Particules nullement élémentaires et œil bouffi

Phnom Penh, 21 février 2002.

Il arrive que l’on se réveille avec les yeux bouffis. Rose, elle, a choisi de n’avoir de bouffi qu’un seul oeil. Mais si bouffi qu’il en reste fermé. En forçant un peu, elle arrive à montrer à Raoul une fente d’œil qui fait assez pays mais dégrade sérieusement son visage d’ordinaire avenant. A dire vrai, elle est affreuse. “Conjonctivite due à la poussière” diagnostique un homme de l’art. Il faut dire que depuis plusieurs jours, Rose, Raoul et leurs amis regagnent leur hôtel après un assez long trajet en moto taxi, enrobés dans une épaisse poussière qui ne se dissipe jamais. A l’arrivée, les cheveux blancs de Raoul ont une superbe couleur ocre, et tous, une seconde peau qui résiste au premier lavage.

- Y a pas d’eau !!!

Ce cri, jailli des douches, annonce la catastrophe au soir du quatrième jour. Alors que chacun est sous la douche pour attaquer sa carapace de crasse, le robinet se contente d’émettre un psschiit sonore mais d’eau, point. Après le naufrage collectif, le petit groupe affronte l’insupportable sècheresse crapoteuse. Un dénouement heureux interviendra tard dans la soirée mais Rose en sortira irrémédiablement bouffie au petit matin.

Il est remarquable de noter qu’en dépit de cette atmosphère lourdement chargée en particules, nullement élémentaires, Raoul arpente les rues avec des mocassins plus reluisant qu’en France. Coquetterie? Non, pression des enfants des rues qui se précipitent les uns après les autres sur ses chaussures. Des vraies chaussures noires dans un monde de (va) nus-pieds incirables. Raoul refuse, une fois, deux fois, puis cède une fois, deux fois, et constate avec peine qu’un malheureux billet de mille riels (2FF) suffit à amener un profond sourire de gratitude sur le visage de l’enfant qui le reçoit comme si une telle “somme” dépassait son espérance.

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