Deux touristes cyniques

Aurangabad, 15 janvier 2003

- Houla ! Il y a un unijambiste qui nous rattrape.

- Où ça ?

- Là-bas, sur le passage piétons.

- On devrait arriver de l’autre côté avant lui. Dis donc, il saute drôlement vite, c’est un unijambiste turbo.

- Et en plus il lui manque un bras !

- Oui mais pas du même côté, ça équilibre.

Comme d’habitude, face aux situations extrêmes, Raoul Piche choisit la dérision et le cynisme, sa façon à lui d’esquiver une situation trop dure.

Il ironise sur le cul de jatte qui se déplace à l’aide d’une sorte de skate board au raz du bitume et quémande entre les voitures en plein embouteillage, au risque évident de ne pas être vu et de se faire écraser : “il n’a plus grand chose à perdre !”.

Quant au double manchot qui se plante devant lui en silence (serait-il aussi muet ?) le regard tendu vers le sien avec intensité, il semble lui dire “et moi ? je ne t’inspire aucune pitié ?”. Il ne se rend pas compte que son handicap est trop fort pour Raoul. ” Comment pourrais-je lui donner une pièce, il n’a ni bras ni main”, pense fugacement Raoul avant de remarquer la boîte de conserve pendue au cou qui sert de sébille. Plus tard, lorsque Raoul parlera à Rose de ce mendiant, elle lui avouera “Je l’ai entr’aperçu, je n’ai pas pu le regarder”.

Face à la misère, chacun choisit sa fuite ou son combat. Mais n’est pas mère Teresa qui veut.

PS : Si en lisant ces lignes vous avez souri, vous ne valez pas mieux que Raoul. Rendez-vous en enfer.

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