La rencontre avec Aung San Suu Kyi

Garée dans la rue qui conduit au marché de Bagan, une calèche porte, bien en vue, deux portraits : ceux de Aung San, père de l’indépendance de la Birmanie et de Aung San Suu Kyi, sa fille. Prix Nobel de la paix, la « Mandela » d’Asie, l’émule de Gandhi qui prône la non violence est omniprésente, en image, sur les étals de rue comme dans les taxis, signe d’une libéralisation apparente.

Après la calèche, les Piche passent devant le siège local de la « National league for democratie » (NLD), le parti d’Aung San Suu Kyi, qui arbore des banderoles fraîchement imprimées. Plus loin, ils s’étonnent de la foule massée des deux côtés de la route. Rose questionne une femme qui lui répond :

- Nous attendons notre leader, Aung San Suu Kyi, vous la connaissez ?

- Si nous la connaissons ? Mais le monde entier la connaît ! Elle doit passer par là ?

- Oui, oui elle va passer par là, répond la femme avec enthousiasme.

Branle bas de combat du côté des Piche et de leurs amis Chantal et Patrice. On s’enquiert de la trajectoire prévue, on fourbit caméras et appareils photos et chacun se perd rapidement dans la foule.

Au loin, Rose et Raoul semblent deviner des flashs qui crépitent, des voitures paraissent arrêtées. Ils se dirigent dans cette direction. Mais rien. Fausse alerte. Autour d’eux, sans qu’ils comprennent pourquoi, les gens traversent la route pour se placer sur un même bord. Rose et Raoul restent seuls du « mauvais côté ».

Raoul aperçoit un puits entouré d’un mur d’un bon mètre de haut, il grimpe dessus ce qui lui donne une vue parfaitement dégagée.

Il remarque alors une colonne de voitures qui avance lentement au loin et la foule qui s’agglutine autour. « Elle » est là, habillée de rouge, dépassant du toit de sa voiture, resplendissante. Raoul filme. Le cortège s’approche jusqu’à parvenir à proximité immédiate de la position stratégique de Raoul.

Aung San Suu Kyi salue la foule, non pas négligemment mais avec attention en cherchant le regard des gens. Elle arbore un superbe sourire. Son regard se porte vers la silhouette occidentale perchée sur un muret. Au même moment, Raoul qui a écarté la caméra de son visage la salue de la main. Elle lui répond du même geste, ses yeux rencontrant ceux de Raoul Piche, tout ému.

Le cortège poursuit lentement sa route entourée d’une nuée de motocyclistes et de piétons qui tentent de prolonger ce moment de grâce.

Rose et Raoul essaient de suivre mais y renoncent finalement. La rencontre a eu lieu et elle a été parfaite dans sa brièveté.

Arrêtés devant une échoppe, ils regardent les images prises, en compagnie des deux femmes birmanes qui s’excitent lorsque sur le petit écran, elles voient Aung San Suu Kyi, plein cadre, saluer la caméra. L’une d’elle tape de la main l’épaule de Raoul en tressautant sur place et en prononçant des paroles manifestement joyeuses mais totalement incompréhensibles pour les Piche. Bref instant de joie partagée.

Plus tard, en lisant le livre que Thierry Falise lui a consacré, Raoul lit les lignes suivantes :

« … mais c’est surtout le regard qui s’est affirmé. Intense, profond, scrutateur, dont on ne s’échappe qu’intimidé ou envoûté. C’est le regard de son père. » Et, Raoul de dire à Rose :

- C’est ce regard là que j’ai vu.

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