La Confitería Ideal

Carlos Gradel a chanté là, Maurice Chevalier y est venu tout comme Vittorio Gassman, des scènes des films « Tango » et « Evita » y ont été tournées. C’est dire si « La Confitería Ideal », café mais surtout haut lieu de rencontre des passionnés du tango, appartient à l’histoire de Buenos Aires.

Son style art déco du début du XX ème siècle l’a figée à cette époque. Colonnes de marbre, coupole de fer forgé, vitraux tchèques, percolateurs centenaires, services de cristal, lustres et appliques inondant la salle de bal de mille feux, en 2013 on est encore en 1912.

Même les danseurs qui évoluent sur la piste semblent d’époque. Là, un jeune couple, lui en pantalon trop ample, elle avec une longue robe et des chaussures à talons hauts et fins, enchaînent des passes savantes avec délice. Plus loin, un couple entre deux âges, lui tout de blanc vêtu, moustache et barbe au menton, entraîne une femme « embijoutée » dans une danse coquine.

Le haut des corps semble figé mais les jambes tournoient, se croisent, se frottent, s’entre-croisent, sont vivement jetées vers l’arrière puis s’écartent en ciseau vers la gauche, le couple se serre, se colle, s’écarte, tournoie, multiplie des pas qui lui font faire le tour de l’immense piste de marbre. La danseuse frotte son pied sur le pantalon du danseur, oh!

On retrouve les origines du tango, cette danse de malfrats qui sévissait à la Boca, le quartier du port où les machos immigrés italiens imposaient leur loi. Immigration massive qui a fait dire que « les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens descendent des Incas, et les Argentins descendent… du bateau. »

Évidemment, c’est dans cette célébrissime « milonga » que Rose prend sa première leçon de tango. Même si le tango se veut danse d’improvisation, son apprentissage se révèle très technique : avant, pivot, écartement à droite, arrière, croisé, la gamme des pas de base est sans limite.

Après la grammaire espagnole voilà Rose qui apprend celle du tango. Pas si simple qu’elle le croyait. L’apprentissage durera plus que prévu. Raoul qui connaît ses limites plus que réduites en ce domaine, reste sagement à observer les lieux et les danseurs.

Après cette plongée dans le passé, les Piche se réjouissent que « La Confitería Ideal » n’ait pas été gagnée par la « mondialisation » comme bien d’autres lieux fameux de Buenos Aires. Sans vouloir fâcher leurs amis anglo saxons, Rose et Raoul trouvent que les noms d’origine des cafés porteños, « La Orchidea », « La Poesia », « Café Tortoni », « Café de los Angelitos », « Las Violetas », « Mundo bizarro » sonnent tout de même mieux que les rugueux « Starbuck’s » (beurk!), « Mac Donald’s » et autres « Burger King » qui les ont trop souvent remplacés dans des superbes édifices prestigieux du coeur de ville.

Mais les Argentins ne sont pas comme les Piche, ils acceptent plus volontiers la domination linguistique et culturelle étatsuniène (« estadounidense» comme il est dit ici où l’on demeure malgré tout chatouilleux sur l’appropriation des termes Amérique et Américains par les seuls « Etatsuniens »). Pour preuve les films à l’affiche dans les principales salles de la ville qui sont quasi exclusivement les « blockbusters » (et allons-y !!!) hollywoodiens en version originale sous-titrée. « C’est bien, comme ça, les aveugles peuvent lire ce qui se dit » lâche un Piche qui ne sera pas dénoncé dans ces lignes car il exerce des menaces à l’encontre de l’autre Piche, « si tu me dénonces, je dirai comment tu conjugues l’auxiliaire « haber » (avoir) en « haribo » (bonbon à la réglisse fabriqué à Uzès…) ».

C’est tendu en ce moment chez les Piche.

A Bientôt.

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