Impressions africaines

Après 4500 km parcourus à travers quatre pays d’Afrique de l’ouest (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Bénin), après de nombreuses rencontres, les impressions des Piche sur cette partie du continent sont pour le moins contrastées.

L’Afrique est pauvre tout le monde le sais. Mais voir et savoir n’est pas équivalent. Pauvreté misérable des grandes villes (Dakar, Bamako, Cotonou…) où chacun tente de survivre dans la rue avec des petits commerces dérisoires et épuisants dans la poussière, le bruit, la foule l’atmosphère bleue des gaz d’échappement (Bamako, Cotonou) sous une chaleur écrasante (même les africains souffrent de la chaleur !). Pauvreté des campagnes, plus digne moins « technique » mais tout aussi dure avec des tâches quotidiennes répétitives physiquement éprouvantes et de maigres récoltes tirées d’une nature soit hostile, soit dédiée à l’exportation au profit des pays riches, plongeant les paysans dans une misère plus grave encore au gré des cours internationaux.

La plupart des pays d’Afrique de l’ouest importent 85% de leur alimentation (source Jeune Afrique). Aussi, n’est-il pas rare de voir sur les marchés des étals qui vendent des portions individuelles de haricots secs ou de coquillettes  grosses comme le creux de la main! Des portions de survie.

Changements, évolution, émancipation, développement quel que soit le vocable choisi par ceux qui veulent espérer, les adjectifs accolés à ces mots sont toujours  les mêmes : faibles, lents, dérisoires, voire inexistants.

Tout le monde en parle, tout le monde le sait la corruption, quasi généralisée (avec de rares exceptions), spolie les peuples d’Afrique de leurs ressources. Ce sont 1800 milliards de dollars qui ont été détournés en 30 ans par les « élites » au pouvoir tout pays confondus (Source Jeune Afrique).

La corruption, mot abstrait, recouvre une réalité très concrète : ce sont des écoles volées aux enfants et avec elles l’autonomie et la dignité de leur vie future, ce sont des hôpitaux non construits prolongeant la souffrance des uns, abrégeant la vie des autres, ce sont des routes construites au rabais, vite détruites, rarement entretenues rendant plus difficiles et plus coûteux les échanges. La corruption n’est pas une abstraction, elle tue, elle vole les plus pauvres, elle ruine les futures générations.

A Bamako, Rose et Raoul Piche ont suivi la conférence d’un écrivain malien courageux, Moussa Konaté. Il vient de signer un essai « L’Afrique noire est-elle maudite ? » dans lequel il ose rompre l’omerta africaine sans pour autant basculer dans une analyse à l’occidentale.

Là bas, il n’est pas acceptable de questionner les traditions ancestrales, lui le fait, sans renier les valeurs africaines notamment de solidarité. Mais il en montre les excès qui conduisent les enfants, de soumission en soumission au père, au frère, à la sœur, aux ancêtres, à devenir des adultes manquant d’estime d’eux même, d’initiative, d’autonomie. Et si, d’aventure, l’un prend ce chemin il est stigmatisé sinon rejeté par le groupe. Au cours de leur voyage, après cette conférence, Rose et Raoul ont interrogé des Africains sur cette analyse pour savoir comment elle était perçue. Non seulement elle ne surprenait pas mais la plupart du temps leurs interlocuteurs la déroulaient d’eux même assez spontanément.

Soumis, les hommes soumettent les femmes, la tradition les y autorise. Pour Moussa Konaté, la polygamie et son corollaire l’excision (50% des femmes du Bénin) revient à exclure de la construction de l’Afrique la moitié de ses forces vives. Oh ! Combien vives. Rose a noté « qu’en ville ou à la campagne on ne voit jamais une femme assise à ne rien faire, ce qui n’est pas le cas des hommes ».

Au forum social de Dakar, les Piche ont rencontré des femmes africaines qui luttent pour changer tout cela. Mais en dépit de leurs efforts courageux et remarquables, les changements sont très lents en particulier dans les campagnes qui regroupent encore l’essentiel des populations.

Pour les Piche, ce sombre tableau contraste avec l’accueil qu’ils ont reçu, avec les échanges qu’ils ont eu avec des Africains excellents parleurs, avec la beauté de certains lieux, avec tant de choses qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils ont découverts.

L’Afrique de l’ouest est dure à vivre, dure à voyager, dure à comprendre et les Piche ont le sentiment de ne l’avoir qu’effleurée. Aussi en reviennent-ils motivés à s’y intéresser plus que par le passé. N’est-ce pas un des buts du voyage ?

Rentrés au pays, Rose et Raoul vous adressent leurs saluts les plus amicaux et pour les plus proches leurs baisers les plus affectueux.

A l’an prochain, enfin… Inch Allah !

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