Elections, ni démocratique, ni populaire en République Démocratique et Populaire du Laos

Vientiane, 24 février 2002.

- Ne restez pas là. Dehors !

- Pourquoi ? Nous voulons seulement voir les gens voter, réplique Raoul tandis que le militaire le pousse gentiment vers la sortie du temple qui, ce jour là, sert de bureau de vote pour les élections législatives laotiennes.

Teigneux, Raoul insiste :

- Mais la démocratie, c’est le vote en public ! Et votre pays est bien une démocratie non? Ne se nomme-t-il pas “République Démocratique et Populaire du Laos” ?

- Dehors !

- Allez, viens, on va essayer ailleurs, lance Rose à Raoul, inquiète de voir les regards de tous les militaires tournés vers eux,  comme le sont également les armes posées sur leurs genoux.

Rose et Raoul enfourchent leurs bicyclettes et partent au hasard des rues de Vientiane, complètement endormies en ce dimanche d’élection nationale. Un temple se présente. Raoul n’hésite pas, il entre. Le militaire de faction n’hésite pas non plus :

- Stop ! On n’entre pas.

- Mais pourquoi …

- On n’entre pas !

Raoul cherche autour de lui quelqu’un qui pourrait servir d’interprète. Il jette son dévolu sur un jeune homme qui parle anglais.

- Pouvez-vous demander à ce militaire pourquoi on ne peut pas assister au vote ?

Le malheureux jeune homme se sent pris en otage et marmonne la question en lao à l’adresse du militaire tout en baissant les yeux, très gêné.

La réponse du militaire est brève.

- Ce n’est pas possible d’entrer, traduit le jeune homme qui tourne les talons.

Surgi de nulle part, une homme intervient dans un anglais parfait et avec l’assurance d’un homme du parti :

- Qu’y a-t-il ? Que voulez vous ?

- Nous voudrions assister au vote.

- Ce n’est pas possible en ce moment. Le bureau fait la pause déjeuner. Revenez cet après midi.

- A quelle heure ?

- A partir de 14 h.

A 15 h. Rose et Raoul reprennent le chemin du premier temple. Ils entrent, trop tard, le vote est clos. Ils ont juste le temps d’apercevoir des militaires qui décomptent les voix de chacun des 18 candidats du « Parti Révolutionnaire du Peuple Lao » quand tout à coup…

- Dehors !

Le militaire de ce matin !

Cette fois-ci Rose et Raoul n’insistent pas et ils pédalent jusqu’au second temple.

- Dehors !

Là non plus, en dépit de la promesse du matin, ils ne sont pas les bienvenus. Ils parviennent cependant à se coller derrière les barreaux des fenêtres et à observer le décompte qu’accomplissent scrupuleusement quatre militaires d’un côté de la salle et trois jeunes du “mouvement des jeunesses Laotiennes” de l’autre. Pas l’ombre d’un citoyen autour d’eux. Et personne, non plus autour du bureau de vote, hormis Rose et Raoul. Par 34 degrés à l’ombre, les élections législatives laissent de glace le peuple lao.

Dans la soirée, Rose et Raoul lient conversation avec un vieux monsieur qui parle français. Au bout d’un moment, Raoul l’interroge :

- Vous avez voté aujourd’hui ?

Très chaleureux jusqu’alors, l’homme, sans répondre, lance à Raoul un regard qui vaut 10 éditoriaux. D’opposition. Un regard qui semble reprocher sévèrement à Raoul d’ignorer que lorsqu’un pays accole les mots “démocratie” et “populaire” dans son nom, c’est bien parce que son régime n’est ni démocratique, ni populaire. Alors les élections…

Au cours de cette journée, Raoul avait tout fait pour qu’on lui prouve le contraire. Las, l’ensemble des personnes rencontrées avait mis beaucoup d’application à lui démontrer que le vieux monsieur avait raison.

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