L’Inde est à l’image de sa plomberie…

Varanasi, 10 mars 2003

Est-ce d’avoir plongé les mains dans l’eau du Gange? Est-ce d’avoir caressé les sculptures érotiques des temples de Kajurao? Toujours est-il que Raoul se demande si pour comprendre l’Inde, sa complexité, ses contradictions, sa grandeur, il ne convient pas d’examiner sa plomberie. Il pense, en effet, qu’elle est le reflet en tout point de l’image de ce pays.

En Inde, il suffit parfois de tourner un robinet pour que l’eau chaude parvienne instantanément au lavabo. Mais rarement.

Parfois, l’eau arrive mais demeure obstinément froide.

Parfois, elle n’arrive pas parce qu’il faut, au préalable, ouvrir un petit robinet situé sous le lavabo.

Parfois, le robinet tourne sans fin et reste dans la main.

Parfois, le robinet fonctionne mais il n’y a plus de lavabo dessous.

Parfois, l’eau reste froide parce que le robinet d’eau chaude occupe la place du robinet d’eau froide. La présence d’une pastille rouge très voyante sur un robinet ne préjuge jamais de la fonction du dit robinet.

Parfois, les robinets sont à leurs places, ils tournent normalement, le lavabo est là lui aussi mais l’eau est coupée…à cause d’une panne d’électricité. L’écoulement du lavabo s’effectue parfois via un siphon et un tuyau encastrés dans le mur. Mais rarement.

Parfois, un tuyau en plastique part de la bonde pour arriver au ras d’une grille d’évacuation. Parfois ce tuyau s’interrompt à mis hauteur assurant le rinçage simultané des mains et des pieds de l’utilisateur.

Les robinets de douche suivent plus ou moins les mêmes lois que les robinets de lavabo mais le chauffage de l’eau offre une passionnante diversité.

Parfois, il suffit de tourner le robinet d’eau chaude pour que celle-ci s’écoule du pommeau de la douche. Mais rarement.

Parfois, il convient de mettre en route un cumulus électrique ce qui ne soulève guère de difficulté puisqu’interrupteurs et contacts dénudés sont situés à quelques centimètres seulement du pommeau. Le nombre d’électrocutés ne faisant pas la une des journaux, prouve la puissance du divin dans ce pays (ou les lacunes de la presse mais il s’agit là d’une vison étroite de l’Inde).

Parfois, il suffit de commander le chauffage d’un cumulus à bois la veille du jour prévu pour la douche. Parfois, l’eau arrive dans un baquet livré par un employé. Dans ce cas, on parle “d’eau courante”.

Mais c’est avec les toilettes que la plomberie indienne tutoie le sublime. Qui d’autres que des Indiens pouvaient réunir en un même objet un wc à l’européenne et à la turque à la fois? Shiva et Vishnou en une seule cuvette !

Par crainte de lasser, ce plongeon dans les tréfonds de la société indienne en restera là, laissant planer à tout jamais les mystères des évacuations des déjections humaines. L’Inde possède sa part de merveilleux que Raoul se voudrait de galvauder.

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