L’éléphant plus cool que le cheval, mais quand même…

Kanchanaburi, 30 janvier 2002.

Rose et Raoul étaient assis l’un à côté de l’autre sur le télésiège à deux places, la barre avant soigneusement baissée. Le télésiège démarrait, s’arrêtait, démarrait à nouveau, s’arrêtait encore. Le cycle recommençait sans cesse, imprégnant à Rose et à Raoul un mouvement du corps en avant puis en arrière qui les faisait onduler mollement. Sous eux, l’éléphant marchait à son rythme. Car le siège n’était pas croché sur un câble mais installé sur le dos d’un pachyderme. Ni Rose, ni Raoul n’avaient eu l’occasion de partager à ce point l’intimité de la vie d’un tel animal. Devant eux, assis sur la tête, un jeune cornac guidait en triturant le haut et l’arrière de l’oreille droite pour tourner vers la droite, arrière gauche pour tourner à gauche. Pour reculer, il intervenait sur l’avant de l’oreille. Une véritable boîte de vitesse le crâne d’un éléphant ! Raoul déteste se trouver sur un moyen de transport vivant car, prétend-il, tout ce qui est vivant est doué d’une volonté propre, contrairement aux engins mécaniques qui n’ont aucun état d’âme et obéissent à l’homme aveuglement. Rose, qui adore le cheval, est d’une opinion opposée. Raoul, d’abord séduit par la boîte de vitesse de l’éléphant, a ensuite été conforté dans son opinion lorsque “son” éléphant s’est mis à arracher l’herbe au sol à pleines poignées, (enfin, à pleine trompe mais il s’en sert vraiment comme d’une main), à grappiller des feuilles d’arbre lorsque ça lui chantait et à s’arrêter pour se délester de 10 Kg de selles (tout de la fibre) et de 5 litres d’urine lorsqu’il le voulait. Si bien que Raoul a fini par s’écrier:

- Finalement, ils sont comme les chevaux. Ils font ce qu’ils veulent.

- Mais non, lui a rétorqué Rose. Ils font ce qu’on leur laisse faire.

Raoul n’arrêtait pas de tripatouiller la peau de l’éléphant, tout étonné de constater qu’elle n’avait pas la texture cartonnée qu’il lui supposait. « Ce n’est pas de la peau de bébé, certes, mais pas du cuir tanné non plus, se dit-il. De plus, elle porte quelques poils épars plutôt rigolos ». Tout au long de leur promenade, Rose et Raoul ont suivi avec attendrissement un éléphanteau que sa mère ne lâchait pas et qui s’amusait de tout. Pas question de s’éloigner d’un mètre de trop, la maman le ramenait aussitôt dans le droit chemin d’un mouvement de trompe. Raoul remarquant à haute voix que la mère possédait deux seins magnifiques (pas de mamelles, des seins!), s’est attiré en retour une observation de Rose qui lui a fait remarquer combien le père est bien monté… Eléphantasmes.

Après une heure de paisible promenade à dos d’éléphant, Rose demanda à Raoul de reconnaître qu’il avait bien apprécié.

- Bien sûr, c’est cool la balade à dos d’éléphant parce qu’a aucun moment il n’y a un imbécile pour crier “qui veut faire du galop?” et six à huit idiots qui répondent en cœur “nous, nous, nous” et un, moi, qui hurle “pas de galop, pas de galop, pas de galop”. Rien que pour ça, c’est vrai, l’éléphant c’est plus sympa que le cheval.

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