massives. Elles utilisent les briques cuites, donc rose (comme à Toulouse) dans des épaisseurs considérables. Les édifices ne sont ni très hauts ni très volumineux mais bigrement épais. Finalement, il y a trois types d’architecture de “glorification” dans l’histoire : celles en hauteur (cathédrales), celles en épaisseurs (pyramides, prangs, cheddis, Wat), celles en étendue (Versailles, Angkor, muraille de Chine). Pour ce qui est des matériaux, la brique cuite tient nettement moins bien que la pierre. Le palmarès de la résistance au temps semble être le suivant : Egypte, Grèce, Rome, civilisations asiatiques. »

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