Le Gange fleuve sacré, sacré fleuve !

Varanasi, 7 mars 2003

Bénarès est célèbre pour ses bains purificateurs dans le Gange et pour ses crémations à l’ancienne, au feu de bois. Depuis quelques années Bénarès s’appelle Varanasi. Les guides touristiques ayant informé Rose, Raoul Piche que chaque jour “150 000 pèlerins arrivent à Varanasi” et que “près de 150 corps sont brûlés sur les bords du Gange”, les voyageurs s’attendaient à une ambiance Palavas-les-Flots, en plus mystique, mais avec les mêmes odeurs de barbecue. Ils ont été déçus.

Une première fois ils se rendent sur les escaliers (Ghats) qui descendent jusqu’au fleuve. Est-ce l’heure tardive de la matinée? Peu d’Indiens pratiquent des “pujas” (prières) avec ablutions dans le Gange. Ils y retournent une seconde fois, plus tôt, et longent la rive en barque. La fréquentation n’est pas beaucoup plus forte. Mais la vision de la courbe du fleuve bordé par des kilomètres d’escaliers dominés par des bâtisses pittoresques, parfois belles, ne manque pas de grandeur.

Pour en avoir le cœur net, Raoul se lève un matin très tôt et retourne sur les lieux au lever du soleil, moment privilégié pour les prières. Une grosse centaine d’Indiens, pas plus, se sont levés comme lui, à l’aube. La plupart sont agés. Les touristes, dans des barques passant sous leur nez, sont presque plus nombreux.

Déçu par ce manque de couleur locale, Raoul prend le parti de s’en réjouir : “finalement l’Inde bouge. Les superstitions régressent”, pense-t-il. Il ne résiste pas au plaisir de s’en entretenir avec un brahmane qui lui confirme son impression.

- C’est vrai, les jeunes préfèrent les “façons occidentales”. Et puis ils croient que le fleuve est pollué. Lui dit le vieil homme.

- Pas vous ? l’interroge Raoul.

- Je me baigne ici depuis 70 ans et je me porte très bien !

Raoul en reste coi.

Lors de leur première promenade Rose, Raoul, Etienne et Martine ont assisté à des crémations. Le “spectacle” est dur, choquant. Il incite à un certain recueillement. Néanmoins, Raoul intrigué par le volume relativement faible des bûchers et leurs dimensions insuffisantes glisse à l’oreille de Rose :

- Lorsqu’on cuit un poisson sur un feu trop étroit, que la tête et la queue dépassent des braises ce n’est pas gênant. Mais lorsqu’il s’agit des extrémités d’un être humain… je trouve que cela manque de professionnalisme.

Raoul n’a pas attendu pour voir si un intouchable “ramenait” ces extrémités sur la braise. Cela n’a guère d’importance, les “gros morceaux” non brûlés sont immergés dans le fleuve purificateur.

Mais de purificateur à pur il y a toute la distance qui sépare le mysticisme de la biologie. Elle est mesurée par le service de l’hygiène de la ville de Varanasi qui dans son analyse quotidienne de l’eau du fleuve indique à la rubrique “germes pathogènes” : “innombrables”. Une analyse que personne ne lit.

De toute façon, pour les Indiens mourir à Bénarès et y être incinérés est un bonheur car cela arrête le cycle des réincarnations. Si les “germes pathogènes” du Gange peuvent y aider, pourquoi s’en plaindraient-ils ?

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